dimanche 6 avril 2008

C’est mon histoire: « Entre nous, le problème, c’était l’argent ! »

Isabelle a 30 ans. Depuis trois ans, Thomas , l’homme qu’elle aime , vivait à ses crochets et ce n’était facile ni pour elle ni pour lui. Un déséquilibre qui a failli avoir raison de leur amour.



















Avec lui, tout a commencé dans une randonnée à rollers. Le Rollers, il n’y a pas de meilleure agence matrimoniale ! C’était un dimanche. On était au moins cinq cent et je ne voyais que lui. Il était un ami de mon frère, je l’avais déjà rencontré avant, mais là tout d’un coup, ça été une révélation. Il était très séduisant . Il avait une vie sociale remplie. Avec lui, j’étais heureuse, j’avais l’impression de sortir d’une longue période d’ hybernation. C’était il y a exactement trois ans, en avril 2005 . L'année de mes 27 ans. Je me séparais de H. , mon compagnon de neuf ans. Une séparation douloureuse. On avait essayé de sauver les meubles en achetant un appartement. On avait signé en janvier et on devait y entrer en juin. Mais cet appartement , on n’a même pas eu le temps de l’habiter: en avril, on s’est séparés . « c’est toi qui a choisi de me quitter , m’a t il dit , alors pour la maison , tu te débrouilles . » J’ai revendu aussitôt. Je suis retournée chez mon père . C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Thomas.



Mon père a aujourd’hui 69 ans Il est toujours très gai,trés optimiste et je l’ adore. Thomas s’est tout de suite entendu avec lui, c’était important pour moi… Ma mère est décédée , en 1989, quand j’avais 10 ans et je me suis toujours occupée de mon père ainsi que de mon frère qui a quatre ans de moins que moi . Je me suis toujours occupée des autres, moi. Avec Thomas, je retrouvais les sorties, les amis., j’avais l’impression qu’enfin je vivais. Mais le problème , c’était l’argent. Il n’avait pas de vrai travail : il allait de petits boulots à mi temps en petits boulots en CDD …. Il voulait être photographe , c’était une passion et il désirait en faire son métier mais il n’y arrivait pas , alors il vivait joyeusement à crédit et à découvert sans se soucier du lendemain.



Je l’ai aidé tout de suite . C'était facile : je travaille et en plus j'avais quelques économies. Je n’en parlais pas ailleurs . J’avais peur qu’on se moque de moi qu’on me prenne pour une cruche parce qu’ il vivait vraiment à mes crochets . Il ne me demandait rien , lui . C’était moi, j’insistais toujours pour payer. J'adorais . « Combien ça fait ? « Et on n’en parlait plus ! Je me sentais riche . Je venais de vendre l’appartement, je vivais chez mon père , je pouvais. Ses factures Internet , celles de son portable, pour moi ce n’était rien . Mais cela plaçait quand même notre relation sur des bases assez malsaines.Un soir il y a eu une fuite d’eau dans son appartement , .Le plombier est arrivé . Ca coûtait 200 euros . Il fallait payer tout de suite J’ai sorti mon carnet de chèques .Si je ne ‘lavais pas fait , le plombier repartait sans faire le boulot. Il vivait comme ça , complètement à crédit . Il se faisait d’abord plaisir, après il regardait les factures et moi j’étais là…..




Au bout de quelques mois j’ai commencé à me demander s'il ne profitait pas de la situation. Je lui reprochais de ne pas travailler et puis je vivais mal, et avec retard, ma séparation d’avec H. Je ne pouvais pas repasser devant la maison que je venais de revendre sans avoir envie de vomir . H. allait mal lui aussi et je me sentais coupable. J'ai fait une vraie dépression . Je ne faisais que pleurer et dormir . J’ai été arrêtée trois mois.


Ma dépression a failli nous séparer: il m'a trompée. Je l’ai découvert en voyant des messages qu’’une fille lui adressait sur son adresse e-mail. Il n’y avait aucun doute. Je l’ai interrogé: « je sais que tu m’as trompé. » Il niait. Je lui en voulais de ne pas me dire la vérité, mais c’était comme pour l’argent, il préfèrait repousser les problèmes, quitte à mentir ou à fuir la discussion. En même temps, il était là, avec moi alors que j’allais mal , il est resté tout le temps et je lui en étais reconnaissante. Je me disais : « il faut que je ‘l accepte avec ses défauts . Il me fait du bien et il est là , c’est le principal » Ont suivi alors presque deux ans de relation chaotique et d'amour fou. Les dernières années avec H. m’avaient minée. Avec Thomas, c’était une vie riche , animée . Et j’avais du temps a rattraper ! J’étais chez lui la moitié des nuits , les autres je dormais chez mon père . J’ai acheté un autre appartement. J’ai emménagée, seule, mais deux mois après, je n’en pouvais plus, j’ avais envie de lui tout le temps, je lui ai dit : « viens ».




On a défini ensemble la participation financière de chacun. La moitié des factures communes pour lui . Et une petite participation aux frais quotidiens. C’ était déjà un net progrés. Il a fait un effort. Il a repris le travail d’amubulancier qu’il avait exercé un moment . Mais il y avait des mois où il n’arrivait pas à me donner: il gagnait peu et l’argent avait l’air de lui filer entre les doigts. Il dépensait énormément pour sa passion : la photo. Il avait toujours besoin de plus d’appareils, de focales différentes, de logiciels pour son ordinateur. Et j’étais encore souvent appelée à la rescousse avec ma carte bancaire car la sienne ne passait jamais... Je devais assurer, je n'avais pas le choix ! Parfois on criait, on se déchirait parce que je doutais de sa sincérité, parce que j'avais peur qu'il me trompe à nouveau, parce que c'était fatiguant pour moi d'être si responsable , de toujours donner et aussi par ce que je me demandais quand tout cela allait s'arranger. Par moments je me sentais trop raisonnable, ce n’est pas rigolo d’avoir ce rôle-là et lui il en avait assez aussi d’être dans cette situation instable. On parlait beaucoup, c’est ce qui nous sauvait : on se comprenait. On se comprend.Thomas, c'est quelqu’un de bien, je n’en ai jamais douté. N’empêche, nous avons eu de la chance de nous en sortir.



Aujourd’hui, je me repasse tout le film dans la tête. Je vois bien que nous étions trop fragiles tous les deux quand nous nous sommes rencontrés. Il y avait mes failles – je suis trop maternelle !- et les siennes: il ne savait pas ce qu’ il voulait faire de sa vie. Moi, je rêvais d’avoir un enfant, alors que maintenant je me dis que pour ça j’ai le temps. … Oui, c’est vrai , tout a changé depuis trois ans. Je lui ai pardonné son écart. Et lui a su m’accepter comme je suis. On est plus libres l’un par rapport à l’ autre...Il est vrai que, professionnellement, il s’est peut être enfin stabilisé. Il a signé en décembre un gros contrat pour un job de longue durée comme photographe. Il va faire une série de reportages à l’étranger. Maintenant je me dis que c’est lui qui avait raison : ça valait la peine de faire des efforts. Il a pris des risques et ça a payé.



Il est parti pour son premier déplacement au Sénégal. Ca a été très dur: il me manquait. Le deuxième fois, en Pologne, je me sentais déjà mieux et maintenant je m’aperçois que ces séparations ont des avantages: je ne suis plus aussi dépendante de lui. Je ressens plus qu’il m’aime. D’ ailleurs il m’appelle tout le temps. Il s’inquiète pour moi. Et moi je n’ai plus peur qu ‘il me trompe…. La semaine prochaine il doit partir pour la Bulgarie. Ensuite il y aura le Nigeria, le Brésil, l’Amérique latine. A moi d’organiser ma vie pendant ces périodes sans lui !



Il gagne bien sa vie désormais et il est fier de ce qu’il fait. Il parle même d’avoir un bébé…..Avant nos amis savaient que je l’aidais,ce n’était pas forcément facile à vivre pour lui . Là, il a retrouvé un statut plus honorable. En plus, il m’ est reconnaissant d’avoir tenu. Il me dit: « Si tu n’ avais pas été là pour les appareils photo, je n’y serais jamais arrivé…»



Je sais qu'il verra ce témoignage car cette rubrique, est toujours la première qu'il lit quand il me vole mon ELLE. Je voudrais lui dire combien je l'aime et comme je suis fière de lui. Quand je l'ai connu, il se cherchait, il fuyait ses responsabilités. Aujourd’hui il me le dit: il a confiance. Son avenir, il le voit avec moi.



ELLE/ 7 avril 2008/ propos receuillis par Antoine SILBER