dimanche 18 mai 2008

C'est mon histoire « J’ai attendu d'avoir 18 ans pour coucher avec lui … »

Elle avait 15 ans et lui 31, mais elle a attendu trois ans avant d’accepter de faire l’amour avec lui. Aujourd’hui Rénatta a 20 ans. Sa belle histoire est finie mais elle n’a aucun regret. Elle nous raconte sa première fois.







J’avais 15 ans et demi la première fois que j’ai vu J. Je venais d’entrer en troisième, c’était un samedi midi. En septembre 2004, à la bibliothèque de ma ville. Il était assis derrière un bureau . Il avait le front très dégarni et une barbe de trois jours mais j’ai tout de suite flashé sur ses yeux, d’un vert que je n’avais jamais vu chez personne. Je le regardais, il m’a regardée à son tour et tout le chemin, ensuite, en rentrant chez moi, je pensais à lui. Le samedi d’après, Il était de nouveau là, mais debout, cette fois, au premier étage de la bibliothèque. Ca m’a fait un choc, parce qu’ il était plus petit que je pensais. Moi je mesure I mètre 70, lui a quelques centimètres de moins. Je lui ai demandé un livre sur la peinture. J’ai pris n’importe quel prétexte pour lui parler et on est resté une heure à discuter. Du sculpteur Botero, je me souviens. Je suis venue ensuite tous les samedis pendant toute l’ année scolaire puis tout le début de l’année d’après . On parlait et il ne se passait rien . Jusqu’à ce qu’ un jour, il me demande: « ça te dirait qu’on se voit en dehors ? » Et je lui ai répondu: « oui »




Le problème , c’est qu’il était marié ou tout comme et qu’ il était beaucoup plus âgé que moi…. Il avait 31 ans, au début, plus du double de mon âge. Et S. la femme avec qui il vivait venait d’avoir un bébé, une fille : Lily. On a commencé à se voir dehors, le jeudi. C’était un peu notre jour porte bonheur , le seul où il pouvait se libérer et où moi je finissais assez tôt. Le premier jeudi, ça a été en décembre , juste avant Noël, le 22. On est allés au cinéma voir « Et si c’était vrai…», le film tiré du bouquin de Marc Lévy. Il m’a pris la main dés que la lumière s’est éteinte et on n’a rien vu du film parce qu’ on s’embrassait tout le temps. Ca faisait quand même des mois que j’attendais ça, alors sentir sa peau, le contact de sa peau, l’odeur de sa peau ! Le goût de sa salive aussi. Boire sa salive !



Il me disait qu’ il ne se passait plus rien entre lui et S. ,cette femme avec qui il vivait. Il restait avec elle juste pour sa fille, Lily qu‘il l’adorait. Je savais qu’il disait vrai . Je comprenais . Je voyais bien que c’était compliqué pour lui. Quand je parlais de ça à mes copines, elles me répondaient: « Arrête, tu rêves, ça ne fonctionnera jamais ! » Pendant un an, un an et demi , elles n’ont pas cru que j’avais une histoire sérieuse avec lui.Mais moi je savais qu’il m’aimait , je le sentais. En mai de l’année d’après, son contrat de bibliothécaire s’est fini et on a commencé à se voir,trois ou quatre fois par semaine. On se retrouvait dans sa voiture, on s’embrassait. Il voulait qu’on aille plus loin mais j’hésitais encore. Il vivait quand même avec une autre et puis je n’avais jamais fait l’amour, j'avais peur.


En fait, il a été assez délicat. C’est un homme bien. Je lui demandais: « ça ne te dérange pas que je ne veuille pas faire l’ amour ? ». Il me répondait : « ne t’en fais pas on prendra le temps qu’il faudra ! » En France , les filles couchent pour la première fois en moyenne à 17 ans et 6 mois, d’après les statistiques. Quand j’ai eu mes dix-huit ans, je commençais à en avoir tellement envie, je me disais que peut-être je ne rencontrerai plus jamais un homme aussi gentil comme lui, c’est devenu évident.


J’ avais 18 ans et deux mois . Ca s’est passé chez moi. Le 8 juin 2006, un jeudi.

Je stressais tellement que je lui ai dit que j'allais peut être changer d'avis au dernier moment. Mais non. On était dans la pénombre . Il m'a allongée sur le lit. Il m'a déshabillée très lentement puis s’est déshabillé, très lentement également . Il m'a pénétrée doucement, j’ai eu horriblement mal mais j’étais heureuse. Il m'embrassait dans le cou tout en me demandant si ça allait et ça allait très bien, ça ne pouvait pas aller mieux. C’est ce jour -là que je lui ai dit « je t’aime » pour la première fois.

Juste après, on est allés manger un Mac Do. Je souriais tout le temps, j’étais si bien. Je lui ai demandé pourquoi il ne m’avait pas répondu quand je lui avais dit: « je t’aime » et il m’a répondu: « si je te dis que je t’aime, c’est un engagement et tu sais bien que je ne peux pas…. » Le lendemain, j’ai eu droit à un gros bouquet de roses rouges. Il y avait joint un mot . Il avait écrit : « je suis désolé de ne rien pouvoir t’offrir d’autre que ça … »



Il ne travaillait plus , donc il était très libre . On se voyait souvent et je voulais vivre ces moments exceptionnels avec lui sans penser à rien d’autre. J’étais très heureuse. Je trouvais tout merveilleux. Pour lui c’était plus difficile et quand je me montrais trop pressante, il me disait : » ne t’accroches pas trop à moi, je ne suis pas un homme fait pour toi» Et il baissait la tête, l’air triste , alors je le prenais dans mes bras …



Chaque fois qu’ on se quittait ça me faisait mal . Je ne savais pas quand j’allais le revoir et puis vivre cette histoire clandestinement , ce n’était pas facile . J’étais encore au lycée , personne ne savait , je mentais tout le temps à mes parents. Ma mère n’ arrêtait pas de me poser la question: « et alors tu l’ as fait ? »Et je ne lui répondais pas. Jusqu’à ce que je lui dise oui. Mais sans préciser avec qui. En mentant, encore! Aujourd’hui, elle croit que ça s’est passé avec un garçon de mon âge, un



En juin 2007 , j’ai eu mon bac et on s’est moins vus parce qu’il y a eu les vacances. Mais je ne pensais qu’à lui. Je suis entrée à la fac de lettres et en janvier dernier, ça a commencé à se gâter. S., la femme avec qui il vit, lui a posé un ultimatum. Elle voulait un deuxième enfant et elle lui a fait une sorte de chantage: « c’est ça ou tu t’en vas et dans ce cas , tu ne verras plus ta fille ! » Il était tellement malheureux quand il me racontait ça. Il me parlait de sa fille Lily, quand elle a fait ses premiers pas, quand elle a dit ses premiers mots, quand elle a eu la varicelle, il ne me parlait plus que d’elle. En même temps, il me disait qu’il m’aimait. Mais moi, je ne pouvais pas accepter qu‘ il fasse un enfant avec une autre alors qu’on était ensemble. Il y a une limite,. Du coup, je lui ai posé un contre- ultimatum : « Si tu fais ça, si tu acceptes, je te quitte. »



Le lendemain il m’a envoyé ce mail : « Quand je t'ai laissée hier , j’étais triste, et tu étais triste aussi. J'ai reçu un message de toi dans lequel tu t'excuses et alors là, c'est la meilleure! Tu n'as absolument rien à te reprocher, tu es parfaite. C'est moi qui suis pris au piège : soit je perds ma fille, soit la femme que j'aime, c'est à dire: Toi….. » . Je le voyais continuer à construire sa vie avec cette S. , et pour moi ce n’était plus possible Il ne voulait ou ne pouvait pas rompre. Il disait qu’il m’aimait mais en fait c’était fini, il fallait que je le quitte . Si je restais avec lui, il avait raison, j’allais rater ma vie.



On a fait ça le plus proprement, le plus respectueusement possible . On s’est revus une dernière fois le 22 février. Il ne me demandait plus de revenir sur ma décision. Il comprenait. Mais il avait l’air malheureux ! Le lendemain, le 23, j’ai reçu un nouveau bouquet de roses rouges. C’était au moins le dixième . Ca a été le dernier.


Aujourd’hui , je ne veux plus me rappeler que les bons moments avec lui . Quand, par exemple, je recevais des roses à la maison et que mon père faisait la gueule parce que je voulais pas lui dire qui en était l’expéditeur. Pour l’ instant je ne ‘lai pas remplacé. Je n’ai personne mais je sais que ça ne durera pas: j’ai en vue en garçon de la fac, un type bien lui aussi, et qui a 21 ans. J. m’a ouvert à la vie , grâce à lui, je sais que je peux maintenant aller avec un garçon de mon âge. Le mois dernier, le jour de mes vingt ans, j’ai reçu une lettre de lui et ça m’a fait très plaisir. Il me souhaitait simplement un très bon anniversaire. Comme un vrai ami.

ELLE/ 19 mai 2008/ Propos receuillis par Antoine SILBER

lundi 5 mai 2008

C’est mon histoire: « J’ai passé quatre ans dans un palace… »

Candice était, depuis 2004, attachée de direction dans un hotel de luxe prés des Champs-Elysées. A 36 ans, elle vient d’en démissionner. Elle raconte la magie du lieu et ...L'envers du décor .





























J’ai travaillé pendant quatre ans dans un palace parisien dont je ne tairai le nom mais qui est situé tout prés des Champs Elysées. J’étais aux petits soins pour les clients, connus ou non, dont je veillais à satisfaire les moindres petits désirs et caprices. Pourtant j’ai tout envoyé promener, il y a quatre mois, fin décembre 2007. Sans aucun regret. C’ est l’ un des hôtels les plus luxueux du monde, un lieu raffiné et magique où tout est parfait et j ’aimais y travailler mais je n’en pouvais plus. Je devais être à disposition 24 heures sur 24. Je n’avais plus de vie. Je crois que je serais tombée malade si j’avais continué.



C’est mon grand père qui m’a donné envie de travailler dans l’hôtellerie de luxe. Quand j’étais petite, il m’emmenait passer des vacances dans un grand hôtel a Vevey, en Suisse, un palace a l’ancienne que j’adorais. Il était suisse. Moi, j’ai été élevée en Alsace. A 18 ans, je suis allée faire l’école hôtelière à Lausanne et j’ai ensuite travaillé une dizaine d’années dans différents hôtels parisiens. En janvier 2004, j’ai été recrutée dans ce palace comme attachée de direction. J’étais heureuse et fière d’avoir réussi à arriver jusque là , au top. Je concrétisais un rêve. 245 chambres, la moins chère à 850 euros la nuit; la plus belle, la suite royale à ….10.000 euros! On était 600 employés et cadres et pourtant, on avait constamment l’impression d’être en sous-effectif.. La pression est énorme . Parce qu’avec un tel niveau de prix, évidemment, tout doit être parfait.


J’étais la seule femme attachée de direction. On travaillait par équipes , par « shifts » de 10 heures qui se tranformaient en général en 12, 13 ou 15 heures. Je devais tout le temps être élégante, parfaitement coiffée et maquillée. Et rester souriante, quoi qu’il arrive. Je devais être plus que compétente: exceptionnelle….. Le crédo à ce niveau là, c’est : « Waouh me if you can !» (éblouis-moi si tu le peux !)



Dans mon contrat, il n’était pas écrit que je devais prendre la responsabilité de l’hôtel la nuit , mais on ne m’a pas donné le choix. J’étais l’interface entre la direction générale de l’hôtel et les employés, et la nuit tout passait par moi. Je travaillais cinq nuits par semaine. Ou alors 3 nuits et ensuite deux journées. En plus, je faisais souvent des « double shifts»: j’arrivais a 22 heures 30, j’étais censée terminer le matin à 8heures et demi mais si mon collègue se faisait porter pâle, je continuais toute la journée….A côté de ça j’étais payée de manière ridicule. Bien sûr il y avait les « tips », les pourboires (environ 700 euros par mois) mais mon salaire d’attachée de direction avec 13 ans d’expérience n’ était que de 3000 euros brut. Soit par mois, à peu prés 2200 euros nets!



Une femme, la nuit, ce n’est pas évident…D’autant que j’ai toujours fait plus jeune que mon age. S’il y avait un problème au bar, un client éméché ou qui faisait du scandale, on m’appellait et parfois, il fallait de la poigne! Je devais aussi gérer les problèmes de bruit dans les étages. Des clients du Quatar ou de Dubaï réservaient d’un coup 20 ou 30 chambres; si au milieu vous avez un client américain qui demande un peu de silence, qu’est ce que vous faites? Sans compter les problèmes de « NL », les « night ladies, »les prostituées. La politique de l’ hôtel est d’ enregistrer tout le monde, pour des questions de sécurité. Or beaucoup de ces night ladies sont des immigrées irrégulières qui n’ont pas de papiers d’identité. Impossible de les laisser monter. Et comment expliquer ça à un client qui paye dix mille euros sa suite et qui attend une fille?



J’ai aussi été responsable de l’acceuil des célébrités , des stars. J’en ai rencontré quelques unes plutôt difficiles, comme Madonna, toujours un peu lointaine et légèrement méprisante. Ou Mariah Carey, jamais satisfaite. Très exigente. Elle demandait un tapis de course devant sa télé, un miroir spécial pour le maquillage avec une chaise haute, plusieurs humidificateurs dispersés dans la suite (pour sa voix). Que ses fenêtres soient toujours opaques ,aussi . Elle est un peu parano, elle. Le pire dans la catégorie clients difficiles: l’acteur Russel Crowe, extrêmement capricieux et colérique.Une fois il a balancé un téléphone sur un concierge!



Cela dit, contrairement a ce que tout le monde pense, en général les stars sont plutôt plus agréables que les clients ordinaires. J’ai plusieurs fois acceuilli Céline Dion et je l’ai trouvée merveilleuse. Elle vous embrasse . Elle vous fait parler. Elle vous demande de disposer des lys ou du mimosas dans son salon. Travailler avec elle a été un bonheur! Autre personnalité vraiment adorable: Bill Clinton. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’attentions. Il sert la main à tout le personnel. Lui il veut des cigares cubains dans sa suite et il ne boit que du diet coke « on ice » IL est encore venu l’an dernier. Un mois après, j’avais une lettre de remerciement signée de sa main. « Dear Candice, Thanks so much. I was very impressed with the professionalism and expertise of your staff, and I'm grateful for your efforts…» Ca m’a fait très plaisir ! Et puis certains clients sont très généreux. On m’a offert des bijoux, des chocolats, un vase de baccarat. On peut vous aussi glisser 10O euros dans une enveloppe comme s’il s’agissait de 5 euros !



Pendant toutes ces années, j’ai travaillé comme une bête. J’ai beaucoup aimé ça, mais j’en ai payé le prix. J’étais de plus en plus déconnectée de la réalité. Un tourbillon vertigineux m’aspirait vers toujours plus de travail, toujours plus d’heures, toujours plus de stress. Je jonglais avec mes horaires délirants, je donnais tout à l’hôtel. Résultat: ma vie personnelle a tourné au désastre. Je me suis séparée de mon ami! Il était dans l’hôtellerie lui aussi mais ailleurs et de jour . Souvent, moi, je travaillais 60, 65 heures par semaine et du coup je passais mes jours de repos à dormir. Ce n’était plus possible, nous deux . En plus, j’avais des vertiges, des maux de têtes répétés. Je suis allée voir un médecin . Il m’a fait peur. Je me disais: A 35 ans, je n’ai pas de mari, pas d’enfants, et je suis en train de me ruiner la santé. C’est nul. J’ai pris une grande décision: changer de job, opérer une vraie reconversion de carrière.



Je voulais évoluer vers les RP. J’ai demandé un congé de formation et je me suis lancée dans un MBA en Communication, Médias et Evénementiel. 7 mois d’études pendant lesquels j’ai « quitté » provisoirement l’hôtel. J’ai décroché mon diplôme avec mention. Je suis retournée à l’hôtel avec l’idée de rester dans le groupe et de demander mon transfert au siège mondial, dans le service communication. Mais ma direction ne m’a pas soutenue. Au contraire, j’ai été transférée vers un poste moins rémunéré, avec des responsabilités moindres. Une sorte de disgrâce destinée à me punir. J’ai alors décidé de démissionner.


Voilà. Je voulais vous donner une idée de ce qui se passe dans les coulisses d’un palace parisien. Depuis décembre, je respire, je revis. Je voyage .Je vois plus ma famille, ma mère. Je vais au cinéma, je vois cinq films par jour. Je visite Paris en velib’. Je vais voir toutes les expos. J’ai aussi recommencé sérieusement à chercher un travail et j’ai pas mal de propositions. Mon ancien directeur général me regardait de haut: « Candice, me disait-il, vous n’allez tout de même pas prétendre changer de métier … ». Je lui répondais : « Si, et même sans piston…. Vous verrez ! » C’est ce que je suis en train de faire: quand vous lirez cet article, j’aurais probablement retrouvé un nouveau job , non plus dans l’hôtellerie mais toujours dans l’univers du Luxe. J’ai adoré mon métier mais je l’ai quitté et je ne regrette rien. Je tourne une nouvelle page de ma vie.

ELLE/ 5 mai 2008/ Propos receuillis par Antoine Silber

C’est mon histoire: « Ce secret si lourd que ma mère me cache… »

Elle n’a pas connu son père. Sa mère n’a jamais voulu lui dire qui il était et elle n’ose toujours pas le lui demander directement. VéroniqUe, 49 ans, lance par l’intermédiaire de ELLE, un appel désespéré à sa mère pour qu’elle lui dise, enfin, la vérité sur sa naissance.














Je n’ai jamais connu mon père biologique. Ma mère ne m’a jamais dit qui il était ni ce qui s’était vraiment passé …. Un mystère, un secret de famille dont je suis la première victime. Je suis avocate dans une petite ville de province. Je vais avoir 50 ans et je ne peux toujours pas lui poser les questions qui me hantent depuis que je suis toute petite: qui est mon père? Pourquoi n’ai-je jamais pu le voir? Pourquoi un tel black out? Je ne sais rien ou presque.



Je devais avoir 6-7 ans quand je me suis aperçue que je ne portais pas le même nom que mes parents. Un soir, à table, j’ai timidement demandé des explications. Après un silence gêné, ma mère a regardé mon père, enfin celui que j’appelais « papa » et que je croyais jusque-là être mon père et elle lui a dit : « explique-lui, toi ». « Parce que maman a divorcé ! » m’a t il simplement répondu. Ca a été comme un coup de massue. Je me sentais coupable, honteuse, sans comprendre pourquoi.


Nous sommes ensuite restées des années sans en reparler. J’y pensais souvent, bien sûr. Je mourrais d’envie d’en savoir plus, mais je n’osais pas demander. Ils avaient été mariés trois ans. Probablement l’ avait t-il trompée et en guise de représailles, lui avait - elle fait une sorte de chantage: j’acceptes que tu partes, mais tu ne revois plus jamais ta fille! C’est cela je pense qu’elle n’a jamais pu m’ avouer. Et comme elle n’est pas le genre de femme à douter de la justesse d’une de ses décisions, à admettre qu’elle s’est trompée, surtout cinquante aprés….



Ma mère est ce qu’on appelle une femme de caractère, Avec elle, tout le monde file doux! Elle était professeur de lycée. Elle est à la retraite maintenant mais elle est encore très active. Elle n’est pas plus douée que moi pour le dialogue. Elle a 73 ans, moi je vais avoir 50 ans mais j’ai toujours peur de ses réactions et en face d’elle je suis encore comme une petite fille. Toute ma vie , je me suis dite : « je ne peux pas lui en parler . Est ce que j’ai le droit de raviver cette douleur? » Mais aujourd’hui, je n’ en peux plus, je me dis: oui j’ai le droit. Parce qu’ elle vieillit et même si elle est en très bonne santé, elle pourrait disparaître. Alors je veux qu’elle me raconte, qu’ elle me dise tout de son histoire d’amour avec mon père biologique, de ma naissance et de leur rupture. De leur bonheur puis de leur malheur.


A l’école, j’étais une bonne élève. La petite fille modèle. Je me conformais en fait à l’image qu’elle voulait de moi. Elle répétait : « ah si j’avais pu faire mon droit …. » Et moi, plus tard, j’ai fait mon droit et je suis devenue avocate ! Au collège , puis ensuite au lycée, elle s’était arrangée pour que je sois inscrite non pas sous mon vrai nom mais sous le sien. Je vivais sous cette double identité. J’avais le nom de mes parents pour la vie courante et une autre nom pour les papiers officiels. Le jour de l’oral du bac, je me souviens, je me suis levée à l’appel de mon nom, de mon vrai nom. Mes copines se sont étonnées . « Mais ce n’est pas toi ! » Elles ne savaient pas, bien sûr…



Je suis allée faire mes études dans la grande ville d’a côté. J’habitais seule. Pour la première fois de ma vie , je me sentais libre. J’ai commencé à me dire qu’il fallait que je retrouve mon père. Mais j’hésitais, j’attendais que lui me recherche, qu’il me trouve. Après, je devais avoir 22, 23 ans, je venais de me faire larguer par mon petit copain. Un week-end , je me suis confiée à ma mère . Elle a eu cette reflexion : « au moins tu n’es pas enceinte,toi… »



Je me suis mariée à 25 ans. Je suisdevenue avocate . Un soir , je fouille dans ses affaires, je tombe sur une alliance, avec leurs deux prénoms gravés : Josette et Georges. Un autre jour, chez mes grands parents, je découvre des photos. Lui , le visage découpé, avec moi , bébé, sur ses épaules . Une autre où il est avec ma mère mais le visage coupé là aussi, comme si on avait voulu le supprimer, faire disparaître toute trace de lui. Quand j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari et qui l’est encore aujourd’hui, ma mère a critiqué mon choix. Il était plus jeune que moi et il n’avait pas de travail. Elle me faisait la morale . «Tu ne vas pas épouser ce type là, quand même…» « Et pourquoi pas ?» J’étais en larmes. «Moi,j’aurais bien aimé qu’on me dise la même chose quand j’ai épousé ton père ….»


On s’est fâchées, je suis partie. J’ai eu mon fils trois ans après, mes parents n’ont pas voulu le voir, ça a duré un an. Et puis j’ai eu ma fille et les choses se sont un peu normalisées. Je réussissais bien . J'ai ouvert mon propre cabinet. Mais plus le temps passait, plus je me posais de questions, surtout celles-ci: pourquoi mon père m’avait-il abandonnée? Pourquoi n’avait-il jamais cherché à me revoir?

D’après mon acte de naissance , il avait 7 ans de plus que ma mère, je me disais: il va mourir et je ne le connaîtrai pas…. J’avais un minitel (Internet n’existait pas encore !) j’ai commencé à le chercher, méthodiquement. Dans le département où je suis née, une seule personne avait le même nom et le même prénom que lui. J’ai noté son numéro téléphone et je ‘lai gardé précieusement pendant des années, sans me décider à l’appeler. Je l’avais sur moi , dans mon portefeuille. Je n’en faisais rien. Et puis un jour, j’ai téléphoné. C’était il y a dix ans, je venais d’avais quarante ans


J’imaginais le scénario idéal: il allait décrocher, il dirait « allo » et moi je ferais: « bonjour… » Mais c’est une femme qui m’a répondu, j’étais déçue. J’ai demandé à lui parler, à lui. Je sentais une réticence et même un peu d’agressivité : « qu’est-ce que vous lui voulez ? » Je répondais évasivement, j’ai dit que j’avais le même nom que lui, puis je lui ai donné ma date de naissance, et elle m’a enfin dit qu’elle était sa femme,qu’elle savait qui j’étais, qu’il lui avait parlé de moi … J’ai insisté pour lui parler et là elle m’a dit que son mari était « parti » deux ans plus tôt, qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle allait faire un malaise, et elle a brutalement raccroché.


J’étais sonnée.

N’importe qui aurait compris qu’il était mort, mais pas moi. Je me raccrochais à l’espoir imbécile qu’il l’ avait peut-être quittée, tout simplement. De toutes façons, je ne pouvais pas en rester là: cette femme avait fait un malaise en m’entendant, j’en étais responsable, il fallait que j’en sache plus.

J’ai rappelé le lendemain et cette fois je suis tombée sur sa fille, ma demi –sœur, donc. Elle était un peu plus aimable . Elle m’a confirmé que son père était mort deux ans plus tôt, d’un cancer du poumon , que toute sa vie , il avait été mécanicien, qu’elle était au courant elle aussi de mon existence mais qu’il ne parlait jamais de moi…. Je lui ai demandé de m’envoyer une photo, si elle pouvait, ce qu’ elle a fait quelques semaines après. Mais sur ce cliché, on ne le voit que de profil, avec des lunettes noires et il porte la barbe. Impossible de découvrir une quelconque ressemblance! Je n’ai plus jamais eu de contact avec elle,ni avec sa mère et je suis restée depuis avec mes questions et cet éternel sentiment de vide et d’incompréhension. Quelles que soient les raisons de la séparation d’avec ma mère, pourquoi n’avait -t-il jamais cherché à me revoir, moi, sa fille? Pourquoi m’avait-il lui aussi rayée de sa vie?



Je suis une lente, moi et c’est la première fois que j’ose raconter mon histoire. Je n’en parlais jusqu’ici qu’avec mon mari et mes enfants. Ma mère lit ELLE toutes les semaines et si par hasard elle n’a pas ce numéro, je m’arrangerai pour le lui mettre sous les yeux . Maintenant que mon père est mort elle reste la seule dépositaire de la vérité et je me dis que grâce à cet article nous aurons peut-être toutes les deux la conversation que j’attends depuis si longtemps. Je le souhaite en tous cas. Pour moi mais aussi pour elle, pour qu’elle puisse, se libérer , elle aussi , de ce secret trop lourd à porter.

ELLE/ 21 avril 2008/ Propos receuillis par Antoine Silber