mercredi 18 juin 2008

C’est mon histoire : "Nous sommes des résilients de l'amour..."

Olivia , 38 ans, n’avait jamais vécu avec un homme jusqu’à ce qu’elle rencontre Melvil, 35 ans, qui lui aussi avait toujours été célibataire. Ca fait presque un an qu’ils vivent ensemble. Pour eux, c’est une révolution.
















Je ne croyais pas au couple. Je pensais que la vie à deux, ce n’était pas pour moi. Quand je voyais une copine s’installer avec un garçon et me raconter son bonheur avec son prince charmant, je rigolais doucement, je me foutais d’elle. Je me disais , qu’elle ne savait tout simplement pas ce qu’était la vie, la liberté…. Je ne voulais pas de ça pour moi. J’aimais « coucher avec », mais pas « dormir avec ». Melvil était comme moi, atteint de la même sorte de maladie: il n’avait jamais de sa vie supporté de finir une nuit dans le lit d’une femme. C’est pour ça qu’ on s’est bien entendus : dés qu’ on s’est rencontrés, on a parlé de ça. C’était dans une boîte parisienne vers quatre heures du matin la nuit du 13 juillet, l’an dernier . Je suis peintre, je sortais de trois mois de travail ininterrompu. Je fêtais le vernisssage de mon expo. Il avait 35 ans, Moi , 38 . C’était un fêtard invétéré. Il me racontait qu’ il était en boîte tous les soirs, qu’ il prenait de la coke. Le couple, il avait fait une croix dessus depuis une histoire avec une fille très jeune… On a dansé, on a continué à parler ensuite chez moi . Et puis il est resté. L’amour nous est tombé dessus comme ça, d’un coup.








Je voulais être libre pour peindre. Ce que je fais depuis que j’ai 14 ou 15 ans . Je travaille beaucoup et j’ai pas mal de succés. J’ai un petit garçon,aussi, Rodrigo, qui a 6ans et demi . Je n’ai jamais habité avec son père qui est anglais et qui travaille à la City, il fait de l’argent, Rodrigo ne le voit qu’aux vacances scolaires. Ca va faire un an maintenant que Melvil vit avec nous. Et c’est peut être la plus grosse surprise : Rodrigo et lui s’adorent ! Melvil me soutenait qu’il ne supportait pas les enfants, que sa propre enfance avait été une horreur et je craignais le pire. Alors aujourd’hui , je les vois s’entendre si bien, ça m’émeut , je trouve ça génial .



En fait, je ne savais pas avant que ça pouvait être si bon d ’être aussi a l’aise, aussi nature avec un homme ! Ca s’est fait du jour au lendemain et ça a été une révolution dans ma vie . On riait des mêmes choses au même moment. Par moments on riait tellement, on disait tellement de bêtises que j’avais l’impression que j’étais lui et qu’ il était moi . Il me disait : »tu es la première femme que je suis capable d’aimer » Moi, je lui répondais : « Fais de moi ce que tu veux ! » Vivre à deux, on apprenait. C’était un peu comme si on était vierges. On s’apercevait qu’avant on en avait tellement bavé de la solitude , on croyait qu’on était bien mais en fait, c’était affreux. Il était là, chez moi, je le touchais tout le temps comme pour vérifier qu’il était bien là , je l’embrassais, je me collais à lui . Quand je prenais mon bain, il me rejoignait dans la baignoire, il me savonnait, il me caressait. Je buvais dans son verre, je me servais de sa brosse a dents. J’avais eu toute une période où je ne voulais plus faire l’amour avec personne . Je pensais que j’ étais frigide. Moi, je suis d’origine italienne, par nature très démonstrative mais c’est comme si avant lui j’avais fait l’escargot. Il m’a sorti de ma coquille. Melvil, c’ est le contraire de moi ,il est réservé. Avant lui, je cherchais toujours quelqu’un qui me ressemble, et c’était une erreur. Melvil , ce sont ses différences , ses failles, ses empêchements qui me font l’ aimer . Je crois aussi que ce sont mes défauts, mes névroses qui lui plaisent. On est différents, donc possiblement complémentaires !




Ce que j’aime le plus avec lui , c’est le soir: entendre sa clef tourner dans ma serrure… Il arrive sur le palier. Il ouvre la porte. Il entre chez moi. Et c’est merveilleux parce qu’à chaque fois j’ ai tellement de plaisir. En juillet, ça fera un an de cohabitation. On va aller fêter ça à Venise ! Forcément, il y a eu des moments durs, des choses difficiles à gérer . Lui il n’ est pas famille , il n’a plus que sa mère qui vit à New York et qu’il n’a pas vue depuis douze ans. Moi c’est le contraire: j’ai toujours une fête de famille en vue, le mariage d’une cousine, le succés au bac d ‘un neveu . Je vois mes parents trois fois par semaine, ça l’énerve, il dit qu’il les aime bien mais qu’il n’en peut plus ! Vivre à deux, c’est souvent lourd. Lui, il m’ énerve parce qu’il passe des heures devant la télé. Il dit que ça le détend , que je dois comprendre.. Mais le voir avec cette télécommande à la main dont il joue comme les Grecs de leur chapelet ! Il est journaliste économique et plutôt du matin. Dés sept heures, j’entends la radio qui hurle. Il passe de pièce en pièce son petit poste à la main. Il ne veut rien louper , ni la revue de presse de Grossiord sur Europe 1 a 7h 45, ni l’interview d’ Apathie sur RTL cinq minutes après! Moi j’émerge lentement, péniblement. Je vais dans la cuisine . Je me fais une théière brûlante. Je fume ma première cigarette. Je tousse. IL passe derrière moi avec sa radio alors je vais me réfugier au salon, mais là , la télé est allumée sur Blomberg -tv. Tout ce bruit, ces chiffres qui me rendent folle !


Sans compter qu’ il est extrêmement maniaque. C’est un fou de chaussures , il en a déjà acheté quatre paires depuis que je connais. Chaque soir il prend cinq minutes pour toutes bien les aligner. Il les range ses chaussures au centimètre prés, il ne supporte pas un talon qui dépasse. Et pas question que j’y touche ! C’est comme sa mousse à raser…L’autre jour, il n ‘ y en avait plus, justement j’ allais faire des courses. Le lendemain matin, hurlement. J’arrive dans la salle de bains. Il me tend la bombe: « qu’est ce que c’est que ça ?»Moi : « De la mousse à raser » « Mais tu ne sais pas que je n’utilise que du gel ? Et pas cette marque là , en plus ! Ne refais JAMAIS ça ! » Là, j’ai senti chez lui une colère fondamentale. J’avais osé m’occuper de sa mousse ! J’avais touché à son intimité , quasiment mis en péril sa virilité.



Bon, daccord, je ne suis pas facile non plus. Quand je peins, je ne supporte pas qu’ on me dérange et ça peut durer douze, quinze, dix-huit heures de suite. Rodrigo en sait quelque chose: je l’oublie complètement ou si je le sens trop dans mes pattes, je l’envoie bouler. Moi, on ne peut pas dire que j’ai la fibre maternelle. Et je vois comment Rodrigo s’est épanoui depuis que Melvil est avec nous. Avant mon fils venait me voir pendant que je travaillais : « maman, j’ai faim » Moi : « oui attends j’arrive » . Deux heures après, il revenait :« t’as pas fini? » Le soir , il ne voulait jamais se coucher , il dormait dans mon lit, ce n’était pas bon. Depuis cet hiver, c’est Melvil qui le couche. Et Rodrigo lui obéit . Il le respecte. Le matin c’est lui encore qui l’amène a l’école, à moto. Il lui a acheté un casque. « En regardant vivre ton fils , me dit- il, je comprends plein de choses sur moi, sur ce que j’ ai vécu. Moi aussi, j’ ai toujours été trop seul … »


« Tu est un peu trop enfant gâtée, me dit Melvil , capricieuse… » Et on s’engueule. Je pensais jusque là que je n'aimais pas être remuée, engueulée, bousculée. Mais finalement je dois aimer ça. Je vois qu’on arrive à en sortir aussi ! Et même plus forts ! L’autre jour, on se réconciliait comme ça , après une bonne engeulade, il m’a dit: « c'est dur avec toi mais quand même ça vaut le coup. Ne pas avoir d’histoire d’amour, c’est plus tranquille mais moins intéressant…» Et c’ est vrai : vivre à deux, c’est se sentir vivant !
Maintenant je n’imagine plus vivre sans lui. En réalité, tous les deux, on est des résilients de l’ amour. Nous c’est plus fort, plus fort que tout . Justement parce que ça a été plus difficile que pour d’autres. C’est solide, il y a cette certitude, oui! On n’en revient pas de ce qui nous arrive : « c’est incroyable comme je suis amoureux de toi! » me dit-il. Je lui souris. Je suis heureuse. « Non, non, tu ne comprends pas, continue-t-il, c’est la première fois….Vraiment amoureux… »





ELLE/ 16 juin 2008/ propos receuillis par Antoine Silber

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