Amandine et Théo ne sont jamais synchrones. Ils se sont connus il y a trois ans à Edimbourg et depuis ils se courent après. De Lyon à Londres et de Montréal à Shanghaï. Elle raconte.
J’ai 25 ans . J’ai toujours essayé de mêler études, travail et voyages.Et Théo aussi. C’est ce qui nous rapproche mais c’est aussi ce qui nous éloigne. A 18 ans, je travaillais a Londres comme serveuse dans un resto de la City. J’y suis restée huit mois, avant d’ intégrer un IUT en techniques de commercialisation, à Lyon. Puis j’ai passé un an à Montréal, un échange pour valider mon DUT. En Octobre 2004, je suis partie faire ma licence à Edimbourg. Et c’est là que je l’ai rencontré.
Il était de Paris, moi je suis de Lyon. Etudiant lui aussi, mais avec déjà un doctorat. On a accrochés tout de suite . Ce qui me frappait, c’est qu’il parlait tellement bien anglais. Il était beau et il avait l’air de le savoir. Grand. Brun, bon chic bon genre, mais cool vous voyez. Il me draguait mais à sa manière, proprement, poliment. Il était charmant, on passait des journée délicieuses. Il est tombé amoureux tout de suite,mais moi j’étais plus distante,je le voyais plus comme mon meilleur ami. A l’époque, aussi, j’avais un copain, depuis trois ans , depuis l’IUT. Je n’étais pas complètement disponible.
Il me disait que j’étais importante pour lui,mais moi, j’avais du mal à me livrer. Je n’y allais pas…. Il est revenu à Paris et je suis restée à Edimbourg, mais je le revoyais souvent, je rentrais en France toutes les trois semaines à peu prés. En juin 2005, je repars définitivement d’Edimbourg. Je le vois à Paris . Il me dit: « Cet été il faut que tu réfléchisses à nous deux ». Pendant l’été , il va à l’Ile de Ré rejoindre sa famille. Moi en Italie. Son frère après m’a dit qu’il ne parlait que de moi . A la fin de l’été , il me rappelle : « Est ce que tu as réfléchi? ». J’avais quitté mon copain mais je n’étais pas plus décidé qu’avant. J’allais déménager en Septembre pour intégrer une école de commerce à Tours. Il me dit qu’il va venir me voir. Ca me faisait peur, je lui dis non. Il insistait. Je refusais . Je ‘n y arrivais toujours pas , je ne sais pas pourquoi . Et du coup on ne s’est plus revus .Jusqu’à Noël 2005 où il est venu me voir à Lyon et ‘ma invité dans un bouchon, dans le vieux Lyon .Je me souviens de cette époque- là, je commençais à me lâcher. Je me disais qu’avec lui cela pourrait être vraiment bien . Et puis 2OO6 est arrivé….Moi j’étais à Tours , lui à Paris. Et en février, soudain, il m’envoie un mail: « Je pars pour la Chine ! »
Il s’est retrouvé à Shanghaï et j’ai tout de suite compris qu’il allait me manquer affreusement. Il avait fallu qu’il s’en aille au bout du monde pour que je m’en aperçoive! Je regrettais son départ. Je regrettais surtout qu’on se soit ratés comme ça . Il travaillait dans une grande boîte française.Et j’avais envie d’être avec lui. On s’envoyait des mails. En avril, je lui écris : « j’ai des vacances, j’arrive, je reste 10 jours ». Il me répond: « viens ». Il me répond tout de suite ,très content, enthousiaste. Et puis il y a tout une série de quiproquos. Je lui avais dit que j’arrivais un lundi mais je m étais trompée , à cause du décalage horaire , je n’arrivais que le mardi. J’ai eu un changement à Francfort, le voyage a été interminable. Il m’a attendu 24 heures . Il s’ est inquiété. Quand je suis arrivée , il était énervé . Ca commençait mal!
Je ne comprenais pas pourquoi il était si froid alors que huit jours plus tôt, dans ses mails, il était tellement amoureux, si impatient de me voir. Je ne l’ai compris qu’ après : entre le moment où il m’a dit : « viens « et mon arrivée, il avait rencontré une fille, une chinoise. Kim. Pour moi, c’était un peu la douche froide. Il me l’a avoué: « j’ai une copine » « Qui c’est? Comment elle s’appelle ?» « Une étudiante ». J’étais mal à l’aise. Je me sentais perdue dans un pays inconnu avec mon Théo qui n’était plus mon Théo. Je débarquais dans la vie qu’ il s’était créée et je n’allais pas mais pas du tout dans le décor. Il n’était plus aussi pressant, amoureux qu’ à Edimbourg. Il me fuyait, même . Il travaillait tout le temps ou alors il était avec cette Kim. En plus, il pleuvait. La fin du voyage a été sinistre. A l’aéroport, quand on s’est dit au revoir, je me sentais tellement triste. C’était encore raté! J’ai ruminé ça tout le voyage et à l’ arrivée à Paris, j’étais décidée à tout arrêter.
Pendant un an, je n’ai plus voulu le voir . J’essayais de vivre ma vie sans lui, de l’oublier. En mars 2007, il m’ envoie un mail. Il me dit qu’il aimerait avoir des nouvelles, que je compte pour lui. Je lui réponds que je m’apprête à partir au Canada et il me renvoie un mail pour me dire que je lui manque. Je décide de ne pas lui répondre, on commençait quand même a se faire un peu beaucoup de mal. Je suis donc retournée cinq mois à Montréal. Je n’ avais personne, je ne le remplaçais pas. Je crois que je n’aurais pas pu aller avec un autre garçon. Je suis revenue à Paris fin août. Lui est revenu de Chine en novembre , c’était l’an dernier, en 2007 . Il m’a alors envoyé un mail auquel je n’ai pas répondu, je ne me sentais pas encore prête vraiment à avoir des relations apaisées avec lui.
Un soir, en décembre,j’étais à Lyon, chez mes parents, le téléphone sonne. C’était lui . Il était à Paris. Je revenais le lendemain. Il propose qu’on se voit . Et je cède. Je lui donne rendez-vous place de l’Opéra . C’était un mercredi . On était si contents de se retrouver. On s’est parlés deux heures , on s’est tout dit . On est allés ensemble acheter des cadeaux de Noël . Le soir, il m’a emmenée dîner chez son père et je suis restée dormir. On se retrouvait, c’était si intense. Depuis le début on passait son temps à se courir après sans jamais arriver à se rattraper et là , soudain, on n’avait plus cette impression de décalage, on était synchrones. Amoureux en même temps . Enfin ensemble. On pouvait vivre notre histoire à fond.
Il devait aller passer le nouvel an chez sa mère qui, elle aussi, vit à Lyon. Il voulait me la présenter. J’ai hésité et puis je me suis retrouvée avec toute sa famille, sa maman et ses deux frères. J’avais une impression étrange, comme si je faisais déjà partie de sa famille. J’étais si heureuse et puis soudain il a dit qu’ il allait repartir pour Shanghaï, parce que pour lui, l’avenir était là-bas, et moi ça m’a glacée. Je me suis demandée tout d’un coup ce que j’allais devenir s’il repartait. Je ne voulais pas. La première fois, là-bas, ça avait été une telle souffrance
Deux mois après, juste avant son départ, il m’a dit : « Je crois que pour nous, ce n’est pas encore le bon moment. » Il m’a embrassée et puis il a ajouté: « tu sais, je tiens à toi….» Qu’est-ce que je pouvais lui répondre? Il sait qu’il est spécial pour moi. Il sait que je peux tout lui pardonner. Il sait que j’aime beaucoup voyager , mais de là à le suivre partout, non ! En fait, il y a deux Théo. Le Théo d’Edimbourg , tellement charmant et amoureux , celui qui me dit que je lui manque,le Théo que ‘j aime. Et il y a le Théo de Shanghai, si lointain, si froid. Celui que je n’aime pas. Je réponds en ce moment à des annonces pour aller travailler comme chef de produit en marketing aux Etats-Unis ou ailleurs à l’étranger. Mais si un poste se libère à Shanghaï, qu’est-ce que je dois faire? Est ce que je dois y aller? Dans quel pays est- ce je vais habiter l’an prochain? Je ne sais pas. Je ne sais plus .
A 26 ans, il ne veut pas s’engager. En tous cas pas avant d’avoir réussi professionnellement. Et je crois que c’est un peu la même chose pour moi. Au fond ,je ne peux rien lui reprocher. Il est clair. Est-ce que nous, c’est une histoire sans fin ? Mais si on ne peut pas se quitter, est-ce que ça ne veut pas dire que c’est fort, plus fort qu’avec tous les autres, plus fort que tout ? Moi je crois qu’ un jour, ce sera « le bon moment ». Oui ,sûrement, j’ y crois. Mais quand? Dans six mois? Dans dix ans?
ELLE. 24 mars 2008. Propos receuillis par Antoine SILBER
samedi 22 mars 2008
dimanche 16 mars 2008
C’EST MON HISTOIRE « Six ans dans le même bureau que ma rivale! »
Ils étaient ensemble dans la vie, et travaillaient dans la même société . Un jour Olivier a quitté Raphaëlle pour Christelle, une collègue plus jeune. Et le calvaire a commencé. Raphaëlle a aujourd’hui 33 ans. Elle raconte.
Elle était ma collègue de bureau et ma rivale. Elle m’avait pris l’homme que j’aimais! Pendant six ans, on est restées toutes les deux à travailler dans le même bureau, l’une en face de l’autre, sans se parler. Je voyais Olivier venir la chercher pour déjeuner. Le vendredi, je sortais du bureau , je la voyais monter dans sa voiture, il avait les skis sur le toit et sa fille derrière. Il l’emmenait dans une station de ski, exactement comme moi, il m’emmenait avant. J'étais tellement malheureuse! Je ne pouvais pas partir . J’avais peur de ne plus avoir de boulot. Mais tout de même ….Aujourd'hui je me demande comment j’ai pu rester si longtemps sans réagir. Un peu comme si j’avais eu besoin de me punir .
La première fois que j’ai parlé à Olivier, c’était en 1997. Devant la machine à café. Il n’était pas très grand, il avait des yeux malicieux, c’était ce genre de garçon dont on dit: « il a du charme! ». On parlait moto; moi, je suis une fana. J’avais 23 ans, c’était il y a dix ans. Il avait sept ans de plus que moi, il était marié et avait une fille . Moi j’avais un petit ami à Périgueux mais je ne le voyais que le week-end. Un sportif. Il avait toujours des matchs et la veille des matchs, pas question de calin, « ça coupe les jambes » disait-il. Olivier était différent, plus à l’écoute. Il avait une moto 650 free wind bleue. Il m’emmenait faire des ballades. Après plusieurs mois à refuser ses avances, j'ai craqué.
Au début, personne ne savait qu’ on était ensemble . Il était inspecteur commercial et moi télé-conseillère. On se retrouvait en réunion le lundi. Il partait toute la semaine effectuer ses tournées et je le retrouvais le vendredi soir à Bordeaux, où traditionnellement il y a un grand rendez-vous de motards. Il voulait quitter sa femme mais à cause de sa fille, ça me gênait. Mes parents ont divorcé quand j’avais 16 ans, mon père est parti pour « une autre femme. Du coup avec Olivier , je revivais ce traumatisme, j’étais « cette autre femme »,c’était insupportable. Seulement voilà, sa femme a eu des soupçons, elle l’a fait suivre un soir, en voiture et trois jours après, un matin, il m’a retrouvé a la machine à café et m’a dit : «On a parlé avec ma femme. C’est décidé. Je m’en vais. Je loue un appartement. A partir de maintenant, toi et moi, on vit ensemble».
Il a trouvé un appartement à 500 mètres de chez moi mais jusqu’au divorce, nous restions clandestins. Il m’a présenté sa fille, adorable ; le divorce a été prononcé et trois mois après, je me suis enfin installée chez lui. Il était très amoureux. Il pouvait m’appeler dix fois dans la matinée. Mais dés qu’on a été complètement ensemble, ça n’a plus été , je le trouvais possessif, directif. Sa fille venait dormir chez lui un week-end tous les quinze jours et il fallait que je ‘m’éloigne pour qu’ elle ne sache pas qu’on vivait ensemble . J’ai passé le permis moto. Il a acheté une nouvelle machine, plus grosse et m’ a revendu son ancienne moto. On partait dans de grandes ballades à Nice, à Saint-Tropez. Ca c’était bien…Et là-dessus, Christelle est arrivée dans notre vie.
C’était en 2000. Elle était originaire du Lot-et-Garonne et sortait d’un IUT. Une très jolie brune. Plus jeune que moi de six ans. Tout le monde disait : « elle est super mignonne ». Je l’ai prise sous mon aile. Je lui ai expliqué le travail. Et je lui ai présenté Olivier….Pendant toute la fin de l’ année 2000, je sentais qu’ entre lui et moi, ça allait de plus en plus mal mais je n’imaginais pas ce qui se passait dans mon dos. Pour le réveillon du nouvel an, il est resté a Bordeaux et je suis montée faire la fête chez mon frère à Paris. Ca n’allait plus du tout entre nous et quelques jours après, en janvier, je lui ai dit que je voulais faire un break. Ce n’était pas une vraie séparation, je me demandais juste: est-ce que je dois continuer avec lui? Est ce que je suis heureuse?
Christelle me faisait ses confidences. Elle me racontait qu’elle avait une liaison: «je suis très amoureuse, c’est quelqu’un du bureau On s’est vus tout le week-end….» Moi, je croyais qu’elle me parlait d’un certain Pierre, un autre collègue. Pourquoi ne me disait-elle pas qu’il s’agissait de lui ? C’était assez pervers! Et puis un matin, elle est arrivée et elle m’a dit: « J’ai quelque chose à te dire» On se retrouve sur le parking. Là: «Alors voilà, la personne dont je te parlais , c’est lui, c’est Olivier …» Elle me raconte qu’il lui fait battre le cœur, qu’ elle couche avec lui. Elle me donne plein de détails. Et là-dessus, elle se met à pleurer. Moi bêtement,je la prends dans mes bras et je la console.
Je suis rentrée chez moi, effondrée. J’ai appelé mon père, oui, bizarrement: lui en premier, avant ma mère. J’ai vu Olivier le lendemain, je venais prendre les affaires que j’avais laissées chez lui. Je lui ai dit : «Tu aurais quand même pu me l’annoncer toi même. Tu as été lâche!» « Tu n’avais qu’à ne pas partir, me répond-il. C’est toi qui m’a quitté quand même. » C’était une discussion affreuse. Il était complètement de mauvaise foi puisque d’une part je ne l’avais pas vraiment quitté; d’autre part, sa liaison avec Christelle avait débuté derrière mon dos, alors qu’on était encore ensemble.
Avec Christelle, on ne se parlait plus. Elle était assise en face de moi toute la journée et je ne supportais plus cette situation. Bêtement j’ai essayé de le reconquérir e. Et j’y suis arrivée. Un jour, je lui ai dit que j’avais fait une grossière erreur , que je l’aimais toujours. Ca a marché : pendant trois, quatre mois, il a navigué entre nous deux. C’était très dur pour elle. Elle fumait clope sur clope. Je la voyais arriver le matin, des cernes sous les yeux. Elle lui envoyait des mails pour le supplier de revenir vers elle. Je ne sais pas, en fait, ce qu’ elle lui disait mais il a fini par céder. Il n’était pas net …. Alors j’ai rompu une deuxième fois. Et cette fois, vraiment. Il avait choisi. Il l’avait choisie, elle. J’avais perdu.
En Septembre 2001, il a été nommé responsable d’ un service et il a arrêté ses tournées d’inspection. Du coup je le voyais passer tous les jours. Christelle s’est installée chez lui. Moi, il m’évitait. Il ne me disait même plus bonjour. Comme pour me signifier: « tu vois, tout ce que tu as perdu…» Il était arrogant. En tous cas j’interprétais son attitude comme ça. C’était d’autant plus horrible qu’il avait fait en sorte que tout le monde au bureau pense que j’étais la méchante de l’histoire, que c’est moi qui l’avait quitté. Il ne voulait pas passer pour celui qui trompe, pour le salaud.
En 2002, ils ont acheté un appartement ensemble. A partir de ce moment-là, je me suis dit: je ne peux plus rester à regarder ça, c’est trop dur. Il faut que je démissionne. Mais je n’y arrivais pas. Et ça a duré des années avant que je parvienne à me décider. J’ai vécu d’autres histoires d’amour pendant tout ce temps mais tout de même , je m’ en veux d’avoir été si passive. En 2005, elle est tombée enceinte. Ils ont eu un fils . Olivier e amenait le gamin au bureau . Et il fallait que je fasse bonne figure! En 2007, il y a eu une réorganisation des services, Christelle a été affectée dans un autre batiment. Olivier ,lui, allait être nommé responsable de mon service . C’est lui qui allait décider de mes éventuelles augmentations, de mes horaires, de mes vacances. Ce n’était plus possible. Je me suis dit : « cette fois,je m’en vais. »
Je suis partie de la société le 30 septembre dernier . Et j’ai retrouvé un boulot très vite , beaucoup mieux que le précedent d’ ailleurs Tout va mieux maintenant. Je respire . Mais il a fallu que je fasse un vrai travail de deuil. Je peux le dire, même si c’est un peu vulgaire: j’en ai chié! C’est comme si j’avais voulu rester, me complaire dans ce malheur. Cette histoire a failli me détruire, mais aujourd’hui, elle est bien finie. J’ai 33 ans. J’ai l’impression de renaître.
ELLE/ 10 mars 2008/ propos recceullis par Antoine Silber
Elle était ma collègue de bureau et ma rivale. Elle m’avait pris l’homme que j’aimais! Pendant six ans, on est restées toutes les deux à travailler dans le même bureau, l’une en face de l’autre, sans se parler. Je voyais Olivier venir la chercher pour déjeuner. Le vendredi, je sortais du bureau , je la voyais monter dans sa voiture, il avait les skis sur le toit et sa fille derrière. Il l’emmenait dans une station de ski, exactement comme moi, il m’emmenait avant. J'étais tellement malheureuse! Je ne pouvais pas partir . J’avais peur de ne plus avoir de boulot. Mais tout de même ….Aujourd'hui je me demande comment j’ai pu rester si longtemps sans réagir. Un peu comme si j’avais eu besoin de me punir .
La première fois que j’ai parlé à Olivier, c’était en 1997. Devant la machine à café. Il n’était pas très grand, il avait des yeux malicieux, c’était ce genre de garçon dont on dit: « il a du charme! ». On parlait moto; moi, je suis une fana. J’avais 23 ans, c’était il y a dix ans. Il avait sept ans de plus que moi, il était marié et avait une fille . Moi j’avais un petit ami à Périgueux mais je ne le voyais que le week-end. Un sportif. Il avait toujours des matchs et la veille des matchs, pas question de calin, « ça coupe les jambes » disait-il. Olivier était différent, plus à l’écoute. Il avait une moto 650 free wind bleue. Il m’emmenait faire des ballades. Après plusieurs mois à refuser ses avances, j'ai craqué.
Au début, personne ne savait qu’ on était ensemble . Il était inspecteur commercial et moi télé-conseillère. On se retrouvait en réunion le lundi. Il partait toute la semaine effectuer ses tournées et je le retrouvais le vendredi soir à Bordeaux, où traditionnellement il y a un grand rendez-vous de motards. Il voulait quitter sa femme mais à cause de sa fille, ça me gênait. Mes parents ont divorcé quand j’avais 16 ans, mon père est parti pour « une autre femme. Du coup avec Olivier , je revivais ce traumatisme, j’étais « cette autre femme »,c’était insupportable. Seulement voilà, sa femme a eu des soupçons, elle l’a fait suivre un soir, en voiture et trois jours après, un matin, il m’a retrouvé a la machine à café et m’a dit : «On a parlé avec ma femme. C’est décidé. Je m’en vais. Je loue un appartement. A partir de maintenant, toi et moi, on vit ensemble».
Il a trouvé un appartement à 500 mètres de chez moi mais jusqu’au divorce, nous restions clandestins. Il m’a présenté sa fille, adorable ; le divorce a été prononcé et trois mois après, je me suis enfin installée chez lui. Il était très amoureux. Il pouvait m’appeler dix fois dans la matinée. Mais dés qu’on a été complètement ensemble, ça n’a plus été , je le trouvais possessif, directif. Sa fille venait dormir chez lui un week-end tous les quinze jours et il fallait que je ‘m’éloigne pour qu’ elle ne sache pas qu’on vivait ensemble . J’ai passé le permis moto. Il a acheté une nouvelle machine, plus grosse et m’ a revendu son ancienne moto. On partait dans de grandes ballades à Nice, à Saint-Tropez. Ca c’était bien…Et là-dessus, Christelle est arrivée dans notre vie.
C’était en 2000. Elle était originaire du Lot-et-Garonne et sortait d’un IUT. Une très jolie brune. Plus jeune que moi de six ans. Tout le monde disait : « elle est super mignonne ». Je l’ai prise sous mon aile. Je lui ai expliqué le travail. Et je lui ai présenté Olivier….Pendant toute la fin de l’ année 2000, je sentais qu’ entre lui et moi, ça allait de plus en plus mal mais je n’imaginais pas ce qui se passait dans mon dos. Pour le réveillon du nouvel an, il est resté a Bordeaux et je suis montée faire la fête chez mon frère à Paris. Ca n’allait plus du tout entre nous et quelques jours après, en janvier, je lui ai dit que je voulais faire un break. Ce n’était pas une vraie séparation, je me demandais juste: est-ce que je dois continuer avec lui? Est ce que je suis heureuse?
Christelle me faisait ses confidences. Elle me racontait qu’elle avait une liaison: «je suis très amoureuse, c’est quelqu’un du bureau On s’est vus tout le week-end….» Moi, je croyais qu’elle me parlait d’un certain Pierre, un autre collègue. Pourquoi ne me disait-elle pas qu’il s’agissait de lui ? C’était assez pervers! Et puis un matin, elle est arrivée et elle m’a dit: « J’ai quelque chose à te dire» On se retrouve sur le parking. Là: «Alors voilà, la personne dont je te parlais , c’est lui, c’est Olivier …» Elle me raconte qu’il lui fait battre le cœur, qu’ elle couche avec lui. Elle me donne plein de détails. Et là-dessus, elle se met à pleurer. Moi bêtement,je la prends dans mes bras et je la console.
Je suis rentrée chez moi, effondrée. J’ai appelé mon père, oui, bizarrement: lui en premier, avant ma mère. J’ai vu Olivier le lendemain, je venais prendre les affaires que j’avais laissées chez lui. Je lui ai dit : «Tu aurais quand même pu me l’annoncer toi même. Tu as été lâche!» « Tu n’avais qu’à ne pas partir, me répond-il. C’est toi qui m’a quitté quand même. » C’était une discussion affreuse. Il était complètement de mauvaise foi puisque d’une part je ne l’avais pas vraiment quitté; d’autre part, sa liaison avec Christelle avait débuté derrière mon dos, alors qu’on était encore ensemble.
Avec Christelle, on ne se parlait plus. Elle était assise en face de moi toute la journée et je ne supportais plus cette situation. Bêtement j’ai essayé de le reconquérir e. Et j’y suis arrivée. Un jour, je lui ai dit que j’avais fait une grossière erreur , que je l’aimais toujours. Ca a marché : pendant trois, quatre mois, il a navigué entre nous deux. C’était très dur pour elle. Elle fumait clope sur clope. Je la voyais arriver le matin, des cernes sous les yeux. Elle lui envoyait des mails pour le supplier de revenir vers elle. Je ne sais pas, en fait, ce qu’ elle lui disait mais il a fini par céder. Il n’était pas net …. Alors j’ai rompu une deuxième fois. Et cette fois, vraiment. Il avait choisi. Il l’avait choisie, elle. J’avais perdu.
En Septembre 2001, il a été nommé responsable d’ un service et il a arrêté ses tournées d’inspection. Du coup je le voyais passer tous les jours. Christelle s’est installée chez lui. Moi, il m’évitait. Il ne me disait même plus bonjour. Comme pour me signifier: « tu vois, tout ce que tu as perdu…» Il était arrogant. En tous cas j’interprétais son attitude comme ça. C’était d’autant plus horrible qu’il avait fait en sorte que tout le monde au bureau pense que j’étais la méchante de l’histoire, que c’est moi qui l’avait quitté. Il ne voulait pas passer pour celui qui trompe, pour le salaud.
En 2002, ils ont acheté un appartement ensemble. A partir de ce moment-là, je me suis dit: je ne peux plus rester à regarder ça, c’est trop dur. Il faut que je démissionne. Mais je n’y arrivais pas. Et ça a duré des années avant que je parvienne à me décider. J’ai vécu d’autres histoires d’amour pendant tout ce temps mais tout de même , je m’ en veux d’avoir été si passive. En 2005, elle est tombée enceinte. Ils ont eu un fils . Olivier e amenait le gamin au bureau . Et il fallait que je fasse bonne figure! En 2007, il y a eu une réorganisation des services, Christelle a été affectée dans un autre batiment. Olivier ,lui, allait être nommé responsable de mon service . C’est lui qui allait décider de mes éventuelles augmentations, de mes horaires, de mes vacances. Ce n’était plus possible. Je me suis dit : « cette fois,je m’en vais. »
Je suis partie de la société le 30 septembre dernier . Et j’ai retrouvé un boulot très vite , beaucoup mieux que le précedent d’ ailleurs Tout va mieux maintenant. Je respire . Mais il a fallu que je fasse un vrai travail de deuil. Je peux le dire, même si c’est un peu vulgaire: j’en ai chié! C’est comme si j’avais voulu rester, me complaire dans ce malheur. Cette histoire a failli me détruire, mais aujourd’hui, elle est bien finie. J’ai 33 ans. J’ai l’impression de renaître.
ELLE/ 10 mars 2008/ propos recceullis par Antoine Silber
dimanche 2 mars 2008
c'est mon histoire "j'aime trop mes parents, c'est ça le problème ..."
A trente ans, Julie téléphone à ses parents deux fois par jour et, dés qu'elle a un chagrin d'amour retourne squatter chez sa mère. Elle raconte.
J’ai toujours été première en tout, première partout… Je voulais être parfaite. Faire ce qu’on attendait de moi. Quand je dis « on », je parle de mes parents, je n’ai qu’eux dans ma vie. Jusqu’au bac tout me paraissait aller bien. J’ai fait hypokhagne et puis j’ai présenté HEC et l'ESSEC . Et c’est là que tout s’est déréglé. J’ai raté et ça a été terrible. Je suis partie faire une ecole de commerce de province, pour moi, c’était la honte. J’avais 21 ans,j’ai commencé une psychothérapie. Je suis arrivée chez le psy, je lui ai dis: «je viens vous voir parce que je je voudrais savoir pourquoi j’ai un tel sentiment d‘échec» Il m’a répondu: «avant de vous demander pourquoi, racontez- moi comment….» « Pardon?» « Comment se passe votre vie…»
Je lui ai tout balancé, que j’étais fille unique, que j’avais toujours l’impression de ne pas faire assez bien, que mes parents m’avaient élevé avec l’idée que je devais être mieux que les autres. Ca a duré trois, quatre cinq séances comme ça. Je n’avais pas l’ impression d’avancer. Je le trouvais fermé, buté, ce psy. Il ne me donnait aucune piste. On est arrivé à la sixième séance. Je lui disais que dés que j’ouvre la bouche, mes parents avaient sur le visage cet air béat qui me laissait penser que j’étais un génie. Là le psy m’a arrêté: «Attendez , parlez- moi de votre mère…». J’avais choisi un psy- homme, parce que j’étais sûre que j’avais un problème avec mon père. Je me suis dit: « Il veut me brancher sur ma mère. NON. Je ne continuerai pas cette psy parce que je ne veux pas démolir ma mère…Sans elle, je meurs! »
A ce moment-là, j’étais avec un homme pas du tout fait pour moi. Ca, c’est ma spécialité! Il y en a un comme ça qui passe à portée, un qui va me rendre malheureuse à tous les coups , hop, c’est sûr, je le chope. Déjà lui, il était marié. En plus, il avait dix ans de plus que moi. J’ai réussi à le quitter mais j’ai eu du mal… C’était il y a 9 ans. Aujourd’hui j’ai 30 ans, j’ai eu beaucoup d’aventures depuis, mais le constat reste à peu prés le même. ….L’homme avec qui je suis en ce moment est plus âgé que moi, lui aussi. Mais de 7 ans, seulement et une chance il n’est pas marié. Je ne devrais pas me plaindre: avec Pierre, il s’appelle Pierre, c’est plutôt confortable. Le soir quand je rentre, il a fait à dîner. Je travaille dans une société de production télé, au moins douze heures par jour. J’aime mon boulot. Je réussis très bien . Lui il ne fait rien. Enfin, il fait de la video, c’est une sorte d’artiste. Alors il me fait la cuisine . Il est fou de moi. Il me dit que je suis la plus belle.
A première vue c’est l’homme ’idéal mais voilà, je ne suis pas amoureuse. Pas du tout . Pas plus de lui que de tous ceux qui l’ont précédé. « Amoureuse », je ne sais même pas ce que ce mot veut dire ! Du coup, j’ai des histoires à côté, mais ça ne débouche jamais sur rien non plus , ça le rend malheureux et moi ça me mine. Après, à chaque fois, je vais me réfugier chez mes parents. Dans leur maison de l’île d e Ré. Ou carrément chez eux à Paris. Je peux dîner trois fois par semaine avec eux. Parfois, je reste même coucher. J’ai toujours ma chambre !
J’aime trop mes parents, c’est ça le problème! Ca fait des années que je me dis ça, que je ne pourrais tomber amoureuse que si je décolle de chez eux . Je les appelle tous les jours! Ma mère, souvent deux fois par jour. En fait, je me sens encore très fille ,pas du tout femme comme elle. Elle est très féminine, ma mère ,toujours élégante . Elle me dit: «mais arrête de mettre des baskets et des sweet à capuche…» Ou : « Un jour ,il faut bien passer aux escarpins…» Elle a raison, elle a toujours raison: ça fait dix ans que je suis en en gazelle, en new balance, en Stan Smith !
Elle est chef d’entreprise. Et tellement géniale, ça fait presque peur. N’empêche, elle est toujours là pour moi. Dés que j’ai un problème, un texto ou un mail et elle me répond: « tu vas faire ci, tu vas faire ça » Ce n’est pas qu’ elle soit douce, ce n’est pas la maman câline, enveloppante. Elle,c’est plutôt: « allez , secoue-toi, tu ne vas pas te laisser abattre…» Mais même quand elle m’engueule, ça me réconforte. Ce que j’ aimerais, c’est continuer éternellement à me plaindre, à faire la fille, la petite fille à sa maman. Mes parents m’ont toujours adoré. Moi, j’aimerais rester leur fille toute la vie. Pour l’éternité….
Depuis quelque temps, je me demande si je ne vais pas quitter Pierre. Lui ne le sait pas encore mais eux, je le leur ai dit. Ils sont inquiets, d’ailleurs , ils l’aiment bien, Pierre. Il ne comprennent pas ma décision. Du coup, ils me bassinent avec ça chaque fois que je les vois. C’est le problème avec les parents soixante-huitards, ils veulent dialoguer et au nom du dialogue, ils vous communiquent leurs angoisses. « Tu es sûre de ce que tu fais, me dit mon père, Pierre c’est quand même un gentil garçon…» Ma mère elle, c’est carrément: «Mais alors, tu ne vas jamais arriver à te fixer? » Maintenant je suis moins réactive mais un jour elle m’avait dit ça, ou un truc comme ça et j’avais explosé: « J’en ai marre de ton jugement permanent. Tu crois m’aider et tu me casses »J’avais claqué la porte et j’étais partie . J’étais restée fâchée quatre mois.
A ce moment-là, j’en étais à ma deuxième psy. C’était une femme, je progressais. Avec elle ça n’avait pas duré longtemps, non plus . Je 'n avais pas pu aller à une séance .Ni à la suivante . Empêchée par le boulot . Elle m'a quand même fait payer les deux rendez vous . "Vous n'aviez qu'à vous débrouiller..."Je n'ai pas aimé son ton . Lorsque je 'lai revue, pendant tout l'entretien je me disais : " non seulement elle m'escroque, mais elle m'engueule, je vais la quitter . " En disant cela je me suis soudain rendu compte de ce qu'était le transfert: ce n'était pas elle que je voulais quitter, c’était ma mère.
Longtemps ,j’attendais que mes parents me lâchent . Je ne comprenais pas que c’était à moi d’arriver à être plus autonome . J’étais sûre qu’ils ne pouvaient pas se passer de moi. J’ai commencé a le comprendre avec ma nouvelle psy. La troisième. Elle s’appelle Anne. C’est probablement la personne la plus brillante que j’ai jamais rencontrée. Maintenant avec elle, je suis allongée, c’est mieux. Et je la vois deux fois par semaine . Hier pendant la séance, elle me disait:« N’oubliez pas : Dieu dit à Abraham: quitte ton père et ta mère… Ce sont les fondamentaux. » Elle me citait la bible, je n’en revenais pas. J’avais l’ impression d’être à la messe. « Abraham, le premier des prophètes , notre père a tous ….» continuait-elle. Je suis sortie . J’étais contente. Je me sentais enfin sur la bonne voie .
Cela fait quelque temps,maintenant, que j’ai décidé d’ inverser les priorités, de conduire ma vie selon mon désir et plus en suivant celui de mes parents, ou ce que je crois être celui de mes parents. Le problème pour moi n’est plus d’être une bonne fille, la fille parfaite, ce qu’il faut c’est que j’arrive à être heureuse. J’ai compris ça le jour de mes trente ans, en décembre dernier, il n’y a pas longtemps. Mes parents m’avaient organisé mon anniversaire chez eux. Il y avait là ma tante, la mère de Pierre, ma grand mère et d’autres . Je regardais toutes ces femmes . J’étais chez mes parents et je me sentais d’un seul coup comme une invitée, c’était la première fois que j’avais cette impression.
Marta ,une de mes meilleures amies m’a alors dit:« Moi à ton age, j’étais mariée,j’ avais déjà 2 enfants ». Elle a trente-quatre ans, elle. Mais oui, j’ai pensé aussitôt , elle a raison. Ca ne va pas, ça, ça ne va plus . J’ai trente ans. Je ne suis plus une enfant . Je ne veux plus que mes parents dirigent ma vie ,qu’ils continuent de me fêter mon anniversaire comme ça . Là, c’est trop. J’arrête. Je les ai regardés tous les deux, à l’autre bout de la pièce. Ils avaient l’air bien, tranquilles. Heureux . Ils allaient sûrement pouvoir se passer de moi, maintenant.
ELLE. /3 mars 2008/ propos receullis par Antoine Silber
J’ai toujours été première en tout, première partout… Je voulais être parfaite. Faire ce qu’on attendait de moi. Quand je dis « on », je parle de mes parents, je n’ai qu’eux dans ma vie. Jusqu’au bac tout me paraissait aller bien. J’ai fait hypokhagne et puis j’ai présenté HEC et l'ESSEC . Et c’est là que tout s’est déréglé. J’ai raté et ça a été terrible. Je suis partie faire une ecole de commerce de province, pour moi, c’était la honte. J’avais 21 ans,j’ai commencé une psychothérapie. Je suis arrivée chez le psy, je lui ai dis: «je viens vous voir parce que je je voudrais savoir pourquoi j’ai un tel sentiment d‘échec» Il m’a répondu: «avant de vous demander pourquoi, racontez- moi comment….» « Pardon?» « Comment se passe votre vie…»
Je lui ai tout balancé, que j’étais fille unique, que j’avais toujours l’impression de ne pas faire assez bien, que mes parents m’avaient élevé avec l’idée que je devais être mieux que les autres. Ca a duré trois, quatre cinq séances comme ça. Je n’avais pas l’ impression d’avancer. Je le trouvais fermé, buté, ce psy. Il ne me donnait aucune piste. On est arrivé à la sixième séance. Je lui disais que dés que j’ouvre la bouche, mes parents avaient sur le visage cet air béat qui me laissait penser que j’étais un génie. Là le psy m’a arrêté: «Attendez , parlez- moi de votre mère…». J’avais choisi un psy- homme, parce que j’étais sûre que j’avais un problème avec mon père. Je me suis dit: « Il veut me brancher sur ma mère. NON. Je ne continuerai pas cette psy parce que je ne veux pas démolir ma mère…Sans elle, je meurs! »
A ce moment-là, j’étais avec un homme pas du tout fait pour moi. Ca, c’est ma spécialité! Il y en a un comme ça qui passe à portée, un qui va me rendre malheureuse à tous les coups , hop, c’est sûr, je le chope. Déjà lui, il était marié. En plus, il avait dix ans de plus que moi. J’ai réussi à le quitter mais j’ai eu du mal… C’était il y a 9 ans. Aujourd’hui j’ai 30 ans, j’ai eu beaucoup d’aventures depuis, mais le constat reste à peu prés le même. ….L’homme avec qui je suis en ce moment est plus âgé que moi, lui aussi. Mais de 7 ans, seulement et une chance il n’est pas marié. Je ne devrais pas me plaindre: avec Pierre, il s’appelle Pierre, c’est plutôt confortable. Le soir quand je rentre, il a fait à dîner. Je travaille dans une société de production télé, au moins douze heures par jour. J’aime mon boulot. Je réussis très bien . Lui il ne fait rien. Enfin, il fait de la video, c’est une sorte d’artiste. Alors il me fait la cuisine . Il est fou de moi. Il me dit que je suis la plus belle.
A première vue c’est l’homme ’idéal mais voilà, je ne suis pas amoureuse. Pas du tout . Pas plus de lui que de tous ceux qui l’ont précédé. « Amoureuse », je ne sais même pas ce que ce mot veut dire ! Du coup, j’ai des histoires à côté, mais ça ne débouche jamais sur rien non plus , ça le rend malheureux et moi ça me mine. Après, à chaque fois, je vais me réfugier chez mes parents. Dans leur maison de l’île d e Ré. Ou carrément chez eux à Paris. Je peux dîner trois fois par semaine avec eux. Parfois, je reste même coucher. J’ai toujours ma chambre !
J’aime trop mes parents, c’est ça le problème! Ca fait des années que je me dis ça, que je ne pourrais tomber amoureuse que si je décolle de chez eux . Je les appelle tous les jours! Ma mère, souvent deux fois par jour. En fait, je me sens encore très fille ,pas du tout femme comme elle. Elle est très féminine, ma mère ,toujours élégante . Elle me dit: «mais arrête de mettre des baskets et des sweet à capuche…» Ou : « Un jour ,il faut bien passer aux escarpins…» Elle a raison, elle a toujours raison: ça fait dix ans que je suis en en gazelle, en new balance, en Stan Smith !
Elle est chef d’entreprise. Et tellement géniale, ça fait presque peur. N’empêche, elle est toujours là pour moi. Dés que j’ai un problème, un texto ou un mail et elle me répond: « tu vas faire ci, tu vas faire ça » Ce n’est pas qu’ elle soit douce, ce n’est pas la maman câline, enveloppante. Elle,c’est plutôt: « allez , secoue-toi, tu ne vas pas te laisser abattre…» Mais même quand elle m’engueule, ça me réconforte. Ce que j’ aimerais, c’est continuer éternellement à me plaindre, à faire la fille, la petite fille à sa maman. Mes parents m’ont toujours adoré. Moi, j’aimerais rester leur fille toute la vie. Pour l’éternité….
Depuis quelque temps, je me demande si je ne vais pas quitter Pierre. Lui ne le sait pas encore mais eux, je le leur ai dit. Ils sont inquiets, d’ailleurs , ils l’aiment bien, Pierre. Il ne comprennent pas ma décision. Du coup, ils me bassinent avec ça chaque fois que je les vois. C’est le problème avec les parents soixante-huitards, ils veulent dialoguer et au nom du dialogue, ils vous communiquent leurs angoisses. « Tu es sûre de ce que tu fais, me dit mon père, Pierre c’est quand même un gentil garçon…» Ma mère elle, c’est carrément: «Mais alors, tu ne vas jamais arriver à te fixer? » Maintenant je suis moins réactive mais un jour elle m’avait dit ça, ou un truc comme ça et j’avais explosé: « J’en ai marre de ton jugement permanent. Tu crois m’aider et tu me casses »J’avais claqué la porte et j’étais partie . J’étais restée fâchée quatre mois.
A ce moment-là, j’en étais à ma deuxième psy. C’était une femme, je progressais. Avec elle ça n’avait pas duré longtemps, non plus . Je 'n avais pas pu aller à une séance .Ni à la suivante . Empêchée par le boulot . Elle m'a quand même fait payer les deux rendez vous . "Vous n'aviez qu'à vous débrouiller..."Je n'ai pas aimé son ton . Lorsque je 'lai revue, pendant tout l'entretien je me disais : " non seulement elle m'escroque, mais elle m'engueule, je vais la quitter . " En disant cela je me suis soudain rendu compte de ce qu'était le transfert: ce n'était pas elle que je voulais quitter, c’était ma mère.
Longtemps ,j’attendais que mes parents me lâchent . Je ne comprenais pas que c’était à moi d’arriver à être plus autonome . J’étais sûre qu’ils ne pouvaient pas se passer de moi. J’ai commencé a le comprendre avec ma nouvelle psy. La troisième. Elle s’appelle Anne. C’est probablement la personne la plus brillante que j’ai jamais rencontrée. Maintenant avec elle, je suis allongée, c’est mieux. Et je la vois deux fois par semaine . Hier pendant la séance, elle me disait:« N’oubliez pas : Dieu dit à Abraham: quitte ton père et ta mère… Ce sont les fondamentaux. » Elle me citait la bible, je n’en revenais pas. J’avais l’ impression d’être à la messe. « Abraham, le premier des prophètes , notre père a tous ….» continuait-elle. Je suis sortie . J’étais contente. Je me sentais enfin sur la bonne voie .
Cela fait quelque temps,maintenant, que j’ai décidé d’ inverser les priorités, de conduire ma vie selon mon désir et plus en suivant celui de mes parents, ou ce que je crois être celui de mes parents. Le problème pour moi n’est plus d’être une bonne fille, la fille parfaite, ce qu’il faut c’est que j’arrive à être heureuse. J’ai compris ça le jour de mes trente ans, en décembre dernier, il n’y a pas longtemps. Mes parents m’avaient organisé mon anniversaire chez eux. Il y avait là ma tante, la mère de Pierre, ma grand mère et d’autres . Je regardais toutes ces femmes . J’étais chez mes parents et je me sentais d’un seul coup comme une invitée, c’était la première fois que j’avais cette impression.
Marta ,une de mes meilleures amies m’a alors dit:« Moi à ton age, j’étais mariée,j’ avais déjà 2 enfants ». Elle a trente-quatre ans, elle. Mais oui, j’ai pensé aussitôt , elle a raison. Ca ne va pas, ça, ça ne va plus . J’ai trente ans. Je ne suis plus une enfant . Je ne veux plus que mes parents dirigent ma vie ,qu’ils continuent de me fêter mon anniversaire comme ça . Là, c’est trop. J’arrête. Je les ai regardés tous les deux, à l’autre bout de la pièce. Ils avaient l’air bien, tranquilles. Heureux . Ils allaient sûrement pouvoir se passer de moi, maintenant.
ELLE. /3 mars 2008/ propos receullis par Antoine Silber
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