C’est mon histoire
T/
Dans sa vie, il y a Rémi. Entre eux, la relation est tendre, sexuelle et….à éclipses. Clémence, 24 ans « et demi», comme elle le précise, nous donne, avec humour, sa version de « Sex and the city »
J'ai 24 ans et demis, les yeux verts et un grand sourire. Je suis brune après être passée du rouge au noir (ma période gothique qui ne m'a jamais vraiment quittée), et puis au blond…J’aime les bijoux, les magazines, je suis une fille un peu clichée
parfois…J'aime fumer.J’aime conduire mais j’ai peur d’ aller sur l'autoroute. J’ai peur des escaliers aussi, je tombe tout le temps. Je chante mal, mais j'organise bien les karaokés. J’aime rire, je ris très fort.J’aimerais bien avoir une voix grave, rauque mais je me coltine une voix de petit pinson enjoué.
Je suis étudiante en Lettres.
J’aime Baudelaire, Verlaine et Rimbaud. Tchekhov, Pennac, Brink et Labro. Et les sœurs Brontë. Je traîne mes études depuis 6 ans. Je fais des remplacements comme prof. J’ai un bon feeling avec les ados de 14 ans, mais je sais que je ne ferai pas ça toute ma vie.
Je m’habille BCBG, on dit que je suis classe. Il y a toujours une touche de couleur dans ce que je porte. Un sac violet, une écharpe rose.J'ai été grosse mais je ne le suis plus. Ma mère trouve que je devrais être plus mince encore mais moi je me trouve pas mal. Je m'aime bien.
Je suis trop spontanée, c’est ce que disent mes copines. Entre nous, on philosophe, on se fait des petites réflexions sur la vie, les mecs:
"Il a le sexe, comment dire, spongieux, tu vois ce que je veux dire??"
"Meeeeerde-……"
Ou alors
"Non, mais tu crois qu’ il a un syndrome d’ engagement impossible ce type?"
" Ouais, y ‘a des chances ! Il a pas digéré son ex. Il est pas sain. Ca pue la galère."
"Si j'y vais, tu me soutiendras?"
"J'ai déjà prévu des paquets de clopes."
"Ok merci"
Nos histoires, on les dramatise, on en rigole:
"Tu crois qu’il m'aiiiime?"
" Nan"
"Ouais, t as raison. Moi non plus…"
A un moment, j’allais énormément en boite. Je dansais sur les tables totalement saoule, en hurlant "la vie est belle!!!" C’était le temps où elle n’était pas belle, où j’allais mal. Maintenant je vais bien. Oui,je suis contente de dire que je vais bien. Même si je n’ai pas vu Rémi depuis un
mois….
Comment décrire Rémi? 28 ans.Avocat. Très diplômé. Très prometteur. Brun, les yeux noirs. Très beau. Il a un grain de beauté sur son menton carré. Un gros nez, j'adore les gros nez (chez les hommes), c’est oedipien, ça! Je trouve Depardieu sexy, c’est un peu exagéré mais l'idée est là. Revenons à Rémi… Il a une voix grave, très masculine. Il parle lentement, il dit "Bonjour" d’une façon suave, je fonds. Après il me dit que je suis magnifique, sublime, je n’ai plus de mot… Il danse la salsa comme personne. C’est un latin, il est sensuel, séducteur,manipulateur, parfois odieux.Très manipulateur !
Il y a cinq ans, je sortais avec Peter, j'avais 20 ans. Peter? C’est un « garçon », par opposition à « homme ». Pas très mûr. Gentil, très gentil, mais beaucoup de problèmes. On faisait partie d’une bande dans laquelle il y avait Rémi ,lequel avait une copine qui s’appelait Julia. A cette époque,je n’allais pas bien. Je suis partie enseigner un an à Glasgow. Je buvais énormément: 5, 6 gin tonic dans une soirée. J’étais une vraie loque. J'ai rompu avec Peter. J’ai rompu avec mes parents, aussi. Avec ma mère,on ne se parlait plus, on ne se comprenait plus. Ca me fait mal quand je pense à quel point j’ai fait souffrir mes parents à ce moment-là ! Un soir, j'étais tellement mal, j’avais le couteau sur mon poignet. J'ai eu un moment de lucidité, heureusement,je suis allée aux urgences psychiatriques. Ils m'ont repêchée.
J'ai fait le tri de mes amis. J’ai repris l'université. J'ai arrêté ma psychothérapie. Je ne sortais plus, en tous cas plus en boîte et puis un soir, en mai 2006, on me traîne quand même dans une boite d’ étudiants.A une soirée « jupes ». Jupes, pour les garçons aussi ! Je faisais la queue devant les toilettes avec une copine, on pouffait en regardant ces grands gaillards en jupes roses à pois.J'entend une voix masculine qui dit "Vraiment n'importe quoi!" en riant.Je me retourne et là: Rémi ! D’un seul coup,tout me revient ,tout ce passé, Peter, Rémi, la bande.Et cette soirée du Nouvel an 2004 où on était allé avec Peter passer 3 jours à Val d’Isère chez des amis et où Rémi était là,aussi, avec Julia.Il y avait eu alors quelque chose entre Rémi et moi ,pas grand chose, presque rien, mais quand même. Il était trois heures du matin, j’allais me coucher, tout le monde dormait, je tombe sur lui dans le couloir. Moi, dans un pyjama ridicule en pilou avec des nounours.Lui, trés joyeux. Il me saisit par la taille, plante ses yeux dans les miens et me murmure à l’oreille:« t’es tellement sexy !». Il me fait un bisou trés tendre, très prés de la bouche. Depuis, cette scène me hantait… Alors là, dans cette boîte,tout d’un coup, je le retrouve devant la porte des toilettes, je le regarde et la seule chose que je trouve à dire, c’est: "t'es toujours avec Julia?" Et lui:"non". Et il sourit. Il est libre. On est libres.Toute la soirée, ensuite,on rigole, on se frôle, on s’aperçoit qu’on a grandi.On s'embrasse. Il me dit qu’il ne veut pas de relation sérieuse. Je lui réponds:« ça me convient». Et on finit la nuit chez lui. Bien sûr.
On a bu et fumé à la lueur des bougies. Il était délicat, doux. C'était cool. C’est rare que je sois cool avec un homme quand je sais que quelques minutes après, il va me voir nue. On a recommencé à s’ embrasser (est-ce qu on avait vraiment arrêté?). Il a doucement enlevé ma robe. J'ai retiré sa chemise. Il avait un corps magnifique, vivant. Je sentais ses mains dans mes cheveux,sur mes épaules, le long de mes bras, sur mes pieds, sur mon ventre, partout. Il avait quatre mains! Il me répétait: « tu es belle ». Il prenait son temps. On a fait l'amour des heures et des heures. Il a commencé à faire jour. Je devais rentrer.
Depuis, on est ensemble . Enfin, ensemble… Il y a eu des nuits torrides. J’ai commencé à m'attacher. Il ne voulait toujours pas être en couple, mais moi si, en fait. Je ne pensais même qu’à ça: on prendrait tout à deux les bonheurs, les malheurs,les joies, les emmerdes. Parce qu’à deux c’est mieux, c’est plus facile que seul. Aimer l’autre. Etre solidaire. Faire un enfant avec lui. J'avais envie d'un enfant. J’ai envie d’un enfant. Mais pas lui, alors au bout d’un moment, je me suis éloignée , je suis sortie avec un autre garçon. Mais on s'est revus et on a refait l'amour et il y a eu d’autres nuits torrides et encore des soirées pleines de câlins, d'affection,de tendresse.
Quand on est célibataire et qu’on le vit, disons pas trop mal mais pas non plus super bien, c’est important la tendresse. J’arrive chez lui, il me prend dans ses bras,il m’embrasse,il me caresse les cheveux, j’ai l’impression qu’il a quatre mains, je suis dans un cocon chaud et agréable,ça me réchauffe.Ce n’est peut être pas de l’amour mais ça me fait du bien. Quand je le vois, il peut faire de moi ce qu’il veut. Quand je ne le vois pas je fais en sorte qu’il ne me manque pas. Il n’ est ni un ange, ni un salaud. Il est juste comme nous nous tous ( et toutes): un peu paumé dans sa
vie. Il se réfugie dans son travail et il baise à coté.Parce que oui: il baise, il n’y pas d’ autre mot. Sans sentiments mais bien. Il baise bien. Peut-être voudra-t il à un moment s‘engager davantage avec moi. Peut-être est-ce que je rencontrerai quelqu'un d'autre.Je ne sais pas. Je ne connais pas la suite de l’histoire.Je sais juste que j’ai envie de la continuer avec lui.
Rémi, c’est mon Mister Big! Vous savez le mec de Carrie Bradshaw dans « Sex and the city ». Celui qui part et qui revient. Celui qui la fait pleurer. Celui à cause de qui elle pète régulièrement un câble. Moi, je suis elle. Comme elle, je me suis blindée. Il fut un temps où j'étais si mal que j’acceptais d’avoir mal. Maintenant je vais bien et je veux me sentir vivante autrement que par la douleur.Le sexe pour le sexe, c’est notre liberté mais c’est aussi notre faiblesse.Je ne suis pas cynique.J’ai simplement developpé un sens aigu de l'auto-dérision. Ce qui ne m’empêche pas d’essayer de rester vraie.
ELLE. 2006. Propos receuillis par Antoine Silber
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