Entre Pauline, 34 ans et Lucas, 37, ça n’allait plus du tout. Mais pour autant, ils ne voulaient pas se quitter. Alors pour préserver leur couple, ils ont inventé un système bien à eux: ils ne se voient plus qu’une semaine sur deux !
C’était un matin. On était dans la cuisine, on venait de s’engueuler. Il a reposé son bol de café, il m’a regardée et m’a dit: « Tu sais Pauline, j’ai bien réfléchi. Décidément que je n’aime pas l’homme que je suis devenu. » Là, il s’est arrêté , il a baissé la tête avant d’ ajouter: « Toi tu es quelqu’un de trop bien. Et moi, moi….Il ne faudrait pas qu’on se gâte, on mérite quand même mieux que ça tous les deux ! » C’est vrai , je ne le supportais plus , je ne me supportais plus moi non plus :je me trouvais revêche, désagréable. Il avait raison, il fallait qu’on trouve une solution. Si on continuait dans cette routine, dans le manque de désir , la frustration permanente, notre couple était foutu. C’est ce matin-là qu’on a vraiment commencé à réfléchir à la meilleure façon de le préserver.
Dans notre vie, en fait, ça se passait super bien tant qu’on n’habitait pas ensemble . Au début… Ca avait duré un an et demi, entre 1999 et 200O. Et puis j’étais tombée enceinte de Barthélémy . Il y avait eu notre installation avenue René Coty, dans le 14 ème. La naissance. Après, l’envie de faire l’amour avait complètement disparu. Il y avait eu les années crèche, puis l’entrée en maternelle, on ne cherchait plus du tout à se séduire, comme s’il n’y avait plus de désir. Je me disais : « je suis en train de le perdre » Il ne s’intéressait plus qu’ à Barth, ils formaient une sorte de clan tous les deux. Je rentrais le soir, ils étaient ensemble devant la télé , avachis dans le canapé. J’aurais aimé que Lucas me voit, qu’il me serve un verre. Mais non ! Je me vivais comme une exclue chez moi. Du coup, je lui parlais mal: « tu n’as rien d’autre à foutre que de regarder la télé ? » Et lui, pas mieux: « la télé c’est mon instrument de travail. tu ne peux pas comprendre ça ?»
Lucas et moi, on a des goûts, des rythmes diamétralement opposés. Lui, c’est un lent, un artiste, un procrastinateur. Moi je suis organisée, hyperactive , assez psycho-rigide. Il crée des sites Internet, il travaillait à la maison. Dans son bureau toujours en désordre , il y avait cinq ordinateurs. Il ne prévoyait jamais rien . Par exemple, je partais en déplacement , je revenais il n’y avait plus rien dans le frigo , plus de yaourts , plus d e pain en tranches . Moi j’aime que le frigo soit plein, ça me rassure. Je lui faisais remarquer qu’il n’avait pas fait les courses , il me répondait :« tu m’emmerdes avec tes reproches. » J’étais dans l’énervement permanent. Un jour il a dit : « j’en ai marre, je me casse. » Il a pris un de ses ordinateurs portables et il est parti 8 jours chez un copain réalisateur à la télé .
C’était l’an dernier , Barthélémy était encore a la maternelle. Pendant ces 8 jours , je n’ai jamais été aussi bien. Je me sentais soulagée. Je me regardais dans la glace , je me trouvais plus jolie . Je sortais au restaurant avec Marianne, ma meilleure amie , elle me disait : « mais quitte-le ». Moi : « non, Lucas, c’est mon homme !» N’empêche sans lui, j’étais plus cool. Il est revenu , son fils lui manquait trop. Il était un peu penaud, et moi, quand même bien contente.
Quand on est énervé par quelqu’un, il ne faut pas croire que ça va s’arranger. Ca ne s’arrange jamais . J’ai beaucoup réfléchi à tout ce qui nous énerve, je crois que je pourrais écrire une thèse: L’énervement dans le couple ; l’énervement des enfants ; l’énervement en famille… Donc l’énervement a continué. Et trois mois après bien sûr , il est reparti. Cette fois complètement . Il a loué un appartement tout prés de l’école de Barthélémy. Rue d’Alésia . Un studio. On était en mai 2006, il venait de toucher les dividendes d’un gros contrat, plus une avance sur le suivant. Au bout d’un mois, il me manquait tellement, j’avais envie qu’ il me touche, j’avais envie de retrouver son corps,de le sentir, qu’il me prenne, à sa manière : si lente, si douce, qu’il me fasse partir, comme si on dansait la samba.
On a décidé de partir ensemble en vacances,. L’été ,tout va toujours bien entre nous, je ne sais pas pourquoi, l’absence de stress, la chaleur…. On est allés à Hossegor et ça s’est génialement passé. A la rentrée, on a eu une grande discussion. Barthélémy ne posait aucun problème. Il entrait au CP, tout allait bien . Non, c’était nous le problème , comment rester ensemble tout en étant séparés? Pas question de se quitter, on continuait. Mais pas question non plus que rien ne change. On a décidé de ne plus dormir ensemble qu’ une semaine sur deux.
On a mis plusieurs semaines à mettre au point notre nouvelle vie. Ce serait lui qui viendrait dormir chez moi plutôt que l’inverse. Il serait une semaine chez moi, l’autre semaine dans son studio. Barthélémy serait avec moi en semaine et avec son père tous les week-ends. Moi , je travaille beaucoup , j’aime être seule le week-end , au calme. Je me fais un ciné le samedi. Ou deux a la file, ça j’adore.
On a donc inventé les semaines « avec » et les semaines « sans » . Les semaines « avec » , il est là et c’est génial . On est tous les trois comme avant. Sauf qu’ au bout de cinq, six jours , juste avant qu’on commence à s’énerver, il s’en va , il retourne dans son studio. Et puis les semaines « sans » où on est séparés et où Barthélemy va dormir chez lui le mardi soir. Parce que ces semaines là ,son père lui manque un peu .
On n’est pas dogmatiques: de temps en temps, moi aussi, je m’autorise une nuit chez lui. Je trouve ça exitant, exotique. C’est une liberté. L’autre jour, il m’ a invitée a dîner. Bart’ était chez sa grand ‘mère . Au dessert, ça devenait de plus en plus tendre, j’ai décidé de rester avec lui. Le lendemain, j’ai raconté à Barth que j’ avais dormi chez son père. « Il m’a dit de te faire plein de bisous ! » «Pourquoi il reste pas dormir à la maison papa?» «Ce n’est pas sa semaine et tu vois bien que quand il reste, on s’engueule tout le temps.» « oui, c’est vrai je n’aime pas quand vous vous attrapez!»
Notre grande victoire a été d’arriver à retrouver une vraie harmonie sexuelle .Mais ça a mis du temps…. Un soir, c’était en octobre dernier, il ne venait pas encore une semaine sur deux , il était passé voir Barth. J’avais fait la cuisine, un clafoutis aux prunes , il adore le clafoutis. Je lui ai dit de rester. Il était mignon, il était minuit. « Ca te fait plaisir, t’es sûre ? « « Oui » On n’avait pas fait l’amour depuis les vacances, il s’abandonnait, c’était si bon. J’ai passé la nuit à lui donner de l’ amour. C’est à ce moment- là qu’ on s’est vraiment retrouvés. La semaine d’après, il rapportait ses affaires de toilette et quelques chemises « Je vais être en garde alternée ! » a-t-il dit . C’est lui qui a trouvé la formule.
Ca fait sept mois maintenant et je crois qu’on ne pourrait plus revenir en arrière. Quand on me demande : « alors ta vie , c’est comment ? » Je réponds: « Le rêve. Comme au début. Mieux qu’au début, même…. » On est contents d’avoir réussi à surmonter cette crise , et c’est comme si notre couple s’en trouvait consolidé . Vivre séparément tout en restant ensemble, ça veut dire toujours faire attention à l’autre, ne jamais se perdre de vue, sans cesse se re-séduire , se re-conquérir. S’aimer encore plus, quoi ! Vivre seule, ça ne veut pas dire non plus fréquenter quelqu’un d’autre, moi, je n’ai pas envie d’un autre homme, je ne suis attachée qu’à lui, je n’en veux qu’ à son corps. Et lui n’a personne d’autre non plus , j’en suis a peu prés sûre ….
Tous les deux, on a retrouvé l’enthousiasme d’ être ensemble, la complicité. Le désir. Maintenant on se manque. Quand on ne se voit pas deux jours, il m’envoie des textos, des petits mots. Même quand on n’a rien à se dire , juste pour garder un contact. Un petit contact. Il a beaucoup d’attention, comme ça, de loin. C’est ce que j’aime.
ELLE. 2007. Propos recueillis par Antoine Silber
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