mardi 5 février 2008

C'est mon histoire : « Ma psy m’a sauvé la vie… »

C’était il y a trois ans: Sonia, maigrissait et dépérissait sans arriver à comprendre ce qui n’allait pas dans sa vie. Et puis elle a rencontré Marie, une psychiatre avec qui elle a fait une thérapie. Aujourd’hui, elle a trente-cinq ans et elle va bien . Elle raconte .




Elle s'appelle Marie. Elle est psychiatre. Sans elle, je ne serais plus là.

La première fois que je suis entrée dans son cabinet, j'étais en vrac. J’avais 32 ans . J’étais assistante sociale. J’avais ma maison. Apparemment, tout allait bien. Pourtant je ne supportais plus ma vie. Mes deux meilleures amies se mariaient. En face de leur projet couple-famille-bébé, je me sentais encore plus seule. Pour moi l’anorexie était une forme de réponse, de protestation. Je ne pesais plus que 45 kilogs. J'avais des insomnies épouvantables. Le visage vide. J’étais déjà allé voir un psy, un homme. Au bout de trois séances, j’avais arrêté. Je n’avais pas l’impression qu’il entendait ma souffrance. Le jour de la Saint-Valentin, j’ai fait un malaise en pleine rue. J’entendais les passants autour crier : « Le samu ! Le samu ! » Je me disais: enfin, on va s’occuper de moi. Je me suis reveillée à l’hôpital. Dans une chambre toute blanche, monacale. A ma gauche, une perf’. A ma droite, un electrocardiogramme. C’est là que tout s’est joué. En une seconde. Je me suis dit: ou je me laisse couler ou je me bats. Et j’ai choisi le camp de la vie.


Tout ça se passait il y a trois ans. Après l’hôpital, je n’avais plus le choix, il fallait que j’entame une thérapie. Je me suis retrouvée en face de Marie un vendredi soir, à 18 heures. Je vis dans l’Est de la France , un pays de montagne. Elle habitait à une heure de voiture de chez moi. C’était loin. Marie est une femme élégante, aux cheveux courts. Blonde . Avec des lunettes. Dans les 40,45 ans. Dés que je l’ai vue, je me suis sentie à l’aise. « Qu’est-ce- qui vous amène ? » « Ca ne va pas mais je ne sais pas pourquoi…» Je lui ai dit que j’étais ce genre de fille qu’on vient toujours voir pour lui demander un service et qu’on vampirise parce qu’elle ne sait pas dire non . Je lui ai dit que je ne rencontrais que des hommes qui me manipulaient , m’ humiliaient ou me trompaient. Je lui ai dit que je me sentais anormale parce que je ne voulais pas d’ enfant. En une demi-heure, je lui ai tout balancé. Mon père de qui je me sentais si proche mais qui m’envahissait. Ma mère que j’adorais mais qui ne m’avait jamais embrassée. A la fin, elle m’a dit: « écoutez on va détricoter tout ça… »


Je suis sortie de son bureau soulagée. Je me disais:« Ca y est, il va enfin se passer quelque chose. »


Je ne me sentais entendue. Et pas jugée. Je la retrouvais tous les vendredi soirs à 18 heures. J’étais sa dernière patiente de la semaine . Avec elle, j’ai commencé à décrypter mes comportements, à mieux écouter mon corps. J’avais tout le temps mal au ventre. La première fois que je lui ai parlé de ça, elle m’a dit : « rappelez vous: tu enfanteras dans la douleur… ». Je découvrais que je ne m’ étais jamais autorisée à avancer mes goûts,mes points de vue,à affirmer mes ambitions, . J’avais étouffé toutes mes envies,mes désirs,mes rêves . J’avais tout le temps nié mes émotions. Et , pour quoi? Pour être aimée!!!! Je me racontais devant elle et au fur et a mesure je me sentais devenir plus intelligente. C’était dur parfois . Mais elle était là et me rassurait. Elle me disait que j’étais sur la bonne voie .

J’ai commencé a re-manger. J’ai peu à peu repris du plaisir a croquer du chocolat. Je me suis autorisée à prendre du temps pour moi. A voyager. Je suis allée au Maroc. C’était mon premier voyage seule . Je suis allé a la Guadeloupe, de nouveau seule. Là , je me suis fait des amis. Un couple de l’âge de mes parents, des gens qui sont maintenant un peu comme mes deuxièmes parents. Je suis allée en Crète.



C’est la première année qui a été importante. Au boulot, avec mes amis, l’évolution était flagrante. La preuve : au bout de 18 mois, j’ai rencontré un homme . A la seconde où je ‘lai vu, j’ai su. Il était marié , mais je l’ai tout de même laissé m’approcher alors qu’avant quand quelqu’un me plaisait, je me drapais dans mes grands airs. Avec lui j’arrivais à exprimer mes sentiments , à dire: «tu me manques ». C’était nouveau. De l'amour, je ne connaissais jusque-là que la peur, la souffrance, l'attente, la frustration. Il a tout bousculé. Il a été celui qui a su m'émouvoir. Je me suis retrouvée nue devant lui,vulnérable, et pourtant si forte déjà. Il me révélait mon besoin d’être caressée , cajolée, embrassée. C’ était quelqu’un de tendre. Avec lui, j'ai pu commencer à m'octroyer du plaisir. Je parle de lui au passé parce qu’il était pris, qu’il a bien fallu que nous nous quittions. Mais ca s’est fait dans le respect . Dans l’honnèteté. Et ça m’a fait émerger un désir d’enfant très nouveau.



En trois ans je n’ai manqué aucun rendez vous avec Marie. Parfois elle me bousculait. Elle m’ incitait à me mettre en colère, à ne pas me laisser faire. Quand je revenais chez moi, le soir , après ma séance, souvent je sanglotais, seule , dans la nuit , sur ma route de montagne , au volant de ma voiture. Parce que je me comprenais de mieux en mieux. J’arrivais enfin à mettre des mots sur ma souffrance. J'ai beaucoup pleuré, c’est sûr . Mais j'ai ri, aussi. Comme je ne l'avais jamais fait. Un rire authentique. A un moment , comme ça, je n’ai plus pu communiquer avec ma mère . Un vrai rejet. Mon père m’appelait « ta mère veut te voir, elle n’est pas bien » me disait-il. « Moi pas ! »je lui répondais méchamment. Un jour ,après une reflexion que mon père m’a faite , je lui ai dit « merde » .Pour la première fois de ma vie. J’avais attendu toutes ces années pour pouvoir m’affirmer en face de lui.



Maintenant je vais bien. J’ai retrouvé un ami dont je crois que je suis en train de tomber amoureuse. Quand je lai revu, il m’a dit : « c’est incroyable comme tu as changée .. » Je lui ai répondu : « Non je n’ai pas changée , je me suis trouvée » « C’est vrai, tu es la même . Et en même temps tu es devenue une autre … » Il me plait tellement . Lui aussi fait une thérapie , c’est peut-être pour ça qu’on se comprend…. Aujourd’hui je me sens prète. A partager ma vie avec quelqu’un . Comme à porter un enfant. Finalement, je crois que c’était plutôt bien que je n’ai pas eu envie d‘enfant plus tôt. Je lui aurais sûrement transmis toutes mes douleurs, et toutes les douleurs de ma mère. C’est ce que j’ai découvert avec Marie. Ce lien névrotique que j’entretenais avec elle. Ma mère a vécu des choses dures . Elle avait 17 ans quand elle est tombée enceinte de moi. Ses parents l’ont jetée de chez eux et elle a dù trouver refuge chez les parents mon père. Ce traumatisme qu’elle a enduré , cette douleur, cette honte autour de ma naissance, je crois que je les avais intériorisés . Quand j’étais petite , ma mère ne m’embrassait jamais . Elle ne me faisait pas de calin non plus. Quand j’étais malade, c’est mon père qui était là , toujours là, à mon chevet .Ma mère n’avait jamais été calinée dans son enfance, elle non plus. Ma thérapie nous a permis de parler de tout ça, elle et moi . De nous retrouver . De nous trouver enfin . Maintenant, entre nous, tout est changé. On a appris à faire des choses ensemble , les magasins, du sport . On parle. Elle m’envoie des textos. Des Bisous par téléphone . C’est si nouveau, si bon . A plus de 50 ans , elle revit . En même temps que moi je revis.





Je suis restée trois ans en thérapie. Je voulais arrêter le jour de mon 35 ème anniversaire. Le 3 novembre dernier. Lors de cette dernière séance, j’ai fait avec Marie une sorte de bilan. Elle m’a dit que j’avais été courageuse Je lui ai répondu que j’avais eu de la chance de la trouver.A la fin de la séance, je l’ai sentie émue. Et j’avais envie de pleurer, mais de joie. Je mesurais le chemin parcouru. J’étais passée à coté de moi durant de trop longues années. Grâce a elle, je m’étais rebranchée sur moi . Je m’étais réconciliée avec moi-même.


ELLE . 2007. Propos recueillis par Antoine Silber

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