Valérie a 36 ans . Elle est aujourd'hui remariée avec deux enfants, mais avant, elle a vécu sept ans avec un homme qui la trompait avec des hommes. Elle raconte.
J'ai vécu sept ans avec un homosexuel. Sans le savoir ou sans vouloir le voir. Je ne vous dirais pas son prénom, ni son nom: il est journaliste télé , tout le monde le reconnaîtrait.
Aucun trace de féminité et cependant tous les signes d’appartenance à la communauté gay: un appartement dans le Marais, une fascination pour Sydney en Australie, une des villes gay friendly avec San Francisco. Il était un fan absolu de Dalida dont j’ai appris depuis qu’elle était une icône gay. Et il détestait mon meilleur ami, un homo qui aurait pu le mettre à jour.
Je l’ai connu en 1993, j’étais étudiante. A notre premier dîner, surprise: il arrive au restaurant avec un ami. Deuxième dîner, même chose, mais avec un autre garçon. Pour le troisième dîner, je lui demande de venir seul. C’est ce soir-là qu’on a fait l’amour la première fois.
Il n'était pas du tout sensuel. Je me disais qu'il était un mauvais amant, sans me poser plus de questions. Ce n'est pas que je ne prenais aucun plaisir, attention: c'était agréable, mais c’est tout, je ne grimpais pas aux rideaux. Après, longtemps aprés, quand nous nous sommes quittés, je lui ai dit que je n'avais jamais eu d'orgasme avec lui. Il en a été horriblement vexé et furieux.
J’avais vingt-quatre ans. Lui, huit de plus et pour être honnête, le sexe n’était pas ce qui m’intéressait le plus à l’époque. J’aimais son appartement du Marais, une sorte de caverne pleine de livres, du sol au plafond. Il partait en reportage au Rwanda ou en Bosnie et en revenant, il me racontait tout. C’était passionnant. J’aimais qu’il m’apprenne des choses, qu’il m’aide à réfléchir. Il me servait un peu de pygmalion, le reste je passais dessus.
« Il faut que ce soit clair» me disait-il « la vie quotidienne, mes caleçons à côté de tes petites culottes, tout ça, je ne supporte pas. ….» Moi je vivais dans un studio , dans le 7 ème , il m’assurait qu’il ne se marierait jamais. En fait , ça m’excitait, je me disais: « celui-là, je vais le mater ». Il aimait ma gaîté , ma joie de vivre. Au bout d’un an. Il me dit :« Bon on va se fiancer.» J’avais gagné. J’ai dit oui.
On s’est mariés l’été 97. A l’église, tout comme il faut.
Je crois que si, alors , il m’avait dit: « Ecoute Valérie, j’ai un passé homo mais je t’ai rencontrée, on s’est mariés devant Dieu et je veux maintenant qu’on fasse un bout de chemin ensemble , » ça aurait été différent, j’aurais compris. Mais non, il n’ a jamais pu m’avouer qu’il était homo ou bi. Et ce qui me déplait c’est ça, pas tellement qu’il aime les garçons, mais qu’il me trompe, qu’il me mente, qu’il m’ait menti toutes ces années !
On part en voyage de noces au Zimbabwé. J’emménage dans son appartement, j’étais heureuse. Un jour, je reviens d’un déplacement professionnel , je trouve un dim’ up dans le panier a linge sale. Je ne porte jamais de bas, ça descend, je ne trouve pas ça confortable. Ma première idée: « il me trompe! ». Le soir, je lui en parle: « Je ne sais pas ce que c’est. Demande à la femme de ménage, c’est peut-être être à elle… » Il me dit ça avec une telle sincérité!
L’été d’après, on va en vacances aux Antilles. Un matin, je vais chercher de la crème solaire dans la chambre. Son portefeuille tombe de sa veste . Une photo en sort, découpée dans un magazine. Elle représente un homme sous la douche en train de se donner du plaisir « Qu’est ce que c’est que ça? » « Rien. Ce n’est pas à moi…» Il était comme un petit garçon pris en faute: «Je te jure!»
Il pouvait être à la fois infantile et cynique. Avec un côté méprisant, cassant. Il ne voulait m’offrir que des livre . Chaque fois qu’il partait en reportage, il m’en laissait une pile: « lis-les, je t’interrogerai à mon retour ! » Et quand il allait dîner avec ses copains, il me disait: « je ne t’invite pas, tu ne comprendrais rien à la conversation ….»
Je voyais un psy depuis un an. Je n’abordais pas ce problème d’homosexualité pendant mes séances puisque je ne me doutais de rien, je ne comprenais rien. Il me conseillait de quitter mon mari. Pour lui, la manière dont il me parlait, c’était de la maltraitance! Il y avait un autre problème, nous voulions absolument un enfant et nous n’ y arrivions pas. J’avais fait des échographies ,des examens sanguins, je savais que de mon côté, tout allait bien. Je l’ai convaincu de faire des analyses. Les résultats arrivent: son spermogramme n’était pas bon, ça l’a rendu fou, il est devenu tout à fait insupportable.
On a fait trois tentatives d’insémination artificielle. Les trois ont échoué. La troisième fois, en juin 2000, je le vivais tellement mal que je n’arrêtais pas de pleurer. Et alors que j’avais vraiment besoin de lui, il décide de partir une nouvelle fois en voyage, aux Antilles. Me laissant dans la seule compagnie de mes deux chats. Avec ma tristesse , ma solitude.
Un soir , je l’appelle à Saint-Domingue, ça allait mal, je lui dis: « je n’en peux plus , je te quitte. » Il me répond: « arrête tes caprices ! » Je raccroche. Je pars . Le jour de son retour, je vais quand même l’acceuillir. Il était six heures du matin , j ’étais devant l’immeuble. Il sort du taxi, il me voit. Il avait un regard comme il n’avait jamais eu, très aimant, comme si la peur que je le quitte , d’un seul coup le faisait m’aimer . « Je ne veux pas que tu partes », me dit- il « Mais je suis déjà partie ». « Je ne peux pas vivre sans toi. Donnes-moi encore une chance …..» Je l’ ai accompagné a l’appartement. Quand il a vu que j’avais pris toutes mes affaires, mes objets, mes vêtements d’été et d’hiver, il a pété un câble. « Tu n’ es plus la femme que j’aimais. Ce mariage a été une erreur. Fiches le camp ! ».
Les semaines qui ont suivi, c’est devenu très douloureux. Il essayait de me rattraper, il m’envoyait des roses rouges. Un soir, je cède, je reviens, nous refaisons l’amour. Il me disait qu’il m’aimait, qu’il souffrait. Ca a été la dernière fois, après chacun a pris un avocat, il est devenu carrément odieux et ça a été une terrible bagarre, notamment pour des petites cuillères en argent qu’il m’ accusait de lui avoir volées. Et puis , un jour je tombe sur des photos de lui nu, en train de nager aux Antilles, avec un autre homme. Il n’y avait plus d’ équivoque. Mais bien sur, il était gay! Il s’était bien foutu de moi!
Je pose des questions autour de moi. « Tu sais au journal tout le monde savait qu’il était homo…» me dit –on. Mais alors pourquoi ne m’avait-on rien dit à moi ? Je me sentais la cruche de service, la naïve, la pauvre fille.
J’ai rencontré celui qui est actuellement mon mari deux mois après notre séparation. En Novembre 2000. Pendant le divorce, il était là, avec moi, tout le temps . Il me soutenait. Un homme splendide. Trois ans de moins que moi. Vraiment intelligent, lui. Avec l’intelligence du cœur.
Quand tout ça a été fini, il m’a offert une magnifique bague de fiançailles. Maintenant, il dirige une société de conseil, il a un super salaire, mais à ce moment-là, il finissait son service militaire, il n’avait pas un sou.
On s’est mariés en 2003, à la mairie. J’ai arrêté la pilule.Trois mois après, j’étais enceinte. J’ai revendu sur E-Bay la robe blanche que je portais a mon premier mariage . Je me suis débarrassée de toutes les photos avec lui. J’ai eu deux enfants en trois ans. Une fille puis un garçon et je peux dire qu’ aujourd’hui je suis vraiment heureuse.. D’autant que professionnellement, je réussis très bien.
Aujourd’hui, je dirais que mon premier mari était un homosexuel non déclaré qui voulait faire sa vie comme un hétéro. Et qu’il a tout raté ! Je ne sais pas ce qu’il est devenu et je m’en fous. On me dit qu’il est maintenant complètement homo. Mais qu’il fasse ce qu’il veut!
Cette histoire, mon mari et moi , maintenant on en rit. Mais je vous assure, ça a été dur. Pendant sept ans, j’ai vraiment porté ma croix.
ELLE. 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire