Myriam tenait à ce que Guillaume, 15 ans, accepte de rencontrer avant sa majorité, son père qu’il n’avait jamais vu. Et puis, un jour, cet été, dans l’Airbus qui les ramène de Miami, elle tombe sur lui!
Guillaume ne connaissait pas son père .Il ne l’avait jamais vu. Il vivait depuis quinze ans avec ça, dans ce manque de père, cette absence…. Je lui avais montré toutes les photos que je possédais. Je lui avais tout dit de ce qui s’était passé. Pourquoi nous n’étions pas restés ensemble, Philippe et moi. Pourquoi son père ne l’ avait pas reconnu. Et chaque fois que je lui avais proposé de prendre contact avec Philippe , il me répondait « non, je ne veux pas ! » Depuis quatre ans, j’ avais commencé une psy , la perception que j’ai d’un certain nombre de choses a changé, je me disais et je lui disais à lui qu’il faudrait qu’il envisage de rencontrer son père avant sa majorité, avant de devenir adulte. Il prenait alors son air sombre du fils fâché. Et il répétait: « je t’ai déjà dit cent fois que je ne veux pas voir ce salaud qui t’a abandonnée…»
Et puis il y a eu cette rencontre dans l’avion.
On était le 13 juillet dernier . On revenait de Miami, tous les deux, trés gais, trés heureux. On venait de passer quinze jours géniaux aux Etats-Unis avec des cousins. Et Guillaume repartait le lendemain faire un stage de voile aux Glénans. On était dans l’ avion, un Airbus , à l’arrière. Je me lève pour aller aux toilettes. J’arrive à hauteur du premier rang: Philippe! Oui, Philippe, le père de Guillaume . Pas de doute, c’était lui. Je m’enferme dans les toilettes. Quel choc! Je ne l’avais pas vu depuis des années mais je ne pouvais pas me tromper. A côté de lui, il y avait une femme. Sa femme? Je fais pipi. Est ce que je devais aller lui parler? Je sors des toilettes. Il lève les yeux, il me voit. Je lui souris. Il me sourit. Je ne sais pas ce qui se passe a ce moment là, je ne m’arrête pas. J’étais sûre que c’était lui pourtant, mais de là à lui parler…
Je reviens a ma place. Guillaume était sur sa Game boy, il lève à peine la tête. Est-ce que je devais lui dire que son père était dans l’avion, là, à dix rangs de lui. Il n’avait jamais vu son père .Il n’avait qu’a se lever pour aller lui dire bonjour. C’était comme un signe du destin…
Philippe, je l’avais connu en 1992. J’avais 33 ans. Je suis avocate. A l’époque, je travaillais chez un ténor du barreau. Je n’avais pas encore mon cabinet. Je sortais d’une grande histoire avec un autre confrère, Raphaël. Philippe était chirurgien , divorcé. Avec deux enfants. On avait eu une aventure très passionnelle, très violente et au bout de trois mois, j’étais tombée enceinte. Il ne voulait pas de l’enfant, moi je voulais le garder. On avait des rapports clairs, passionnels mais clairs. Avec un vrai respect mutuel. « Tu fais ce que tu veux, me dit-il mais moi je ne peux pas assumer ça! ». Le problème a l’époque c’est qu’il était aussi avec une autre femme, Caroline. Il disait qu’il était amoureux de moi mais il ne devait pas être tant que ça puisqu’il m’a carrément laissée tomber et il est allé avec elle. J’avais accouché pendant l’hiver. Il neigeait, tout le monde était au ski. Guillaume est né le lendemain de Noël, 92. J’étais seule.
Est ce que cette femme a côté de lui était cette Caroline pour qui il m’avait plaquée ? Dans l’avion, en reprenant ma place à coté de Guillaume je n’érr^étais pas de me poser la question. Je ne l’avais jamais vue, elle et lui seulement deux fois en quinze ans. Je lui en avais tellement voulu ! J’ étais sure qu’il m’avait reconnue. Il m’avait souri mais comment lui parler maintenant? Je regardais mon fils, toujours plongé dans son jeu. Il valait peut-être mieux attendre l’arrivée à Charles de Gaulle pour faire les présentations… Je ne pouvais tout de même pas lui dire : « Devine qui est dans l’avion, je te le donne en mille… » Ou : « Si tu veux voir ton père, c’est le moment…»
Je n’ai pas dormi de tout le vol. Je gambergeais. A côté de moi, Guillaume ronflait comme un bienheureux. On est arrivés a Paris à 7 heures du matin. Philippe n’était pas aux bagages. Ni aux taxis. Nulle part ! On est arrivés à la maison. Je me disais:je vais l’appeler. J ‘ai attendu le lendemain que Guillaume aille prendre son train pour Les Glénans. J’appelle. « Bonjour Philippe . C’est quand même étonnant qu’on se retrouve comme ça dans l’avion. Non ?» Lui: « Maisquel avion ? » « Celui de Miami, hier. Tu es bien allé a Miami? » « Oui » « Tu m’as vue puisque tu m’as souri… Tu étais assis a coté d’ une blonde, trés jolie…» « Non.Je ne sais pas de quoi tu parles…» Je lui raconte que j’étais avec Guillaume. Il savait qu’il avait un fils. Quand Guillaume avait eu trois ans, je lui avais envoyé une photo. Et je l’avais emmené le voir un jour à la sortie d e l’école . C’est là que j’ avais appris qu’il s’était marié avec cette Caroline.
Je lui ai demandé: « Toi tu as envie de le voir,de lui parler ? » Et il m’a répondu: « oui ». J’ai alors ressenti une espèce de soulagement. Notre conversation était d’ailleurs extraordinaire. Il n’ était pas du tout hostile ou méfiant. Il n’ avait aucune réticence à l’idée de voir Guillaume. Il avait toujours été un type bien . Là, il me le prouvait.
Je lui ai proposé qu’on déjeune ensemble, pour parler de tout ça . Il n’a pas hésité.: « d accord ». Je le lui fait répéter : « OK. Très bien » Et avant de raccrocher, il a ajouté « Et tu sais, la blonde très jolie à côté de moi, c’était Caroline…. »
J’ai déjeuné avec lui quinze jours après. Dans un restaurant du Palais Royal, au bord du Jardin. Là, j’ai découvert un homme formidable. Ce n‘était plus l’homme à qui j’en avais tellement voulu, cet homme si craquant, ce très beau garçon qui m’avait salement laissé tomber au début de ma grossesse. Je trouvais que l’âge lui allait bien, qu’il était encore plus beau , malgré ou grâce à ses rides et son front dégarni. Il avait eu, me confiait-il, une fille avec Caroline: Louise , qui avait aujourd’hui 14 ans. Un an de moins que Guillaume….Ses deux autres enfants: Marina et Samuel avaient eux 23 et 21 ans. Il me disait qu’ avec Caroline ,sa femme, ça n’allait plus bien du tout. Il étaient en train de se séparer.
Guillaume est revenu de son stage des Glénans le lendemain de notre déjeuner. Il n’avait même pas défait son sac que je lui racontais tout. Son père dans l’avion. Mes hésitations. Le déjeuner sous les arcades du Palais Royal. La réaction positive de Philippe…. Je parlais et ça l’énervait. Il me répétait qu’il ne voulai pas le voir. On a parlé très longtemps . jusqu'à onze heures ce soir-là, puis le lendemain, dés le petit déjeuner. Il se calmait peu a peu, la curiosité commençait a l’emporter. Il se refusait à appeler son père mais l’idée que Philippe, lui, llui téléphone ne lui déplaisait pas totalement. J’ai appelé Philipp . Mais lui préférait voir Guillaume plutôt que l’ appeler. Tous les deux, le père et le fils refusaient à faire le premier pas. Il fallait que j’arrive à les sortir de cette impasse .
J’ai mis plus de deux mois à convaincre Guillaume de rencontrer son père. Et j’y arrivée. « D’accord, mais alors, surtout, pas à la maison…» « Où? » « Si tu veux , dans ce restaurant, au bord des jardins du Palais Royal ou vous vous êtes revus… » J’étais très contente, je n’y croyais plus.
J’ai rappelé Philippe. Je lui ai dit: « il est d’ accord. Il accepte de te voir. » Il était ému, je le sentais tellement ému.
Cette conversation date de huit jours maintenant. Guillaume va avoir 16 ans. Je ne sais pas très bien comment ça va se passer mais je suis optimiste . Je crois qu’ils vont arriver a s’entendre, que ça va même tout changer pour Guillaume et aussi pour Philippe. Cette rencontre, c’est le cadeau que je veux faire à mon fils pour son anniversaire. Lui permettre de connaître le père qu’il n’a jamais vu, n’ est ce pas le plus beau cadeau qu’ on puisse faire à un garçon pour ses 16 ans?
Voilà. On en est là. Le déjeuner, c’est samedi prochain. Pour la première fois, on va se retrouver ensemble tous les trois. J’espère qu’il fera beau.
ELLE. 22 Octobre 2007 . Propos receuillis par Antoine Silber
vendredi 18 janvier 2008
C’est mon histoire "ma parenthèse enchantée en Californie"
Parfaite « deperate housewife », comme elle se qualifie elle-même, Edwige, 37 ans, est mariée à un chirurgien, et mère de deux enfants. Elle s’est offerte , en février dernier, une escapade amoureuse d’une semaine à Los Angelès. Et elle ne regrette rien.
Jamais je n’avais trompé mon mari! Jamais je n’avais même eu l’idée de le tromper ! Sur le chapitre de la fidélité, j’étais du genre psycho-rigide. Et le pire c’est qu’aujourd’hui je ne regrette rien . Je suis mariée avec Jean –Hervé depuis 1999. Nous avons deux enfants, deux garçons, nés à deux ans d’intervalle, en 2000 et 2002. Il est chirurgien. Et moi femme de chirurgien…. En fait, je suis la parfaite bourgeoise de province, une « desperate housewife» dans toute sa splendeur : une belle maison, de beaux enfants en bonne santé. Ca fait des années que je ne travaille plus , depuis que me suis arrétée pour élever mes garçons. Jean-Hervé ,lui, est reconnu dans son métier. Trés connu même à Nice où nous vivons . Il part le matin a 7 heures, revient a 9 heures du soir . Pendant ce temps , je m’active, je n’ai pas cinq minutes à moi. Prisonnière de cette vie de femme au foyer dans laquelle je me suis enfermée .
Moi, je suis « la femme de…»Je pourrais vous écrire des livres entiers sur cette misère, cette frustration…. Quand je me retrouve dans une soirée, qu’ on me demande : « et vous qu’est ce que vous faites ? » Je réponds : « Rien, je ne fais rien… » Et je ris, heureusement, j’ai un peu d’humour. « Mais c’est le plus beau métier du monde, ça ». Tu parles ! Le premier Juillet 2006 , on était donc avec mon mari, comme ça dans une soirée chez des amis qui ont une sublime maison à Tourtour dans le Haut-Var . Une soirée blanche ! Tout le monde en blanc ! Tous au bord d’une grande piscine entourée d’oliviers, avec dans le fond un écran plasma qui retransmettait le match France –Brésil. La coupe du Monde de foot en direct! 21 heures : Jean-Hervé et ses copains étaient comme des fous. Nous, les femmes,on les regardait en souriant. Au bout de 90 minutes, score : 1-0 pour la France. Le Brésil est éliminé . C’est exactement à cet instant-là que mon histoire avec Marco a commencé. Ou plutôt recommencé. Tout d’un coup ,au milieu des cris de joie, j’ai revu son visage , imaginé sa déception. Dans ma chambre , après, je lui ai envoyé un e-mail . Comme un message de condoléances.
Marco , je l’avais connu en 1991, sur un campus californien, j’avais 21 ans. Il en avait 26, il venait de Recife . Nous étions tous les deux dans le même programme d’étudiants étrangers pour apprendre la langue de l’oncle Sam. Le premier jour de cours, un coup de foudre , comme probablement on n’en vit qu’ une fois dans sa vie . Mais au bout , une vraie déception: Nous étions dans la voiture qu’il avait louée, sur le point de concrétiser, soudain il s’arrête, il me regarde dans les yeux : « il faut que je te dise …Je ne peux pas faire ça , je regrette … » Il était déjà avec une fille et il était clair dans son esprit qu’elle avait priorité. Pour moi , ça a été un moment trés violent. On est toujours restés en contact ensuite mais de manière un peu conventionnelle. En 1999, pour mon mariage , je lui avais envoyé un faire part . « Je suis trés heureux pour toi… » m’avait-il repondu .
Donc,je lui envoie ce mail. Et d’un seul coup , tout repart . Il me répond tout de suite , il me dit que son pays vit une tragédie, mais qu’il est heureux que je reprenne contact. Le lendemain, nouveau mail. Je lui raconte un peu ma vie et j’ai de nouveau 20 ans….. L’été passe . En juillet c’est la canicule . Horrible, pesante. En aoùt, on loue une maison au bord du Lac de Côme , il pleut tout le temps, je n’arrête pas de m’engeuler avec Jean-Hervé. Septembre: les enfants rentrent à l’école, je me sens libérée. Je lui envoie un nouveau mail : « Et si on se retrouvait là où on s’est connus ? A L. A ! ». Il me répond : « Daccord . Quand tu veux ! »
Je riais toute seule devant mon écran d’ordinateur. Le besoin de le voir , l’envie qu’il me prenne dans ses bras, qu’il m’embrasse , qu’il me touche….Il me fallait un alibi. J’ai inventé une veille copine. Mes enfants ? J’allais les caser a mes parents. Marco est marié aussi, il dirige une société de transport, il pouvait voyager facilement, mais il avait peur, il fallait que je le rassure. Les préparatifs ont duré 6 mois. A partir de janvier on s’ envoyait quatre ou cinq mails parjour, souvent chauds-brulants. Les dernières semaines ,je me souviens, c’était l’angoisse. L’ impression de préparer ma première boom! Comme si je jouais ma vie ! Et si Jean Hervé s’apercevait de quelque chose ? Et si Marco changeait d’avis au dernier moment? Et est-ce que j’allais encore lui plaire ? C’était si important: nous allions enfin peut être réussir ce que nous avions raté 15 ans plus tôt dans sa voiture….
Une semaine pile ! C’était la règle du jeu. Et c’était rassurant. Quoiqu’il arrive, je rentrerais à la maison à la fin de ces petites vacances. Je ne mettrais rien en péril ! 24 février 2007, aéroport de L.A : mon avion atterrit une heure avant le sien . Un timing parfait. J’imaginais des retrouvailles comme au cinéma: je saute dans ses bras et on s’embrasse à n’en plus finir. Mais non, il était retenu par le bureau de l’immigration. Je l’ai attendu des heures dans la chambre d’hotel, du coup je me suis endormie. Et puis soudain , enfin, la porte s’ouvre. C’était lui : 1m95. 90 kg. Une allure d’acteur de cinéma. Ouf. Il n’avait pas changé. On était un peu génés . On part au restaurant. On n’avait pas faim, on prend une salade pour deux. On rentre . On passe chacun sous la douche . Là, on s’embrasse . Et ça démarre.
Ca a duré six jours . Tous pareils , tous merveilleux . Et cinq nuits, cinq nuits de conte de fées. On vivait notre phantasme et ça nous apaisait. Le matin, j’allais courir sur la plage. Aprés on allait se promener tous les deux main dans la main,on faisait les boutiques de Rodeo Drive. Pas de rôle à tenir, pas de voisins pour nous voir. La liberté ! J’étais si loin de Jean-Hervé et si proche de Marco. L’inverse de ma vie de Nice. . On se parlait bien , on se parlait de nos enfants , jamais de nos conjoints. Ou alors ne parlait pas et c’était encore bien . J’avais imaginé de la passion, mais non, entre nous c’était mieux que de la passion .C’etait du désir . Et de la complicité. De l’attention de tous les instants. Du bonheur . Oui c’est ça . Aux cotés de Jean Herve , j’avais peu à peu perdu la flamme , renoncé. Là , je me retrouvais. Je n’étais plus « la femme de … » J’étais moi. J’étais heureuse. Le dernier soir, j’ai commandé une bouteille de Champagne français et on est allés la boire sur la plage , sous la lune . En suite on s’est dit au revoir, comme si on allait se retrouver le lendemain .
Jean-Hervé ne s’est douté de rien , il ne sait pas. Personne ne sait….. Je vous raconte ça, c’est un plaisir, ça me fait du bien. A L.A , j’ai vécu un rève. Là, je prolonge mon rêve. Je me dis que j’ai eu cent fois raison de faire ça , qu’il y a des moments dans la vie où il faut aller au bout, se donner les moyens de vivre ses phantasmes. Marco et moi, c’était écrit ! Il fallait que je vive ça ! Je n’éprouve strictement aucun sentiment de culpabilité . J’avais envie et besoin de me faire plaisir, je me suis fait plaisir. Et j’ai donné du plaisir à Marco, sans rien retirer à mon mari. Je n’ai fait de mal à personne .
Avec Marco , nous continuons à nous envoyer des mails . Et chacun est un petit bonheur dans ma vie. Il me manque. Si demain, il m’écrit « rendez vous à Tokyo ! », je pars . Nous nous retrouverons, j’en suis sûre , même si je ne sais ni le jour, ni l’année, ni où . Peut être encore à L.A….. Pas question de vivre ensemble en tous cas , de tout quitter . Je ne laisserai jamais mes enfants et je ne les enlèverai jamais non plus à leur père . Notre escapade californienne n’ était qu’une escapade. Une semaine à part dans nos vies. Juste un rêve. Une parenthèse enchantée .
ELLE. 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
Jamais je n’avais trompé mon mari! Jamais je n’avais même eu l’idée de le tromper ! Sur le chapitre de la fidélité, j’étais du genre psycho-rigide. Et le pire c’est qu’aujourd’hui je ne regrette rien . Je suis mariée avec Jean –Hervé depuis 1999. Nous avons deux enfants, deux garçons, nés à deux ans d’intervalle, en 2000 et 2002. Il est chirurgien. Et moi femme de chirurgien…. En fait, je suis la parfaite bourgeoise de province, une « desperate housewife» dans toute sa splendeur : une belle maison, de beaux enfants en bonne santé. Ca fait des années que je ne travaille plus , depuis que me suis arrétée pour élever mes garçons. Jean-Hervé ,lui, est reconnu dans son métier. Trés connu même à Nice où nous vivons . Il part le matin a 7 heures, revient a 9 heures du soir . Pendant ce temps , je m’active, je n’ai pas cinq minutes à moi. Prisonnière de cette vie de femme au foyer dans laquelle je me suis enfermée .
Moi, je suis « la femme de…»Je pourrais vous écrire des livres entiers sur cette misère, cette frustration…. Quand je me retrouve dans une soirée, qu’ on me demande : « et vous qu’est ce que vous faites ? » Je réponds : « Rien, je ne fais rien… » Et je ris, heureusement, j’ai un peu d’humour. « Mais c’est le plus beau métier du monde, ça ». Tu parles ! Le premier Juillet 2006 , on était donc avec mon mari, comme ça dans une soirée chez des amis qui ont une sublime maison à Tourtour dans le Haut-Var . Une soirée blanche ! Tout le monde en blanc ! Tous au bord d’une grande piscine entourée d’oliviers, avec dans le fond un écran plasma qui retransmettait le match France –Brésil. La coupe du Monde de foot en direct! 21 heures : Jean-Hervé et ses copains étaient comme des fous. Nous, les femmes,on les regardait en souriant. Au bout de 90 minutes, score : 1-0 pour la France. Le Brésil est éliminé . C’est exactement à cet instant-là que mon histoire avec Marco a commencé. Ou plutôt recommencé. Tout d’un coup ,au milieu des cris de joie, j’ai revu son visage , imaginé sa déception. Dans ma chambre , après, je lui ai envoyé un e-mail . Comme un message de condoléances.
Marco , je l’avais connu en 1991, sur un campus californien, j’avais 21 ans. Il en avait 26, il venait de Recife . Nous étions tous les deux dans le même programme d’étudiants étrangers pour apprendre la langue de l’oncle Sam. Le premier jour de cours, un coup de foudre , comme probablement on n’en vit qu’ une fois dans sa vie . Mais au bout , une vraie déception: Nous étions dans la voiture qu’il avait louée, sur le point de concrétiser, soudain il s’arrête, il me regarde dans les yeux : « il faut que je te dise …Je ne peux pas faire ça , je regrette … » Il était déjà avec une fille et il était clair dans son esprit qu’elle avait priorité. Pour moi , ça a été un moment trés violent. On est toujours restés en contact ensuite mais de manière un peu conventionnelle. En 1999, pour mon mariage , je lui avais envoyé un faire part . « Je suis trés heureux pour toi… » m’avait-il repondu .
Donc,je lui envoie ce mail. Et d’un seul coup , tout repart . Il me répond tout de suite , il me dit que son pays vit une tragédie, mais qu’il est heureux que je reprenne contact. Le lendemain, nouveau mail. Je lui raconte un peu ma vie et j’ai de nouveau 20 ans….. L’été passe . En juillet c’est la canicule . Horrible, pesante. En aoùt, on loue une maison au bord du Lac de Côme , il pleut tout le temps, je n’arrête pas de m’engeuler avec Jean-Hervé. Septembre: les enfants rentrent à l’école, je me sens libérée. Je lui envoie un nouveau mail : « Et si on se retrouvait là où on s’est connus ? A L. A ! ». Il me répond : « Daccord . Quand tu veux ! »
Je riais toute seule devant mon écran d’ordinateur. Le besoin de le voir , l’envie qu’il me prenne dans ses bras, qu’il m’embrasse , qu’il me touche….Il me fallait un alibi. J’ai inventé une veille copine. Mes enfants ? J’allais les caser a mes parents. Marco est marié aussi, il dirige une société de transport, il pouvait voyager facilement, mais il avait peur, il fallait que je le rassure. Les préparatifs ont duré 6 mois. A partir de janvier on s’ envoyait quatre ou cinq mails parjour, souvent chauds-brulants. Les dernières semaines ,je me souviens, c’était l’angoisse. L’ impression de préparer ma première boom! Comme si je jouais ma vie ! Et si Jean Hervé s’apercevait de quelque chose ? Et si Marco changeait d’avis au dernier moment? Et est-ce que j’allais encore lui plaire ? C’était si important: nous allions enfin peut être réussir ce que nous avions raté 15 ans plus tôt dans sa voiture….
Une semaine pile ! C’était la règle du jeu. Et c’était rassurant. Quoiqu’il arrive, je rentrerais à la maison à la fin de ces petites vacances. Je ne mettrais rien en péril ! 24 février 2007, aéroport de L.A : mon avion atterrit une heure avant le sien . Un timing parfait. J’imaginais des retrouvailles comme au cinéma: je saute dans ses bras et on s’embrasse à n’en plus finir. Mais non, il était retenu par le bureau de l’immigration. Je l’ai attendu des heures dans la chambre d’hotel, du coup je me suis endormie. Et puis soudain , enfin, la porte s’ouvre. C’était lui : 1m95. 90 kg. Une allure d’acteur de cinéma. Ouf. Il n’avait pas changé. On était un peu génés . On part au restaurant. On n’avait pas faim, on prend une salade pour deux. On rentre . On passe chacun sous la douche . Là, on s’embrasse . Et ça démarre.
Ca a duré six jours . Tous pareils , tous merveilleux . Et cinq nuits, cinq nuits de conte de fées. On vivait notre phantasme et ça nous apaisait. Le matin, j’allais courir sur la plage. Aprés on allait se promener tous les deux main dans la main,on faisait les boutiques de Rodeo Drive. Pas de rôle à tenir, pas de voisins pour nous voir. La liberté ! J’étais si loin de Jean-Hervé et si proche de Marco. L’inverse de ma vie de Nice. . On se parlait bien , on se parlait de nos enfants , jamais de nos conjoints. Ou alors ne parlait pas et c’était encore bien . J’avais imaginé de la passion, mais non, entre nous c’était mieux que de la passion .C’etait du désir . Et de la complicité. De l’attention de tous les instants. Du bonheur . Oui c’est ça . Aux cotés de Jean Herve , j’avais peu à peu perdu la flamme , renoncé. Là , je me retrouvais. Je n’étais plus « la femme de … » J’étais moi. J’étais heureuse. Le dernier soir, j’ai commandé une bouteille de Champagne français et on est allés la boire sur la plage , sous la lune . En suite on s’est dit au revoir, comme si on allait se retrouver le lendemain .
Jean-Hervé ne s’est douté de rien , il ne sait pas. Personne ne sait….. Je vous raconte ça, c’est un plaisir, ça me fait du bien. A L.A , j’ai vécu un rève. Là, je prolonge mon rêve. Je me dis que j’ai eu cent fois raison de faire ça , qu’il y a des moments dans la vie où il faut aller au bout, se donner les moyens de vivre ses phantasmes. Marco et moi, c’était écrit ! Il fallait que je vive ça ! Je n’éprouve strictement aucun sentiment de culpabilité . J’avais envie et besoin de me faire plaisir, je me suis fait plaisir. Et j’ai donné du plaisir à Marco, sans rien retirer à mon mari. Je n’ai fait de mal à personne .
Avec Marco , nous continuons à nous envoyer des mails . Et chacun est un petit bonheur dans ma vie. Il me manque. Si demain, il m’écrit « rendez vous à Tokyo ! », je pars . Nous nous retrouverons, j’en suis sûre , même si je ne sais ni le jour, ni l’année, ni où . Peut être encore à L.A….. Pas question de vivre ensemble en tous cas , de tout quitter . Je ne laisserai jamais mes enfants et je ne les enlèverai jamais non plus à leur père . Notre escapade californienne n’ était qu’une escapade. Une semaine à part dans nos vies. Juste un rêve. Une parenthèse enchantée .
ELLE. 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
C'est mon histoire « C’était à Etretat, un soir de novembre… »
Aujourd’hui, Johnny n’a jamais été aussi populaire et Richard Antony fait salle comble. Au milieu de ce revival yéyé, Virginie, 49 ans, se souvient avec émotion de sa rencontre avec Lucky Blondo. Le chanteur de son enfance….
« Menthe ou grenadine? » « Pardon ? » « Le diabolo ? » « Menthe, s’il vous plaît … » Quand j’étais entrée dans ce petit bar, j’avais tout de suite flashé sur ses yeux, son sourire. Il était tout seul, il gratouillait sa guitare sur un coin de banquette. Il est venu vers ma table, il m’a servi mon verre puis il est retourné s’asseoir sur la banquette. Il a repris sa guitare, s’est remis à chantonner. « Mais cette chanson, je la connais, c’est quoi ? » Il m’a encore souri :« C’est une de celles que je chantais.» Je le regardais , je ne comprenais pas. « Vous ne me reconnaissez pas ? je suis Lucky Blondo ! »
Pour les 20-30 ans , il faut que je précise: Lucky Blondo était un chanteur yéyé très populaire dans les années 60. Une idole, comme on disait. Là, ça se passait quelques années après , dans les années 70. J’avais 18 ans. C’était un samedi de novembre. J’étais venue en week end à Etretat chez des amis de mes parents. il était sept heures ou sept heures et demi du soir, je marchais dans la brume , sur le perrey, ce chemin qui longe la mer. Je m’étais arrétée dans ce bar par hasard. Et je tombais sur lui. Le choc .
Vous voyez, c’est un peu comme si aujourd’hui je rencontrais par hasard Vincent Delerm ou Raphaël et que je ne le reconnaisse pas! On regardait moins la télé alors et les clips n’existaient pas. En plus cela faisait quelques années déjà qu’il n’avait plus fait de tube. N’empèche je me sentais bète, je m’attendais tellement peu aussi à le voir là , aussi. Parmi les chanteurs yéyé, pour moi, il y avait eu Johnny et lui. Les autres n’existaient pas. Johnny, c’était l’énergie, la force pure. Lucky, c’était « the voice » , cette voix de velours tellement reconnaissable. Et ce sourire enjôleur. Il avait eu un énorme succés avec « Sur ton visage une larme » Quand j’entendais ça, je fondais. Il y avait eu cette autre chanson: « Des roses rouges pour un ange blond» Je ne crois pas qu’à l’époque j’étais un ange mais j’étais blonde. Et amoureuse de lui bien avant de le rencontrer. Alors le jour, où je me suis retrouvée a un mètre de lui dans ce bar sombre et où il chantait juste pour moi….
Il m’a demandé quelle chanson j’aimerais entendre. Je lui ai repondu : « vous souvenez vous ? » Et il s’est mis à la chanter de son incroyable voix qui partait si loin dans les graves . Du velours. De la soie. Il a enchainé avec « Tout le monde un jour ». J’avais devant moi le plus séducteur de tous les chanteurs yéyé , il chantait : »Tout le monde un jour peut trouver l’amour/ parfois quand on s'y attend le moins/ Souvent quand on y croit plus / Il vous tend la main… » Et il disait tout ça, tous ces mots d’amour , en me regardant dans les yeux !
Mais qu’ est ce qu’il faisait là ? Qu’est ce qu’il était devenu tout ce temps ? « On ne vous entendait plus ? Vous aviez disparu ? » Il me répond : « Oui, ca ne marchait plus … » Mais vous faites quoi maintenant ? » « Pas grand chose. Tu sais , la gloire très jeune, ce n’est pas forcément facile à vivre »
Il me tutoyait. Je n’avais pas froid aux yeux, moi, à 18 ans mais je ne pouvais pas lui dire tu, je n’osais pas. Il devait avoir quelquechose comme 32 ans.Il me paraissait très …adulte. Il a commencé à me raconter sa vie . Il s’était marié, il parlait de sa femme avec une grande douceur. Mais où était elle , sa femme ? Ils avaient ouvert cet hotel face a la mer. Il n’y avait que quelques chambres au dessus. Il a levé les yeux en montrant le plafond. Il aimait Etretat, le vent , la brume , les mouettes, marcher sur les falaises. Je l’écoutais. Je me disais que c’était ce dont il avait besoin: qu’on l’écoute. Je pensais: il a eu le succés, la gloire , l’argent, les femmes aussi probablement et voilà, il se retrouvait dans ce bar sombre, un samedi soir de novembre, seul, l’air un peu triste …...
« Il faut que vous me chantiez « une larme sur mon visage » , c’est ma préférée… ».
J’étais venue à Etretat pour un week end iodé , je me retrouvais sur une banquette à côté de lui, la tête dans les mains, les yeux embués , tellement j’étais heureuse de l’entendre chanter . Je chantais avec lui. J’espérais qu’après , à la fin de la chanson, il poserait sa guitare, qu’il me prendrait par la main , qu’il me dirait : « viens » . Je me disais qu’on allait monter l’escalier ensemble, serrés l’un contre l’autre. Parcequ’il y avait cet escalier là dans le coin de la salle, je me demandais comment c’était au dessus. Et comment était le papier peint dans leur chambre? Je regardais cet escalier. Je me souviens les premières marches partaient de derrière la banquette, dans la pénombre. J’espérais…Malheureusement ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Il en a eu assez de chanter. Il y avait un tourne-disque derrière le comptoir, il s’est levé,oui , mais il est simplment allé mettre un disque , un vynil. Il est revenu vers moi . Il m’a pris la main et on a dansé tous les deux au milieu des tables . Le disque s’est arrété . Il a dit : « Bon il commence a être tard, on va fermer.» Et on s’est quittés comme ça , sur un simple « Salut ! » Sans même se faire une bise..
S’il m’avait dit: « Bon , viens ,on monte dans ma chambre , »c’est sûr, je n’aurais pas hesité, je l’aurais suivi. J’aurais dit oui. C’est pour ca qu’aujourd’hui je me souviens de tout aussi clairement. Ce qui s’est passé ce soir-là à Etretat je ‘lai ressenti après comme une vraie déception amoureuse . J’avais l’impression queje lui plaisais, qu’il y avait eu une vraie rencontre. Il m’avait parlé. Il s’était confié . Un homme qui se raconte, c’est rare. C’est émouvant. Il était émouvant, oui, Lucky.Et moi j’étais déçue . J’avais ‘limpression de l’avoir un peu raté. Est ce que je ne lui avais pas fait peur en arrivant comme ça dans la nuit? Est ce que je pouvais l’interesser, moi, une petite fan debarquant à l’improviste , trop innocemment, trop facilement offerte ?A l’époque, j’étais plutôt fleur bleue, je m’enflammais en une seconde. Il ne me plaisait pas seulement parcequ’ il était un chanteur populaire et que j’étaisune simple fan , il était beau, gentil, j’étais fiere d’avoir eu le privilége de passer ce moment avec lui. Sûre qu’il n’avait pas non plus été insensible à moi .
Je ne l’ai plus jamais revu. Ni plus jamais entendu a la radio . Quelle vie a t il vécu ? Un jour, j’ai découvert qu’il s’était reconverti dans la pub , qu’il était l’auteur de ce jingle génial « chez Casto, y’a tout ce qu’ y faut ». L’an dernier, je suis retournée à Etretat. Je suis allée me promener sur le perrey, je repensais à lui, à cette soirée-là . Il y avait la meme brume, les mêmes mouettes dans le ciel , je m’attendais presque à le revoir . Mais l’hotel n’existait plus . Ni le bar. J’étais triste, nostalgique. Je regardais cette maison qui était devenue une maison de vacances comme les autres. Je me rappelais mes dix-huit ans. Lucky était bien loin.
Il n’y a pas longtemps,j’ai trouvé deux clips de lui sur Daly motion. Je me disais: et si lui aussi revenait ? Oui, Lucky, ou Gérard puisque c’est ton vrai prénom. Tu t’appelles Gérard Blondiaux. Oui, pourquoi ne participes-tu pas à la grande tournée revival des vedettes yéyé? Ils sont tous là: Richard Antony, Leni Escudero. Et même François Deguelt. Tu te rends compte :François Deguelt ! Mais toi? Pourquoi est-ce qu’on ne te voit pas ? Je ne dois pas être la seule à qui tu manques.
L’autre jour, je racontais dans un dîner ma passion pour toi. Quelqu’un a dit : « C’est vrai, il etait important Lucky Blondo, c’était le Jean Sablon du Rock. Il aurait pu devenir le Sinatra français! » Alors, Lucky, si tu lis ça, peut-être vas- tu te dire que je suis une dingue , que je fais une fixation sur toi. Mais j’aimerais tant que tu te souviennes de nous deux, ce soir là , dans ton petit bar , à Etretat. Et si au moins tu pouvais seulement me donner de tes nouvelles…Est-ce que tu pourrais sortir de ton silence? Juste pour moi ?
ELLE. 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
« Menthe ou grenadine? » « Pardon ? » « Le diabolo ? » « Menthe, s’il vous plaît … » Quand j’étais entrée dans ce petit bar, j’avais tout de suite flashé sur ses yeux, son sourire. Il était tout seul, il gratouillait sa guitare sur un coin de banquette. Il est venu vers ma table, il m’a servi mon verre puis il est retourné s’asseoir sur la banquette. Il a repris sa guitare, s’est remis à chantonner. « Mais cette chanson, je la connais, c’est quoi ? » Il m’a encore souri :« C’est une de celles que je chantais.» Je le regardais , je ne comprenais pas. « Vous ne me reconnaissez pas ? je suis Lucky Blondo ! »
Pour les 20-30 ans , il faut que je précise: Lucky Blondo était un chanteur yéyé très populaire dans les années 60. Une idole, comme on disait. Là, ça se passait quelques années après , dans les années 70. J’avais 18 ans. C’était un samedi de novembre. J’étais venue en week end à Etretat chez des amis de mes parents. il était sept heures ou sept heures et demi du soir, je marchais dans la brume , sur le perrey, ce chemin qui longe la mer. Je m’étais arrétée dans ce bar par hasard. Et je tombais sur lui. Le choc .
Vous voyez, c’est un peu comme si aujourd’hui je rencontrais par hasard Vincent Delerm ou Raphaël et que je ne le reconnaisse pas! On regardait moins la télé alors et les clips n’existaient pas. En plus cela faisait quelques années déjà qu’il n’avait plus fait de tube. N’empèche je me sentais bète, je m’attendais tellement peu aussi à le voir là , aussi. Parmi les chanteurs yéyé, pour moi, il y avait eu Johnny et lui. Les autres n’existaient pas. Johnny, c’était l’énergie, la force pure. Lucky, c’était « the voice » , cette voix de velours tellement reconnaissable. Et ce sourire enjôleur. Il avait eu un énorme succés avec « Sur ton visage une larme » Quand j’entendais ça, je fondais. Il y avait eu cette autre chanson: « Des roses rouges pour un ange blond» Je ne crois pas qu’à l’époque j’étais un ange mais j’étais blonde. Et amoureuse de lui bien avant de le rencontrer. Alors le jour, où je me suis retrouvée a un mètre de lui dans ce bar sombre et où il chantait juste pour moi….
Il m’a demandé quelle chanson j’aimerais entendre. Je lui ai repondu : « vous souvenez vous ? » Et il s’est mis à la chanter de son incroyable voix qui partait si loin dans les graves . Du velours. De la soie. Il a enchainé avec « Tout le monde un jour ». J’avais devant moi le plus séducteur de tous les chanteurs yéyé , il chantait : »Tout le monde un jour peut trouver l’amour/ parfois quand on s'y attend le moins/ Souvent quand on y croit plus / Il vous tend la main… » Et il disait tout ça, tous ces mots d’amour , en me regardant dans les yeux !
Mais qu’ est ce qu’il faisait là ? Qu’est ce qu’il était devenu tout ce temps ? « On ne vous entendait plus ? Vous aviez disparu ? » Il me répond : « Oui, ca ne marchait plus … » Mais vous faites quoi maintenant ? » « Pas grand chose. Tu sais , la gloire très jeune, ce n’est pas forcément facile à vivre »
Il me tutoyait. Je n’avais pas froid aux yeux, moi, à 18 ans mais je ne pouvais pas lui dire tu, je n’osais pas. Il devait avoir quelquechose comme 32 ans.Il me paraissait très …adulte. Il a commencé à me raconter sa vie . Il s’était marié, il parlait de sa femme avec une grande douceur. Mais où était elle , sa femme ? Ils avaient ouvert cet hotel face a la mer. Il n’y avait que quelques chambres au dessus. Il a levé les yeux en montrant le plafond. Il aimait Etretat, le vent , la brume , les mouettes, marcher sur les falaises. Je l’écoutais. Je me disais que c’était ce dont il avait besoin: qu’on l’écoute. Je pensais: il a eu le succés, la gloire , l’argent, les femmes aussi probablement et voilà, il se retrouvait dans ce bar sombre, un samedi soir de novembre, seul, l’air un peu triste …...
« Il faut que vous me chantiez « une larme sur mon visage » , c’est ma préférée… ».
J’étais venue à Etretat pour un week end iodé , je me retrouvais sur une banquette à côté de lui, la tête dans les mains, les yeux embués , tellement j’étais heureuse de l’entendre chanter . Je chantais avec lui. J’espérais qu’après , à la fin de la chanson, il poserait sa guitare, qu’il me prendrait par la main , qu’il me dirait : « viens » . Je me disais qu’on allait monter l’escalier ensemble, serrés l’un contre l’autre. Parcequ’il y avait cet escalier là dans le coin de la salle, je me demandais comment c’était au dessus. Et comment était le papier peint dans leur chambre? Je regardais cet escalier. Je me souviens les premières marches partaient de derrière la banquette, dans la pénombre. J’espérais…Malheureusement ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Il en a eu assez de chanter. Il y avait un tourne-disque derrière le comptoir, il s’est levé,oui , mais il est simplment allé mettre un disque , un vynil. Il est revenu vers moi . Il m’a pris la main et on a dansé tous les deux au milieu des tables . Le disque s’est arrété . Il a dit : « Bon il commence a être tard, on va fermer.» Et on s’est quittés comme ça , sur un simple « Salut ! » Sans même se faire une bise..
S’il m’avait dit: « Bon , viens ,on monte dans ma chambre , »c’est sûr, je n’aurais pas hesité, je l’aurais suivi. J’aurais dit oui. C’est pour ca qu’aujourd’hui je me souviens de tout aussi clairement. Ce qui s’est passé ce soir-là à Etretat je ‘lai ressenti après comme une vraie déception amoureuse . J’avais l’impression queje lui plaisais, qu’il y avait eu une vraie rencontre. Il m’avait parlé. Il s’était confié . Un homme qui se raconte, c’est rare. C’est émouvant. Il était émouvant, oui, Lucky.Et moi j’étais déçue . J’avais ‘limpression de l’avoir un peu raté. Est ce que je ne lui avais pas fait peur en arrivant comme ça dans la nuit? Est ce que je pouvais l’interesser, moi, une petite fan debarquant à l’improviste , trop innocemment, trop facilement offerte ?A l’époque, j’étais plutôt fleur bleue, je m’enflammais en une seconde. Il ne me plaisait pas seulement parcequ’ il était un chanteur populaire et que j’étaisune simple fan , il était beau, gentil, j’étais fiere d’avoir eu le privilége de passer ce moment avec lui. Sûre qu’il n’avait pas non plus été insensible à moi .
Je ne l’ai plus jamais revu. Ni plus jamais entendu a la radio . Quelle vie a t il vécu ? Un jour, j’ai découvert qu’il s’était reconverti dans la pub , qu’il était l’auteur de ce jingle génial « chez Casto, y’a tout ce qu’ y faut ». L’an dernier, je suis retournée à Etretat. Je suis allée me promener sur le perrey, je repensais à lui, à cette soirée-là . Il y avait la meme brume, les mêmes mouettes dans le ciel , je m’attendais presque à le revoir . Mais l’hotel n’existait plus . Ni le bar. J’étais triste, nostalgique. Je regardais cette maison qui était devenue une maison de vacances comme les autres. Je me rappelais mes dix-huit ans. Lucky était bien loin.
Il n’y a pas longtemps,j’ai trouvé deux clips de lui sur Daly motion. Je me disais: et si lui aussi revenait ? Oui, Lucky, ou Gérard puisque c’est ton vrai prénom. Tu t’appelles Gérard Blondiaux. Oui, pourquoi ne participes-tu pas à la grande tournée revival des vedettes yéyé? Ils sont tous là: Richard Antony, Leni Escudero. Et même François Deguelt. Tu te rends compte :François Deguelt ! Mais toi? Pourquoi est-ce qu’on ne te voit pas ? Je ne dois pas être la seule à qui tu manques.
L’autre jour, je racontais dans un dîner ma passion pour toi. Quelqu’un a dit : « C’est vrai, il etait important Lucky Blondo, c’était le Jean Sablon du Rock. Il aurait pu devenir le Sinatra français! » Alors, Lucky, si tu lis ça, peut-être vas- tu te dire que je suis une dingue , que je fais une fixation sur toi. Mais j’aimerais tant que tu te souviennes de nous deux, ce soir là , dans ton petit bar , à Etretat. Et si au moins tu pouvais seulement me donner de tes nouvelles…Est-ce que tu pourrais sortir de ton silence? Juste pour moi ?
ELLE. 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
C'est mon histoire "Embrasse-moi ou je meurs !"
Marina a 30 ans. Après des mois et des mois à souffrir aux côtés de Sébastien qui ne la désirait pas, elle a rencontré Jérôme qui lui a redonné le goût d’aimer. Et l’envie d’y croire.
Je viens de passer deux ans avec un homme qui ne me désirait pas et j’ai l’impression d’avoir perdu deux ans de ma vie…. Je l’ai quitté au printemps dernier. Je n’ai pas souffert, pas pleuré. Depuis je me félicite tous les matins de ma décision. Et aujourd’hui je veux raconter mon histoire pour toutes les femmes, qui font des complexes, qui se disent qu’elles ne sont pas normales. Simplement parce que l’homme avec qui elles vivent ne les désirent pas .
Je vis a Uccle, prés de Bruxelles, en bordure de la forêt de Soignes. J’ai rencontré Sébastien en février 2004. Lors d’un rendez-vous professionnel. C’était un homme brillant, toujours trés bien habillé, le front très large , légèrement dégarni , avec des lunettes qui lui donnaient un air un peu intello. Il aimait l’ ordre . Il faisait trés attention a donner de lui une image parfaite. Je me disais : « celui-là, il ne me fera pas souffrir ! » Il avait 38 ans, 10 de plus que moi et il n’avait jamais vécu avec une femme, ça aurait dù m’alerter. Les quatre premiers mois, j’avais plein de petits cadeaux, de bouquets de fleurs. J’ai emménagé chez lui en mai . Et là, dés le début ça n’a plus été. Il ne voulait jamais faire l’amour. Il n’avait jamais envie, ce n’était jamais spontané . Le soir, il restait des heures devant son ordinateur, comme s’il attendait que je sois endormie pour venir me rejoindre dans le lit. J’avais envie de lui crier : « embrasse moi !Aime moi ! ». Mais je n’osais pas lui parler . Une fois, je me suis étonnée qu’on fasse si peu l’amour : « j’aimerais que que tu prennes plus d’ initiatives »m’a t il répondu . Mais après, quand j’essayais, il se détournait. Il avait toujours une excuse. Je me disais : « je dois avoir quelque chose qui ne fonctionne pas » . Je lui en ai reparlé. Cette fois , c’est tout juste s’il ne m’a pas traitée de nymphomane: « il te faudrait des glaçons, il faudrait te mettre au congelo…»
C’est en Octobre que j’ai découvert les films…. Un jour ,je regarde dans son ordinateur, je vois qu’il a téléchargé plusieurs films pornos. Des éjaculations au visage. Des partouzes entre transsexuels. Des choses comme ça, très glauques. J’étais horrifiée . Je me disais: mais s’ il me faisait participer au moins. S’ il me disait: j’aime regarder du porno, ça m’excite , j’aimerais partager ça avec toi. Mais non ! A ce moment-là, on faisait encore l’amour de temps en temps. Mais c’était horrible : quand il était sur moi, je pensais à son ordinateur. J’avais l’impression de tourner un film porno. Il faisait l’amour comme on le fait dans ses films X ! Sans parler . Sans communiquer. Sans aucune tendresse.
Un soir, je rentre du travail, je trouve un carton avec 3 DVD pornos . Je me dis : « ca continue, ça n’en finira jamais ». Je bois un verre de Martini blanc , puis un second .J ’avais envie de me saouler. IL rentre. On soupe. Je lui dis: « J’ai trouvé les DVD. Et je sais que tu vas sur des sites porno! » Il avait l’air tellement surpris. Il a nié. « J’ai l’impression que mon corps te dégoûte, que tu préfères ces filles sur Internet …» Il ne pouvait expliquer quoi que ce soit. Rien, ensuite, n’a changé !
Il ne pensait pas que je le quitterai. Il se croyait irrésistible ! Dailleurs, j’ai attendu, attendu … Jusqu'à fin 2005. On est venus passser le réveillon du 31 decembre à Paris . On était au Crillon . Je révais de descendre au Crillon depuis qu’un jour, avec mes parents, j’avais 16 ans , j’étais passée devant cet hôtel de rêve et je m’étais promis qu’un jour, j’y viendrai avec mon amoureux. On était donc dans cette chambre sublime, face a la place de la Concorde avec l’obélisque devant nous. Et monsieur ne voulait toujours pas faire l’amour… Un cauchemar! Le lendemain, le 2 janvier, devant la Tour Eiffel, j’ai éclaté et je l’ai planté là. Je l’ai retrouvé trois heures après à la gare du Nord . On est monté dans le Thalis, je lui ai dit:«je ne veux pas t’entendre pendant tout le trajet! ». Pour moi , tout était fini, même s’il m’ a encore fallu quatre mois pour le quitter. Un matin, au printemps, je lui ai dit: « Je m’ en vais ». Il tombait de haut. Il répétait : « mais qu’est-ce que j’ai fait de mal ? » Tout d’un coup il était trés calin, mais c’etait trop tard.
Je voulais des cocotiers. Aller loin.. Changer de vie. Tout oublier En même temps que j’emménageais dans un nouvel appartement, j’ai réservé pour une semaine de vacances à la Réunion. A Saint Gilles, sur la côté ouest de l’Ile, au bord d’une somptueuse plage. Il fallait que je rencontre un homme. Je me disais: « Si je ne fais pas l’amour, je vais mourir! ». Je suis arrivée à la Réunion le 3 juillet 2006. Le premier soir, j’étais sur la terrasse de l’hôtel , je ne voyais que des couples, j’étais mal, j’avais envie de partir. Et puis j’ai aperçu quatre garçons, des français, bronzés, l’air terriblement vivants. J’en regardais un surtout. Il avait les yeux bleus , il était trés blond. Il me regardait lui aussi . Il n’y avait plus que lui et moi. Vous savez , c’était comme si le temps s’arrétait, que plus rien ne comptait …. Je suis allée me coucher très tôt mais le lendemain j’ai quitté mon bungalow à huit heures. Je voulais faire des photos, profiter de la lumière. J’ai marché le long de l’océan , je suis arrivée à une crique , il était là, assis sur un petit ponton , prés d’un vieux hangar a bateaux.
Il s’appelait Jérôme . Il avit 23 ans . il était militaire, originaire de Bordeaux . Le soir on a dînés ensemble et pas mal bu . On est retournés se promener vers la crique, vers le hangar à bateaux. Il y avait de la brume, les vagues étaient plus fortes, on a encore parlé et puis il m’a embrassée . On s’est deshabillés, il m’a pris la main. J’étais nue, j’étais a coté d e lui . On a couru ensemble et on s’est jetés a l’eau. On riait, c’était bon. Dix minutes après, on faisait l’amour comme des fous dans mon bungalow .
Il était très musclé.Très baraqué. Je passais ma main sur ses tatouages. Je caressais son corps qui était un vrai corps d’homme, un corps qui débordait de désir . Et c’était comme si la vie revenait en moi … Il me disait que j’étais belle. Il me disait qu’il avait envie de moi, que j’ avais un corps exactement fait pour le sien.
Le lendemain, on s’est réveillé ensemble et on est retournés se baigner dans notre petite crique . Après on s’est assis sur notre ponton , on a parlé longtemps . Puis on est revenus vers l’hôtel , on a déjeuné et l’aprés midi , on a refait l’amour. On a encore refait l’amour le soir. Et ça a été comme ça toute la semaine.
Le samedi, on s’est dit au revoir très sobrement. On ne s’est rien promis, ça valait mieux. A l’aéroport, pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression d’être libre. Je me sentais rajeunie, plus belle. Arrivée à Bruxelles, j’ai décidé de lui envoyer une boite de chocolats. Et je lui ai écrit une longue lettre. Je lui disais merci. Je lui disais que tout ce qui s’était passé , nos bains de minuit, nos conversations assis sur le ponton, ces nuits de rêve avec lui, tous ces moments si chauds, si tendres, avaient eu pour moi le goùt du paradis. On n’avait pas eu le temps de vivre des choses moches, pas eu le temps de se faire du mal. Et c’était bien… Je lui disais aussi que notre rencontre m’avait permis d’oublier Sébastien, qu’ en restant avec lui , je m’étais fait trop de mal, qu’au contraire , lui, Jérome me redonnait le goût d’aimer, l’envie d’y croire. Et je le remerciais encore.
Aujourd’hui, c’est vrai, j’y crois de nouveau. Je me dis qu’ un jour, peut-être pas si lointain, je rencontrerai un homme qui peut être resemblera a Jérome et que j’aimerai et que je desirerai . Et celui-là m’emmenera de à l’Hotel de Crillon à Paris. Et me fera définitivement oublier Sébastien. Parce que lui me desirera et saura m’aimer.
ELLE. 2006. Propos receullis par Antoine Silber
Je viens de passer deux ans avec un homme qui ne me désirait pas et j’ai l’impression d’avoir perdu deux ans de ma vie…. Je l’ai quitté au printemps dernier. Je n’ai pas souffert, pas pleuré. Depuis je me félicite tous les matins de ma décision. Et aujourd’hui je veux raconter mon histoire pour toutes les femmes, qui font des complexes, qui se disent qu’elles ne sont pas normales. Simplement parce que l’homme avec qui elles vivent ne les désirent pas .
Je vis a Uccle, prés de Bruxelles, en bordure de la forêt de Soignes. J’ai rencontré Sébastien en février 2004. Lors d’un rendez-vous professionnel. C’était un homme brillant, toujours trés bien habillé, le front très large , légèrement dégarni , avec des lunettes qui lui donnaient un air un peu intello. Il aimait l’ ordre . Il faisait trés attention a donner de lui une image parfaite. Je me disais : « celui-là, il ne me fera pas souffrir ! » Il avait 38 ans, 10 de plus que moi et il n’avait jamais vécu avec une femme, ça aurait dù m’alerter. Les quatre premiers mois, j’avais plein de petits cadeaux, de bouquets de fleurs. J’ai emménagé chez lui en mai . Et là, dés le début ça n’a plus été. Il ne voulait jamais faire l’amour. Il n’avait jamais envie, ce n’était jamais spontané . Le soir, il restait des heures devant son ordinateur, comme s’il attendait que je sois endormie pour venir me rejoindre dans le lit. J’avais envie de lui crier : « embrasse moi !Aime moi ! ». Mais je n’osais pas lui parler . Une fois, je me suis étonnée qu’on fasse si peu l’amour : « j’aimerais que que tu prennes plus d’ initiatives »m’a t il répondu . Mais après, quand j’essayais, il se détournait. Il avait toujours une excuse. Je me disais : « je dois avoir quelque chose qui ne fonctionne pas » . Je lui en ai reparlé. Cette fois , c’est tout juste s’il ne m’a pas traitée de nymphomane: « il te faudrait des glaçons, il faudrait te mettre au congelo…»
C’est en Octobre que j’ai découvert les films…. Un jour ,je regarde dans son ordinateur, je vois qu’il a téléchargé plusieurs films pornos. Des éjaculations au visage. Des partouzes entre transsexuels. Des choses comme ça, très glauques. J’étais horrifiée . Je me disais: mais s’ il me faisait participer au moins. S’ il me disait: j’aime regarder du porno, ça m’excite , j’aimerais partager ça avec toi. Mais non ! A ce moment-là, on faisait encore l’amour de temps en temps. Mais c’était horrible : quand il était sur moi, je pensais à son ordinateur. J’avais l’impression de tourner un film porno. Il faisait l’amour comme on le fait dans ses films X ! Sans parler . Sans communiquer. Sans aucune tendresse.
Un soir, je rentre du travail, je trouve un carton avec 3 DVD pornos . Je me dis : « ca continue, ça n’en finira jamais ». Je bois un verre de Martini blanc , puis un second .J ’avais envie de me saouler. IL rentre. On soupe. Je lui dis: « J’ai trouvé les DVD. Et je sais que tu vas sur des sites porno! » Il avait l’air tellement surpris. Il a nié. « J’ai l’impression que mon corps te dégoûte, que tu préfères ces filles sur Internet …» Il ne pouvait expliquer quoi que ce soit. Rien, ensuite, n’a changé !
Il ne pensait pas que je le quitterai. Il se croyait irrésistible ! Dailleurs, j’ai attendu, attendu … Jusqu'à fin 2005. On est venus passser le réveillon du 31 decembre à Paris . On était au Crillon . Je révais de descendre au Crillon depuis qu’un jour, avec mes parents, j’avais 16 ans , j’étais passée devant cet hôtel de rêve et je m’étais promis qu’un jour, j’y viendrai avec mon amoureux. On était donc dans cette chambre sublime, face a la place de la Concorde avec l’obélisque devant nous. Et monsieur ne voulait toujours pas faire l’amour… Un cauchemar! Le lendemain, le 2 janvier, devant la Tour Eiffel, j’ai éclaté et je l’ai planté là. Je l’ai retrouvé trois heures après à la gare du Nord . On est monté dans le Thalis, je lui ai dit:«je ne veux pas t’entendre pendant tout le trajet! ». Pour moi , tout était fini, même s’il m’ a encore fallu quatre mois pour le quitter. Un matin, au printemps, je lui ai dit: « Je m’ en vais ». Il tombait de haut. Il répétait : « mais qu’est-ce que j’ai fait de mal ? » Tout d’un coup il était trés calin, mais c’etait trop tard.
Je voulais des cocotiers. Aller loin.. Changer de vie. Tout oublier En même temps que j’emménageais dans un nouvel appartement, j’ai réservé pour une semaine de vacances à la Réunion. A Saint Gilles, sur la côté ouest de l’Ile, au bord d’une somptueuse plage. Il fallait que je rencontre un homme. Je me disais: « Si je ne fais pas l’amour, je vais mourir! ». Je suis arrivée à la Réunion le 3 juillet 2006. Le premier soir, j’étais sur la terrasse de l’hôtel , je ne voyais que des couples, j’étais mal, j’avais envie de partir. Et puis j’ai aperçu quatre garçons, des français, bronzés, l’air terriblement vivants. J’en regardais un surtout. Il avait les yeux bleus , il était trés blond. Il me regardait lui aussi . Il n’y avait plus que lui et moi. Vous savez , c’était comme si le temps s’arrétait, que plus rien ne comptait …. Je suis allée me coucher très tôt mais le lendemain j’ai quitté mon bungalow à huit heures. Je voulais faire des photos, profiter de la lumière. J’ai marché le long de l’océan , je suis arrivée à une crique , il était là, assis sur un petit ponton , prés d’un vieux hangar a bateaux.
Il s’appelait Jérôme . Il avit 23 ans . il était militaire, originaire de Bordeaux . Le soir on a dînés ensemble et pas mal bu . On est retournés se promener vers la crique, vers le hangar à bateaux. Il y avait de la brume, les vagues étaient plus fortes, on a encore parlé et puis il m’a embrassée . On s’est deshabillés, il m’a pris la main. J’étais nue, j’étais a coté d e lui . On a couru ensemble et on s’est jetés a l’eau. On riait, c’était bon. Dix minutes après, on faisait l’amour comme des fous dans mon bungalow .
Il était très musclé.Très baraqué. Je passais ma main sur ses tatouages. Je caressais son corps qui était un vrai corps d’homme, un corps qui débordait de désir . Et c’était comme si la vie revenait en moi … Il me disait que j’étais belle. Il me disait qu’il avait envie de moi, que j’ avais un corps exactement fait pour le sien.
Le lendemain, on s’est réveillé ensemble et on est retournés se baigner dans notre petite crique . Après on s’est assis sur notre ponton , on a parlé longtemps . Puis on est revenus vers l’hôtel , on a déjeuné et l’aprés midi , on a refait l’amour. On a encore refait l’amour le soir. Et ça a été comme ça toute la semaine.
Le samedi, on s’est dit au revoir très sobrement. On ne s’est rien promis, ça valait mieux. A l’aéroport, pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression d’être libre. Je me sentais rajeunie, plus belle. Arrivée à Bruxelles, j’ai décidé de lui envoyer une boite de chocolats. Et je lui ai écrit une longue lettre. Je lui disais merci. Je lui disais que tout ce qui s’était passé , nos bains de minuit, nos conversations assis sur le ponton, ces nuits de rêve avec lui, tous ces moments si chauds, si tendres, avaient eu pour moi le goùt du paradis. On n’avait pas eu le temps de vivre des choses moches, pas eu le temps de se faire du mal. Et c’était bien… Je lui disais aussi que notre rencontre m’avait permis d’oublier Sébastien, qu’ en restant avec lui , je m’étais fait trop de mal, qu’au contraire , lui, Jérome me redonnait le goût d’aimer, l’envie d’y croire. Et je le remerciais encore.
Aujourd’hui, c’est vrai, j’y crois de nouveau. Je me dis qu’ un jour, peut-être pas si lointain, je rencontrerai un homme qui peut être resemblera a Jérome et que j’aimerai et que je desirerai . Et celui-là m’emmenera de à l’Hotel de Crillon à Paris. Et me fera définitivement oublier Sébastien. Parce que lui me desirera et saura m’aimer.
ELLE. 2006. Propos receullis par Antoine Silber
C'est mon histoire « Et dans ma vie, un jour, la lumière est revenue…»
Paul, son mari , était atteint d’une leucémie, on ne lui donnait plus que quelques mois à vivre, mais il a tenu trois ans… Pour Hannah, l’épreuve a été terrible. Aujourd’hui, à 33 ans, elle a refait sa vie.
Il était toujours fatigué, tout le temps essouflé. Il se demandait ce qu’il avait. Tout le monde lui disait « Ne t’inquiètes pas , tu es expatrié, c’est normal, c’est le changement, on met du temps à s’y faire.» On était arrivés en Australie six mois plus tôt. En juillet 2001. Il avait trouvé un poste dans une banque. Moi j’étais commerciale dans une multinationale française. J’avais 27 ans, lui 28. On habitait une sublime maison à Sydney , on vivait sous les palmiers. On découvrait la plongée sous marine, le squash. C’était la vie révée.
Un matin, il va faire des analyses. « Vous avez un manque de globules rouge trés inquiétant il faut vous hospitaliser». C’était un vendredi. Je le rejoins au labo . Ils n’arrivaient pas a savoir ce qu’il avait. Ils pensaient à une mononucléose. Le lendemain, c’était la tiphioide. J’ai appelé ma belle mère en France, elle ne s’est pas posé de question, elle a sauté dans un avion, et elle a debarqué a l’hopital le dimanche . C’est une femme incroyable ma belle-mère, vraiment quelqu'un d e merveilleux.
Alinea
Paul allait de plus en plus mal. A partir du lundi, j’ai commencé a dormir a l’hôpital a coté de lui. C’est le mercredi, deux jours après , qu’on nous a parlé d’une leucémie. Nous avions un trés bon ami, français lui aussi et médecin . Il nous accompagnait, ma belle mère et moi, quand on nous a confirmé le diagnostic. On était en face de trois docteurs australiens: « il a une leucémie. Il a de moins en moins de globules rouges, la maladie est en train de galoper. S’il veut guérir, il faut absolument que vous rentriez en France.» On était au bout du monde, mon mari avait une leucemie et il fallait que je lui annonce ça! Je vais retrouver Paul dans sa chambre . Il se met a pleurer. Il allait devoir quitter l’Australie, pour lui c’était ça le pire . Il le vivait comme un échec , il était si fier de la manière dont nous avions réussi à nous installer à Sydney.
Alinea
On a fait les bagages en trois heures. Lendemain, le jeudi , on reprenait l’avion pour Lyon. Un medecin nous accompagnait. Paul avait une grosse bouteille d’oxygène a coté de lui. Tout l’énervait, alors il m’engeulait et il engeulait sa mère. Donc, on arrive à Lyon. Le débarquement a Satolas: Paul dans sa chaise roulante, ce froid de gueux, et toute la famille qui est là .Tous, les yeux pleins de larmes . Soudain je redescends sur terre , je comprends que c’est la grosse merde. Le pimpon de l’ambulance. L’arrivée à l’hopital . Là, je vois un long couloir, j’ai l’impression que je ne vais pas arriver au bout , que je vais m’écrouler avant , mais heureusement la famille est là et mes amis aussi. C’est si bon de les voir, je ne dirais jamais assez tout ce que je leur dois.
Les médecins lyonnais ont confirmé le diagnostic .Il s’agissait d’une forme de leucémie assez spéciale , dite « immature ». Et on ne lui donnait que quelques mois à vivre! Je ne suis pas médecin, je m’exprime mal, mais pour résumer: les cellules malignes étaient trés jeunes, donc difficiles à maitriser. La seule façon de le sauver était de faire une greffe de moelle osseuse .Le frère et la sœur de Paul ont fait des analyses pour savoir s’ils pouvaient être donneurs. Et Paul a commencé une chimio en chambre stérile. Il est resté là , trois semaines,tout seul , dans une sorte de grosse bulle de verre. Pour tenir le coup, il se faisait un film dans sa tête, il s’imaginait dans un vaisseau spatial, c’est comme ça qu’il se donnait du courage.
Alinea
Son frère et sa sœur n’étaient pas compatibles . Il y avait bien un donneur potentiel de moelle en Allemagne, mais soudain, mysterieusement, son nom et ses coordonnées ont disparu des fichiers. Je me souviens quand j’ai annoncé à Paul qu’il ne fallait plus compter sur lui . Sa colère . Sa douleur. Mais heureusement, il réagissait bien à la chimio. C’était spectaculaire même . Il a vite repris des forces, on n’a plus parlé de greffe et en mars 2002, il a pu sortir. En septembre, tout semblait fini , il a retrouvé un travail . On a recommencé a vivre une vie a peu prés normale et malgré la chimio, je suis tombée enceinte.
Alinea
Flore est née en mars 2004. Je me souviens du visage de Paul en la voyant…C’était le bonheur, ils était si fier d’être père. Il faisait des contrôles tous les trois mois, mais à part ça il allait bien . Il avait acheté une nouvelle voiture . Il était en train de monter sa boîte avec un copain. En janvier 2005, soudain, un de ses médecins appelle et annonce:« j’ai une mauvaise nouvelle, c’est reparti, les globules rouges s’emballent de nouveau »
Alinea
Il a recommencé la chimio, mais rien a faire, ses globules étaient devenus incontrôlables. Il a fallu de nouveau l’hospitaliser. Il est mort en trois jours. Le 14 février. Je me souviens, j’étais avec ma belle mère, Paul était en soins intensifs, le médecin est arrivé et nous a dit: « c’est terminé » . Il a ajouté: « vous savez, il n’avait plus aucune chance de s’en sortir. » Il avait tout de même réussi a tenir trois ans. Avec un courage exceptionnel. En allant au bout de lui-même.
L’enterrement a été magnifique. Il neigeait à gros flocons. Dans l’allée du cimetière, derrière son cercueil , moi j’avançais un peu comme une automate. Une psy m’avait accompagnée depuis le début de la maladie, j’ai eu trois séances d’affilée avec elle :« Je ne suis pas inquiète », ma t elle dit, « vous êtes forte. Pour vous, il y a le ciel bleu quelque part…. » Je suis retournée travailler au bout de quinze jours. Ma fille avait 10 mois, je devais me lever le matin, ça m’aidait. Je me répétais des phrases comme: « à chaque jour suffit sa peine » ou « aide toi le ciel t’aidera ». Je me rappelais comment Paul se battait. Il m’a servi de modèle : je voulais être à sa hauteur. Je me disais que je ne pouvais pas m’écrouler, ç’aurait été nul. Et puis il y a eu Camille. Mon amie Camille. Mon ange gardien. Elle a joué un grand rôle à ce moment-là. « Il faut que que tu passes à autre chose, me disait elle, je vais m’occuper de toi ». Elle m’a re-lookée, trainée dans des soirées. Un soir, elle m’a présenté Grégoire, un copain à elle qui sortait d’ une longue et assez malheureuse histoire d’amour. Il avait vécu des choses difficiles. Il était très abattu, lui aussi. Je crois que dans toute histoire d’amour, le timing est important . Là, c’était hallucinant: pour lui comme pour moi, c’était LE bon moment. On a dîné plusieurs fois ensemble, il y avait quelque chose de fort entre nous, c’était très naturel et en même temps complètement magique. C’est comme ça qu’un jour, dans ma vie, la lumière s’est rallumée, l’emportant sur les ténèbres. C’était six mois après l’enterrement. J’avais 32 ans, lui 34. On a tout de suite fait des projets, parlé de vivre ensemble, d’avoir un enfant ensemble. J’avais côtoyé la mort de si prés, j’avais trop envie de bonheur.
Tout ensuite a été très vite. Trop vite ? Non, je ne crois pas. Il fallait que je me sauve. J’avais une fille, c’était important que j’aille bien. Là encore, ma belle-mère a été exceptionnelle. Elle savait que cette épreuve m’avait fait grandir, qu’elle m’avait rendue plus autonome. Elle m’a dit: «ce qui compte, c’est que tu réussisses à reconstruire ta vie! ». On se comprenait toutes les deux, on était vraiment sur la même longueur d’onde. Trois mois après j’étais enceinte. Grégoire est venu habiter avec nous. Il a découvert Flore , étonné, fasciné. Il l’a tout de suite considérée comme sa propre fille.
Alinea
Aujourd’hui je me dis que c’est ma bonne étoile qui m’a montré le chemin. Victor, notre fils, est né il y a deux mois. Et nous avons emménagé dans notre nouvel appartement, il n’y a même pas trois semaines. Ici, c’est un lieu bien à nous. Un lieu neuf, vierge de tout ce qui est arrivé avant…. Bon, il est bientôt onze heures et demies. Victor dort dans son berceau. Et moi je dois aller chercher Flore a l’école. Vous voyez, la vie a définitivement repris le dessus !
ELLE. 2006. Propos receullis par Antoine Silber
Il était toujours fatigué, tout le temps essouflé. Il se demandait ce qu’il avait. Tout le monde lui disait « Ne t’inquiètes pas , tu es expatrié, c’est normal, c’est le changement, on met du temps à s’y faire.» On était arrivés en Australie six mois plus tôt. En juillet 2001. Il avait trouvé un poste dans une banque. Moi j’étais commerciale dans une multinationale française. J’avais 27 ans, lui 28. On habitait une sublime maison à Sydney , on vivait sous les palmiers. On découvrait la plongée sous marine, le squash. C’était la vie révée.
Un matin, il va faire des analyses. « Vous avez un manque de globules rouge trés inquiétant il faut vous hospitaliser». C’était un vendredi. Je le rejoins au labo . Ils n’arrivaient pas a savoir ce qu’il avait. Ils pensaient à une mononucléose. Le lendemain, c’était la tiphioide. J’ai appelé ma belle mère en France, elle ne s’est pas posé de question, elle a sauté dans un avion, et elle a debarqué a l’hopital le dimanche . C’est une femme incroyable ma belle-mère, vraiment quelqu'un d e merveilleux.
Alinea
Paul allait de plus en plus mal. A partir du lundi, j’ai commencé a dormir a l’hôpital a coté de lui. C’est le mercredi, deux jours après , qu’on nous a parlé d’une leucémie. Nous avions un trés bon ami, français lui aussi et médecin . Il nous accompagnait, ma belle mère et moi, quand on nous a confirmé le diagnostic. On était en face de trois docteurs australiens: « il a une leucémie. Il a de moins en moins de globules rouges, la maladie est en train de galoper. S’il veut guérir, il faut absolument que vous rentriez en France.» On était au bout du monde, mon mari avait une leucemie et il fallait que je lui annonce ça! Je vais retrouver Paul dans sa chambre . Il se met a pleurer. Il allait devoir quitter l’Australie, pour lui c’était ça le pire . Il le vivait comme un échec , il était si fier de la manière dont nous avions réussi à nous installer à Sydney.
Alinea
On a fait les bagages en trois heures. Lendemain, le jeudi , on reprenait l’avion pour Lyon. Un medecin nous accompagnait. Paul avait une grosse bouteille d’oxygène a coté de lui. Tout l’énervait, alors il m’engeulait et il engeulait sa mère. Donc, on arrive à Lyon. Le débarquement a Satolas: Paul dans sa chaise roulante, ce froid de gueux, et toute la famille qui est là .Tous, les yeux pleins de larmes . Soudain je redescends sur terre , je comprends que c’est la grosse merde. Le pimpon de l’ambulance. L’arrivée à l’hopital . Là, je vois un long couloir, j’ai l’impression que je ne vais pas arriver au bout , que je vais m’écrouler avant , mais heureusement la famille est là et mes amis aussi. C’est si bon de les voir, je ne dirais jamais assez tout ce que je leur dois.
Les médecins lyonnais ont confirmé le diagnostic .Il s’agissait d’une forme de leucémie assez spéciale , dite « immature ». Et on ne lui donnait que quelques mois à vivre! Je ne suis pas médecin, je m’exprime mal, mais pour résumer: les cellules malignes étaient trés jeunes, donc difficiles à maitriser. La seule façon de le sauver était de faire une greffe de moelle osseuse .Le frère et la sœur de Paul ont fait des analyses pour savoir s’ils pouvaient être donneurs. Et Paul a commencé une chimio en chambre stérile. Il est resté là , trois semaines,tout seul , dans une sorte de grosse bulle de verre. Pour tenir le coup, il se faisait un film dans sa tête, il s’imaginait dans un vaisseau spatial, c’est comme ça qu’il se donnait du courage.
Alinea
Son frère et sa sœur n’étaient pas compatibles . Il y avait bien un donneur potentiel de moelle en Allemagne, mais soudain, mysterieusement, son nom et ses coordonnées ont disparu des fichiers. Je me souviens quand j’ai annoncé à Paul qu’il ne fallait plus compter sur lui . Sa colère . Sa douleur. Mais heureusement, il réagissait bien à la chimio. C’était spectaculaire même . Il a vite repris des forces, on n’a plus parlé de greffe et en mars 2002, il a pu sortir. En septembre, tout semblait fini , il a retrouvé un travail . On a recommencé a vivre une vie a peu prés normale et malgré la chimio, je suis tombée enceinte.
Alinea
Flore est née en mars 2004. Je me souviens du visage de Paul en la voyant…C’était le bonheur, ils était si fier d’être père. Il faisait des contrôles tous les trois mois, mais à part ça il allait bien . Il avait acheté une nouvelle voiture . Il était en train de monter sa boîte avec un copain. En janvier 2005, soudain, un de ses médecins appelle et annonce:« j’ai une mauvaise nouvelle, c’est reparti, les globules rouges s’emballent de nouveau »
Alinea
Il a recommencé la chimio, mais rien a faire, ses globules étaient devenus incontrôlables. Il a fallu de nouveau l’hospitaliser. Il est mort en trois jours. Le 14 février. Je me souviens, j’étais avec ma belle mère, Paul était en soins intensifs, le médecin est arrivé et nous a dit: « c’est terminé » . Il a ajouté: « vous savez, il n’avait plus aucune chance de s’en sortir. » Il avait tout de même réussi a tenir trois ans. Avec un courage exceptionnel. En allant au bout de lui-même.
L’enterrement a été magnifique. Il neigeait à gros flocons. Dans l’allée du cimetière, derrière son cercueil , moi j’avançais un peu comme une automate. Une psy m’avait accompagnée depuis le début de la maladie, j’ai eu trois séances d’affilée avec elle :« Je ne suis pas inquiète », ma t elle dit, « vous êtes forte. Pour vous, il y a le ciel bleu quelque part…. » Je suis retournée travailler au bout de quinze jours. Ma fille avait 10 mois, je devais me lever le matin, ça m’aidait. Je me répétais des phrases comme: « à chaque jour suffit sa peine » ou « aide toi le ciel t’aidera ». Je me rappelais comment Paul se battait. Il m’a servi de modèle : je voulais être à sa hauteur. Je me disais que je ne pouvais pas m’écrouler, ç’aurait été nul. Et puis il y a eu Camille. Mon amie Camille. Mon ange gardien. Elle a joué un grand rôle à ce moment-là. « Il faut que que tu passes à autre chose, me disait elle, je vais m’occuper de toi ». Elle m’a re-lookée, trainée dans des soirées. Un soir, elle m’a présenté Grégoire, un copain à elle qui sortait d’ une longue et assez malheureuse histoire d’amour. Il avait vécu des choses difficiles. Il était très abattu, lui aussi. Je crois que dans toute histoire d’amour, le timing est important . Là, c’était hallucinant: pour lui comme pour moi, c’était LE bon moment. On a dîné plusieurs fois ensemble, il y avait quelque chose de fort entre nous, c’était très naturel et en même temps complètement magique. C’est comme ça qu’un jour, dans ma vie, la lumière s’est rallumée, l’emportant sur les ténèbres. C’était six mois après l’enterrement. J’avais 32 ans, lui 34. On a tout de suite fait des projets, parlé de vivre ensemble, d’avoir un enfant ensemble. J’avais côtoyé la mort de si prés, j’avais trop envie de bonheur.
Tout ensuite a été très vite. Trop vite ? Non, je ne crois pas. Il fallait que je me sauve. J’avais une fille, c’était important que j’aille bien. Là encore, ma belle-mère a été exceptionnelle. Elle savait que cette épreuve m’avait fait grandir, qu’elle m’avait rendue plus autonome. Elle m’a dit: «ce qui compte, c’est que tu réussisses à reconstruire ta vie! ». On se comprenait toutes les deux, on était vraiment sur la même longueur d’onde. Trois mois après j’étais enceinte. Grégoire est venu habiter avec nous. Il a découvert Flore , étonné, fasciné. Il l’a tout de suite considérée comme sa propre fille.
Alinea
Aujourd’hui je me dis que c’est ma bonne étoile qui m’a montré le chemin. Victor, notre fils, est né il y a deux mois. Et nous avons emménagé dans notre nouvel appartement, il n’y a même pas trois semaines. Ici, c’est un lieu bien à nous. Un lieu neuf, vierge de tout ce qui est arrivé avant…. Bon, il est bientôt onze heures et demies. Victor dort dans son berceau. Et moi je dois aller chercher Flore a l’école. Vous voyez, la vie a définitivement repris le dessus !
ELLE. 2006. Propos receullis par Antoine Silber
C'est mon histoire "Je m'étais mariée avec un homo..."
J'ai vécu sept ans avec un homosexuel. Sans le savoir ou sans vouloir le voir. Je ne vous dirais pas son prénom, ni son nom: il est journaliste télé , tout le monde le reconnaîtrait.
Aucun trace de féminité et cependant tous les signes d'appartenance à la communauté gay: un appartement dans le Marais, une fascination pour Sydney en Australie, une des villes gay friendly avec San Francisco. Il était un fan absolu de Dalida dont j'ai appris depuis qu'elle était une icône gay. Et il détestait mon meilleur ami, un homo qui aurait pu le mettre à jour.
Je l'ai connu en 1993, j'étais étudiante. A notre premier dîner, surprise: il arrive au restaurant avec un ami. Deuxième dîner, même chose, mais avec un autre garçon. Pour le troisième dîner, je lui demande de venir seul. C'est ce soir-là qu'on a fait l'amour la première fois.
Il n'était pas du tout sensuel. Je me disais qu'il était un mauvais amant, sans me poser plus de questions. Ce n'est pas que je ne prenais aucun plaisir, attention: c'était agréable, mais c'est tout, je ne grimpais pas aux rideaux. Après, longtemps aprés, quand nous nous sommes quittés, je lui ai dit que je n'avais jamais eu d'orgasme avec lui. Il en a été horriblement vexé et furieux.
J'avais vingt-quatre ans. Lui, huit de plus et pour être honnête, le sexe n'était pas ce qui m'intéressait le plus à l'époque. J'aimais son appartement du Marais, une sorte de caverne pleine de livres, du sol au plafond. Il partait en reportage au Rwanda ou en Bosnie et en revenant, il me racontait tout. C'était passionnant. J'aimais qu'il m'apprenne des choses, qu'il m'aide à réfléchir. Il me servait un peu de pygmalion, le reste je passais dessus.
« Il faut que ce soit clair» me disait-il « la vie quotidienne, mes caleçons à côté de tes petites culottes, tout ça, je ne supporte pas. ….» Moi je vivais dans un studio , dans le 7 ème , il m'assurait qu'il ne se marierait jamais. En fait , ça m'excitait, je me disais: « celui-là, je vais le mater ». Il aimait ma gaîté , ma joie de vivre. Au bout d'un an. Il me dit :« Bon on va se fiancer.» J'avais gagné. J'ai dit oui.
On s'est mariés l'été 97. A l'église, tout comme il faut.
Je crois que si, alors , il m'avait dit: « Ecoute Valérie, j'ai un passé homo mais je t'ai rencontrée, on s'est mariés devant Dieu et je veux maintenant qu'on fasse un bout de chemin ensemble , » ça aurait été différent, j'aurais compris. Mais non, il n' a jamais pu m'avouer qu'il était homo ou bi. Et ce qui me déplait c'est ça, pas tellement qu'il aime les garçons, mais qu'il me trompe, qu'il me mente, qu'il m'ait menti toutes ces années !
On part en voyage de noces au Zimbabwé. J'emménage dans son appartement, j'étais heureuse. Un jour, je reviens d'un déplacement professionnel , je trouve un collant dans le panier a linge sale. Je ne porte jamais de collant, , je ne trouve pas ça confortable. Ma première idée: « il me trompe! ». Le soir, je lui en parle: « Je ne sais pas ce que c'est. Demande à la femme de ménage, c'est peut-être être à elle… » Il me dit ça avec une telle sincérité!
L'été d'après, on va en vacances aux Antilles. Un matin, je vais chercher de la crème solaire dans la chambre. Son portefeuille tombe de sa veste . Une photo en sort, découpée dans un magazine. Elle représente un homme sous la douche en train de se donner du plaisir « Qu'est ce que c'est que ça? » « Rien. Ce n'est pas à moi…» Il était comme un petit garçon pris en faute: «Je te jure!»
Il pouvait être à la fois infantile et cynique. Avec un côté méprisant, cassant. Il ne voulait m'offrir que des livres . Chaque fois qu'il partait en reportage, il m'en laissait une pile: « lis-les, je t'interrogerai à mon retour ! » Et quand il allait dîner avec ses copains, il me disait: « je ne t'invite pas, tu ne comprendrais rien à la conversation ….»
Je voyais un psy depuis un an. Je n'abordais pas ce problème d'homosexualité pendant mes séances puisque je ne me doutais de rien, je ne comprenais rien. Il me conseillait de quitter mon mari. Pour lui, la manière dont il me parlait, c'était de la maltraitance! Il y avait un autre problème, nous voulions absolument un enfant et nous n' y arrivions pas. J'avais fait des échographies ,des examens sanguins, je savais que de mon côté, tout allait bien. Je l'ai convaincu de faire des analyses. Les résultats arrivent: son spermogramme n'était pas bon, ça l'a rendu fou, il est devenu tout à fait insupportable.
On a fait trois tentatives d'insémination artificielle. Les trois ont échoué. La troisième fois, en juin 2000, je le vivais tellement mal que je n'arrêtais pas de pleurer. Et alors que j'avais vraiment besoin de lui, il décide de partir une nouvelle fois en voyage, aux Antilles. Me laissant dans la seule compagnie de mes deux chats. Avec ma tristesse , ma solitude.
Un soir , je l'appelle à Saint-Domingue, ça allait mal, je lui dis: « je n'en peux plus , je te quitte. » Il me répond: « arrête tes caprices ! » Je raccroche. Je pars . Le jour de son retour, je vais quand même l'acceuillir. Il était six heures du matin , j 'étais devant l'immeuble. Il sort du taxi, il me voit. Il avait un regard comme il n'avait jamais eu, très aimant, comme si la peur que je le quitte , d'un seul coup le faisait m'aimer . « Je ne veux pas que tu partes », me dit- il « Mais je suis déjà partie ». « Je ne peux pas vivre sans toi. Donnes-moi encore une chance …..» Je l' ai accompagné a l'appartement. Quand il a vu que j'avais pris toutes mes affaires, mes objets, mes vêtements d'été et d'hiver, il a pété un câble. « Tu n' es plus la femme que j'aimais. Ce mariage a été une erreur. Fiches le camp ! ».
Les semaines qui ont suivi, c'est devenu très douloureux. Il essayait de me rattraper, il m'envoyait des roses rouges. Un soir, je cède, je reviens, nous refaisons l'amour. Il me disait qu'il m'aimait, qu'il souffrait. Ca a été la dernière fois, après chacun a pris un avocat, il est devenu carrément odieux et ça a été une terrible bagarre, notamment pour des petites cuillères en argent qu'il m' accusait de lui avoir volées. Et puis , un jour je tombe sur des photos de lui nu, en train de nager aux Antilles, avec un autre homme. Il n'y avait plus d' équivoque. Mais bien sur, il était gay! Il s'était bien foutu de moi!
Je pose des questions autour de moi. « Tu sais au bureau tout le monde savait qu'il était homo…» me dit –on. Mais alors pourquoi ne m'avait-on rien dit à moi ? Je me sentais la cruche de service, la naïve, la pauvre fille.
J'ai rencontré celui qui est actuellement mon mari deux mois après notre séparation. En Novembre 2000. Pendant le divorce, il était là, avec moi, tout le temps . Il me soutenait. Un homme splendide. Trois ans de moins que moi. Vraiment intelligent, lui. Avec l'intelligence du cœur.
Quand tout ça a été fini, il m'a offert une magnifique bague de fiançailles. Maintenant, il dirige une société de conseil, il a un super salaire, mais à ce moment-là, il finissait son service militaire, il n'avait pas un sou.
On s'est mariés en 2003, à la mairie. J'ai arrêté la pilule.Trois mois après, j'étais enceinte.
J'ai revendu sur E-Bay la robe blanche que je portais a mon premier mariage . Je me suis débarrassée de toutes mes anciennes photos . J'ai eu deux enfants en trois ans. Une fille puis un garçon et je peux dire qu' aujourd'hui je suis vraiment heureuse.. D'autant que professionnellement, je réussis très bien.
Aujourd'hui, je dirais que mon premier mari était un homosexuel non déclaré qui voulait faire sa vie comme un hétéro. Et qu'il a tout raté ! Je ne sais pas ce qu'il est devenu et je m'en fous. On me dit qu'il est maintenant complètement homo. Mais qu'il fasse ce qu'il veut! Cette histoire, mon mari et moi , maintenant on en rit. Mais je vous assure, ça a été dur. Pendant sept ans, j'ai vraiment porté ma croix.
ELLE.25 juin 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
Aucun trace de féminité et cependant tous les signes d'appartenance à la communauté gay: un appartement dans le Marais, une fascination pour Sydney en Australie, une des villes gay friendly avec San Francisco. Il était un fan absolu de Dalida dont j'ai appris depuis qu'elle était une icône gay. Et il détestait mon meilleur ami, un homo qui aurait pu le mettre à jour.
Je l'ai connu en 1993, j'étais étudiante. A notre premier dîner, surprise: il arrive au restaurant avec un ami. Deuxième dîner, même chose, mais avec un autre garçon. Pour le troisième dîner, je lui demande de venir seul. C'est ce soir-là qu'on a fait l'amour la première fois.
Il n'était pas du tout sensuel. Je me disais qu'il était un mauvais amant, sans me poser plus de questions. Ce n'est pas que je ne prenais aucun plaisir, attention: c'était agréable, mais c'est tout, je ne grimpais pas aux rideaux. Après, longtemps aprés, quand nous nous sommes quittés, je lui ai dit que je n'avais jamais eu d'orgasme avec lui. Il en a été horriblement vexé et furieux.
J'avais vingt-quatre ans. Lui, huit de plus et pour être honnête, le sexe n'était pas ce qui m'intéressait le plus à l'époque. J'aimais son appartement du Marais, une sorte de caverne pleine de livres, du sol au plafond. Il partait en reportage au Rwanda ou en Bosnie et en revenant, il me racontait tout. C'était passionnant. J'aimais qu'il m'apprenne des choses, qu'il m'aide à réfléchir. Il me servait un peu de pygmalion, le reste je passais dessus.
« Il faut que ce soit clair» me disait-il « la vie quotidienne, mes caleçons à côté de tes petites culottes, tout ça, je ne supporte pas. ….» Moi je vivais dans un studio , dans le 7 ème , il m'assurait qu'il ne se marierait jamais. En fait , ça m'excitait, je me disais: « celui-là, je vais le mater ». Il aimait ma gaîté , ma joie de vivre. Au bout d'un an. Il me dit :« Bon on va se fiancer.» J'avais gagné. J'ai dit oui.
On s'est mariés l'été 97. A l'église, tout comme il faut.
Je crois que si, alors , il m'avait dit: « Ecoute Valérie, j'ai un passé homo mais je t'ai rencontrée, on s'est mariés devant Dieu et je veux maintenant qu'on fasse un bout de chemin ensemble , » ça aurait été différent, j'aurais compris. Mais non, il n' a jamais pu m'avouer qu'il était homo ou bi. Et ce qui me déplait c'est ça, pas tellement qu'il aime les garçons, mais qu'il me trompe, qu'il me mente, qu'il m'ait menti toutes ces années !
On part en voyage de noces au Zimbabwé. J'emménage dans son appartement, j'étais heureuse. Un jour, je reviens d'un déplacement professionnel , je trouve un collant dans le panier a linge sale. Je ne porte jamais de collant, , je ne trouve pas ça confortable. Ma première idée: « il me trompe! ». Le soir, je lui en parle: « Je ne sais pas ce que c'est. Demande à la femme de ménage, c'est peut-être être à elle… » Il me dit ça avec une telle sincérité!
L'été d'après, on va en vacances aux Antilles. Un matin, je vais chercher de la crème solaire dans la chambre. Son portefeuille tombe de sa veste . Une photo en sort, découpée dans un magazine. Elle représente un homme sous la douche en train de se donner du plaisir « Qu'est ce que c'est que ça? » « Rien. Ce n'est pas à moi…» Il était comme un petit garçon pris en faute: «Je te jure!»
Il pouvait être à la fois infantile et cynique. Avec un côté méprisant, cassant. Il ne voulait m'offrir que des livres . Chaque fois qu'il partait en reportage, il m'en laissait une pile: « lis-les, je t'interrogerai à mon retour ! » Et quand il allait dîner avec ses copains, il me disait: « je ne t'invite pas, tu ne comprendrais rien à la conversation ….»
Je voyais un psy depuis un an. Je n'abordais pas ce problème d'homosexualité pendant mes séances puisque je ne me doutais de rien, je ne comprenais rien. Il me conseillait de quitter mon mari. Pour lui, la manière dont il me parlait, c'était de la maltraitance! Il y avait un autre problème, nous voulions absolument un enfant et nous n' y arrivions pas. J'avais fait des échographies ,des examens sanguins, je savais que de mon côté, tout allait bien. Je l'ai convaincu de faire des analyses. Les résultats arrivent: son spermogramme n'était pas bon, ça l'a rendu fou, il est devenu tout à fait insupportable.
On a fait trois tentatives d'insémination artificielle. Les trois ont échoué. La troisième fois, en juin 2000, je le vivais tellement mal que je n'arrêtais pas de pleurer. Et alors que j'avais vraiment besoin de lui, il décide de partir une nouvelle fois en voyage, aux Antilles. Me laissant dans la seule compagnie de mes deux chats. Avec ma tristesse , ma solitude.
Un soir , je l'appelle à Saint-Domingue, ça allait mal, je lui dis: « je n'en peux plus , je te quitte. » Il me répond: « arrête tes caprices ! » Je raccroche. Je pars . Le jour de son retour, je vais quand même l'acceuillir. Il était six heures du matin , j 'étais devant l'immeuble. Il sort du taxi, il me voit. Il avait un regard comme il n'avait jamais eu, très aimant, comme si la peur que je le quitte , d'un seul coup le faisait m'aimer . « Je ne veux pas que tu partes », me dit- il « Mais je suis déjà partie ». « Je ne peux pas vivre sans toi. Donnes-moi encore une chance …..» Je l' ai accompagné a l'appartement. Quand il a vu que j'avais pris toutes mes affaires, mes objets, mes vêtements d'été et d'hiver, il a pété un câble. « Tu n' es plus la femme que j'aimais. Ce mariage a été une erreur. Fiches le camp ! ».
Les semaines qui ont suivi, c'est devenu très douloureux. Il essayait de me rattraper, il m'envoyait des roses rouges. Un soir, je cède, je reviens, nous refaisons l'amour. Il me disait qu'il m'aimait, qu'il souffrait. Ca a été la dernière fois, après chacun a pris un avocat, il est devenu carrément odieux et ça a été une terrible bagarre, notamment pour des petites cuillères en argent qu'il m' accusait de lui avoir volées. Et puis , un jour je tombe sur des photos de lui nu, en train de nager aux Antilles, avec un autre homme. Il n'y avait plus d' équivoque. Mais bien sur, il était gay! Il s'était bien foutu de moi!
Je pose des questions autour de moi. « Tu sais au bureau tout le monde savait qu'il était homo…» me dit –on. Mais alors pourquoi ne m'avait-on rien dit à moi ? Je me sentais la cruche de service, la naïve, la pauvre fille.
J'ai rencontré celui qui est actuellement mon mari deux mois après notre séparation. En Novembre 2000. Pendant le divorce, il était là, avec moi, tout le temps . Il me soutenait. Un homme splendide. Trois ans de moins que moi. Vraiment intelligent, lui. Avec l'intelligence du cœur.
Quand tout ça a été fini, il m'a offert une magnifique bague de fiançailles. Maintenant, il dirige une société de conseil, il a un super salaire, mais à ce moment-là, il finissait son service militaire, il n'avait pas un sou.
On s'est mariés en 2003, à la mairie. J'ai arrêté la pilule.Trois mois après, j'étais enceinte.
J'ai revendu sur E-Bay la robe blanche que je portais a mon premier mariage . Je me suis débarrassée de toutes mes anciennes photos . J'ai eu deux enfants en trois ans. Une fille puis un garçon et je peux dire qu' aujourd'hui je suis vraiment heureuse.. D'autant que professionnellement, je réussis très bien.
Aujourd'hui, je dirais que mon premier mari était un homosexuel non déclaré qui voulait faire sa vie comme un hétéro. Et qu'il a tout raté ! Je ne sais pas ce qu'il est devenu et je m'en fous. On me dit qu'il est maintenant complètement homo. Mais qu'il fasse ce qu'il veut! Cette histoire, mon mari et moi , maintenant on en rit. Mais je vous assure, ça a été dur. Pendant sept ans, j'ai vraiment porté ma croix.
ELLE.25 juin 2007. Propos receuillis par Antoine Silber
c'est mon histoire "on a fait un bébé toutes seules! "
Séverine et moi, on est ensemble depuis trois ans et demi, bientôt quatre. Ca se passe super bien, on s'adore. J'ai 30 ans, Séverine 34. On vit à Paris, on gagne assez bien notre vie. On est féminines, plutôt jolies toutes les deux, on ne correspond pas du tout aux clichés généralement véhiculés sur les lesbiennes. Avant Séverine, je vivais déjà en couple mais je n'avais pas de désir d'enfant. A 20 ans je me disais même que si on était homo, on n'avait pas le droit d' en avoir! Avec elle, au bout d'un mois , je voulais un enfant, un enfant à nous deux, un enfant qu'on éléverait ensemble.
En France l'insémination artificielle est interdite pour les célibataires. Et aussi pour les couples homoseuxels. Et elle est anonyme. Nos copines qui veulent un enfant vont souvent en Belgique se faire inséminer. Mais là-bas aussi l'insémination doit se faire anonymement, sans qu'on connaisse le donneur. Moi, ça me posait un problème. C 'est peut-être bète mais je ne me faisais pas à l'idée que mon enfant ne connaîtrait jamais son père.
Une amie m'avait parlé d' un copain gay qui voulait être père. On a d'abord envisagé cette solution. On s'est rencontrès, on a commencé à discuter mais ce garçon a peu a peu developpé un lien très fort avec moi et Séverine le vivait mal. Elle se sentait exclue. Or moi, c'est avec elle que je voulais un enfant, pas avec lui. Je le lui ai dit, il s'est vexé. Du coup j'ai tout arrêté.
On s'est alors tournées vers Internet. C'est Séverine qui a découvert la solution hollandaise. En 2002, une loi a levé, là-bas, l'anonymat de l'insémination. C'est unique en Europe: ce sont les donneurs qui décident s'ils veulent rester anonymes ou non. Ils ont aussi le choix de l'utilisation de leur sperme. Ils peuvent dire: « moi je ne donne que pour des couples hétéros. » Ou, au contraire: « que pour des homos… »C'est trés libéral.
On avait repéré une clinique à Leyden , une petite ville à côté d'Amsterdam. Quatre mois aprés, on a eu notre premier rendez-vous . La clinique était une grande et vieille batisse pas loin des canaux. On s'est retrouvées là toutes les deux, acceullies par des femmes adorables qui nous ont posé un tas de questions sur nos parents , sur l'environnement familial du futur enfant et qui nous ont demandé si nous avions des attentes, des préférences pour l'enfant. Moi je suis trés brune, Séverine est chatain avec des yeux noisette. En fait, on aurait pu choisir: un bébé blond, un brun ; des yeux bleux, verts etc…. On n'avait pas pensé à ça, on ne venait pas là comme au super-marché ! On est sorties de la clinique super- émues. On avait eu peur que ça ne marche pas or non seulement tout était OK mais on avait été acceullies avec beaucoup de respect et d'attention. On a fété ça, on a passé un week-end génial à Amsterdam.
Les inséminations ont commencé en juillet 2005. C'est un processus assez lourd. Il faut trouver une gynéco, pour faire des échographies, voir l'évolution des follicules. Une ou deux échographies à chaque fois. Ensuite une piqure d'Ovitrelle , un médicament qui stimule l'ovulation. Quand on a les résultats de l'échographie, on envoie un fax a la clinique et si là- bas, ils donnent le OK, on déclenche l'ovulation et on part a Amsterdam dans les 24 heures faire l'insémination. Le problème, c'est que tout ça est interdit en France, la gynéco se met donc hors la loi. Il faut en trouver une qui n' a pas peur de se mettre en danger. La mienne a été géniale !
Les premières fois, on était très excitées. On se faisait notre petit week-end, on revenait d'Amsterdam, on attendait 15 jours. On était sûres que ça allait marcher. Normalement il faut une ou deux inséminations, mais là , rien. Trois, quatre voyages, toujours rien. Ca devenait le parcours du combattant, je commençais a perdre espoir. C'était loin. C'était fatigant. Cher en plus. 600 euros l'inscription. 400 euros les trois premières inséminations. Et après, la clinique a augmenté ses tarifs , ça a été 400 euros chaque insémination supplémentaire. On n'avait plus un euro, je devais faire le voyage seule.
Ma gynéco m'a alors fait faire des analyses complémentaires et on m'a trouvé une petite maladie gynécologique, une endométriose. Aprés la cinquième insémination, je me suis fait opérer…. Tout ça se passait l'an dernier, en juillet. Après l'opération, Séverine et moi, on est parties en vacances en Inde. Au retour, on a tenté une nouvelle insémination. Je suis retournée à Amsterdam en traînant les pieds . Je n'y croyais plus. Je pleurais dans le train, je pleurais encore en sortant de la clinique. Cette fois on n'a pas attendu le test urinaire, on a fait une prise de sang. C'était positif!
Aujourd'hui, je suis enceinte de 7 mois. Mon accouchement est prévu le 3 juillet 2007. Et on est sur un petit nuage . On a acheté des bodys, mais pas roses : rouges, verts, on aime les couleurs pétantes. On était persuadées que ce serait un garçon. Mais non c'est une fille. Dés la première échographie, elle était là : c'était notre fille ! Depuis, on est vraiment dans une histoire à trois. A la clinique où je suis allée m'inscrire, on m'a demandé: « Et le nom du papa ? ». J'ai dit: « il n'y a pas de papa. Il y a une deuxième maman. » On m'a répondu : « Ah ! Mais c'est super…. »
A 12 ans, notre fille pourra avoir des informations sur son géniteur. Ce qu'il fait. Qui il est. Quand elle aura 16 ans, elle pourra demander la levée complète de l'anonymat. Que se passera-t-il d'ici là, quand elle me demandera: « mais où est mon papa ? » . Je lui dirai: « c'est grâce a un monsieur trés généreux que tu existes. Tu es née d'un double désir, de notre désir à nous, tes deux mamans et de son désir à lui, ton géniteur…. » Elle va naître à ça comme nous on va naître comme mères. Toutes les trois, on va inventer notre vie.
Je ne fais pas un enfant seule, loin de là. Avec Séverine, je donne à ma fille quelqu'un de magnifique! Je ne dis pas qu' on n'a pas besoin de père. Moi j'adore mon père, par exemple. Je dis simplement qu'on n'a pas forcément besoin d'un père à la maison. Ce qui ne veut pas dire qu' elle n' aura pas de référent masculin. Elle le trouvera ailleurs. Dans la société. Je n'ai aucune culpabilité là- dessus . Le problème c'est que Séverine , ma conjointe, la personne avec qui j'ai voulu avoir ce bébé n'aura aucun droit,elle, aucun statut. Sauf si la législation change.. Son implication dans l'éducation de cette enfant va être énorme. Elle sera son deuxième parent. Mais quelle reconnaissance sociale aura-telle?
Je suis allée à la mairie inscrire ma fille à la crèche. J'ai dit: « je vis avec une femme ». On m'a répondu: « on ne prend pas ça en compte. ». J'ai téléphoné aux allocations familiales. Là, on m'a dit que les cotisations seraient calculées sur nos deux salaires…. Autrement dit, je n'aurai pas droit à l'allocation de mère célibataire puisque je suis considérée comme vivant en couple par la CAF. Et Séverine n'aura pas droit au congé paternité puisqu'elle est une femme.
Ma mère est super heureuse. La maman de Severine attend elle aussi la naissance comme une future grand mère. Elle s'inquiète juste un peu: « Et si vous vous séparez ,et que je me suis attachée a cette enfant, alors je ne pourrais plus la voir ? » Avec Séverine , on la rassure. On lui dit que ça va bien se passer. Il y a des histoires d'homo parentalité qui se passent extrèmement mal mais d'autres où tout va super bien. C'est comme tout. C'est comme la vie. Tout dépend ce qu'on en fait. Et nous on est bien décidées à faire de notre vie quelque chose de génial!
Propos receuillis par Antoine Silber
ELLE-N°3201/7 mai 2007
En France l'insémination artificielle est interdite pour les célibataires. Et aussi pour les couples homoseuxels. Et elle est anonyme. Nos copines qui veulent un enfant vont souvent en Belgique se faire inséminer. Mais là-bas aussi l'insémination doit se faire anonymement, sans qu'on connaisse le donneur. Moi, ça me posait un problème. C 'est peut-être bète mais je ne me faisais pas à l'idée que mon enfant ne connaîtrait jamais son père.
Une amie m'avait parlé d' un copain gay qui voulait être père. On a d'abord envisagé cette solution. On s'est rencontrès, on a commencé à discuter mais ce garçon a peu a peu developpé un lien très fort avec moi et Séverine le vivait mal. Elle se sentait exclue. Or moi, c'est avec elle que je voulais un enfant, pas avec lui. Je le lui ai dit, il s'est vexé. Du coup j'ai tout arrêté.
On s'est alors tournées vers Internet. C'est Séverine qui a découvert la solution hollandaise. En 2002, une loi a levé, là-bas, l'anonymat de l'insémination. C'est unique en Europe: ce sont les donneurs qui décident s'ils veulent rester anonymes ou non. Ils ont aussi le choix de l'utilisation de leur sperme. Ils peuvent dire: « moi je ne donne que pour des couples hétéros. » Ou, au contraire: « que pour des homos… »C'est trés libéral.
On avait repéré une clinique à Leyden , une petite ville à côté d'Amsterdam. Quatre mois aprés, on a eu notre premier rendez-vous . La clinique était une grande et vieille batisse pas loin des canaux. On s'est retrouvées là toutes les deux, acceullies par des femmes adorables qui nous ont posé un tas de questions sur nos parents , sur l'environnement familial du futur enfant et qui nous ont demandé si nous avions des attentes, des préférences pour l'enfant. Moi je suis trés brune, Séverine est chatain avec des yeux noisette. En fait, on aurait pu choisir: un bébé blond, un brun ; des yeux bleux, verts etc…. On n'avait pas pensé à ça, on ne venait pas là comme au super-marché ! On est sorties de la clinique super- émues. On avait eu peur que ça ne marche pas or non seulement tout était OK mais on avait été acceullies avec beaucoup de respect et d'attention. On a fété ça, on a passé un week-end génial à Amsterdam.
Les inséminations ont commencé en juillet 2005. C'est un processus assez lourd. Il faut trouver une gynéco, pour faire des échographies, voir l'évolution des follicules. Une ou deux échographies à chaque fois. Ensuite une piqure d'Ovitrelle , un médicament qui stimule l'ovulation. Quand on a les résultats de l'échographie, on envoie un fax a la clinique et si là- bas, ils donnent le OK, on déclenche l'ovulation et on part a Amsterdam dans les 24 heures faire l'insémination. Le problème, c'est que tout ça est interdit en France, la gynéco se met donc hors la loi. Il faut en trouver une qui n' a pas peur de se mettre en danger. La mienne a été géniale !
Les premières fois, on était très excitées. On se faisait notre petit week-end, on revenait d'Amsterdam, on attendait 15 jours. On était sûres que ça allait marcher. Normalement il faut une ou deux inséminations, mais là , rien. Trois, quatre voyages, toujours rien. Ca devenait le parcours du combattant, je commençais a perdre espoir. C'était loin. C'était fatigant. Cher en plus. 600 euros l'inscription. 400 euros les trois premières inséminations. Et après, la clinique a augmenté ses tarifs , ça a été 400 euros chaque insémination supplémentaire. On n'avait plus un euro, je devais faire le voyage seule.
Ma gynéco m'a alors fait faire des analyses complémentaires et on m'a trouvé une petite maladie gynécologique, une endométriose. Aprés la cinquième insémination, je me suis fait opérer…. Tout ça se passait l'an dernier, en juillet. Après l'opération, Séverine et moi, on est parties en vacances en Inde. Au retour, on a tenté une nouvelle insémination. Je suis retournée à Amsterdam en traînant les pieds . Je n'y croyais plus. Je pleurais dans le train, je pleurais encore en sortant de la clinique. Cette fois on n'a pas attendu le test urinaire, on a fait une prise de sang. C'était positif!
Aujourd'hui, je suis enceinte de 7 mois. Mon accouchement est prévu le 3 juillet 2007. Et on est sur un petit nuage . On a acheté des bodys, mais pas roses : rouges, verts, on aime les couleurs pétantes. On était persuadées que ce serait un garçon. Mais non c'est une fille. Dés la première échographie, elle était là : c'était notre fille ! Depuis, on est vraiment dans une histoire à trois. A la clinique où je suis allée m'inscrire, on m'a demandé: « Et le nom du papa ? ». J'ai dit: « il n'y a pas de papa. Il y a une deuxième maman. » On m'a répondu : « Ah ! Mais c'est super…. »
A 12 ans, notre fille pourra avoir des informations sur son géniteur. Ce qu'il fait. Qui il est. Quand elle aura 16 ans, elle pourra demander la levée complète de l'anonymat. Que se passera-t-il d'ici là, quand elle me demandera: « mais où est mon papa ? » . Je lui dirai: « c'est grâce a un monsieur trés généreux que tu existes. Tu es née d'un double désir, de notre désir à nous, tes deux mamans et de son désir à lui, ton géniteur…. » Elle va naître à ça comme nous on va naître comme mères. Toutes les trois, on va inventer notre vie.
Je ne fais pas un enfant seule, loin de là. Avec Séverine, je donne à ma fille quelqu'un de magnifique! Je ne dis pas qu' on n'a pas besoin de père. Moi j'adore mon père, par exemple. Je dis simplement qu'on n'a pas forcément besoin d'un père à la maison. Ce qui ne veut pas dire qu' elle n' aura pas de référent masculin. Elle le trouvera ailleurs. Dans la société. Je n'ai aucune culpabilité là- dessus . Le problème c'est que Séverine , ma conjointe, la personne avec qui j'ai voulu avoir ce bébé n'aura aucun droit,elle, aucun statut. Sauf si la législation change.. Son implication dans l'éducation de cette enfant va être énorme. Elle sera son deuxième parent. Mais quelle reconnaissance sociale aura-telle?
Je suis allée à la mairie inscrire ma fille à la crèche. J'ai dit: « je vis avec une femme ». On m'a répondu: « on ne prend pas ça en compte. ». J'ai téléphoné aux allocations familiales. Là, on m'a dit que les cotisations seraient calculées sur nos deux salaires…. Autrement dit, je n'aurai pas droit à l'allocation de mère célibataire puisque je suis considérée comme vivant en couple par la CAF. Et Séverine n'aura pas droit au congé paternité puisqu'elle est une femme.
Ma mère est super heureuse. La maman de Severine attend elle aussi la naissance comme une future grand mère. Elle s'inquiète juste un peu: « Et si vous vous séparez ,et que je me suis attachée a cette enfant, alors je ne pourrais plus la voir ? » Avec Séverine , on la rassure. On lui dit que ça va bien se passer. Il y a des histoires d'homo parentalité qui se passent extrèmement mal mais d'autres où tout va super bien. C'est comme tout. C'est comme la vie. Tout dépend ce qu'on en fait. Et nous on est bien décidées à faire de notre vie quelque chose de génial!
Propos receuillis par Antoine Silber
ELLE-N°3201/7 mai 2007
"J'avais tellement peur de perdre mes cheveux "
« C'est la maladie de Hotchkins. Entre 4 et 6 mois de chimiothérapie. Et de la radiothérapie derrière ! » A l''hôpital, la première fois, le professeur d'hématologie n'y est pas allé par quatre chemins. « Et vous allez perdre vos cheveux aussi. Je vous conseille de les couper …. » Ca, c'était le pire: j'avais les cheveux très longs, je venais juste de les laisser pousser. Alors est-ce que j'allais devoir mettre une perruque?
Je suis allée en essayer. Je me rappelle, on me présentait toutes sortes de faux cheveux, je les étalais sur mes genoux, je me disais:« non, ce n'est pas possible! Je ne veux pas de perruque, je préfère me mettre un foulard ! Et quitte à perdre mes cheveux , autant assumer et me les couper tout de suite ! ». Le lendemain, je suis allée voir ma coiffeuse. Je ne lui ai pas dit pourquoi je voulais revenir aux cheveux courts. Laurent m'avait accompagnée, il était là, à côté de moi. Il me tenait la main. Il était gentil : à la fin, quand il a vu le résultat, il m'a dit: « Ca te va bien. D'ailleurs, je t'ai toujours préférée les cheveux courts ! »
C'était l'an dernier, en septembre.
On revenait du Japon. Laurent et moi, on avait créé notre boîte en 2005 . On s'était mariés en mai 2006. Là, on venait de passer un mois, sac au dos, autour du Mont Fuji. 10 heures de marche par jour! J'avais des ganglions dans le cou, j'avais beaucoup maigri mais je ne m'inquiétais pas. Je vais faire un scanner. Le premier médecin que je vois me dit: « vous avez un lymphome. » « C'est quoi ? ». « Une tumeur» « Pardon? » Il me dit ça de but en blanc. Je n'avais que 28 ans. Jusque-là je me raccrochais à l'idée qu'à cet âge rien de vraiment grave ne pouvait m'arriver.
Et d'un seul coup, ma vie s'arrêtait.
Le traitement a commencé quinze jours après, le 2 0ctobre. Par une biopsie. Ca ne fait pas encore trop mal, ça. Après, ça a été la chimio. Les choses vraiment sérieuses .
La première séance , j'y suis allée en taxi avec ma mère. Je flippais , je me souviens. Laurent était en déplacement, mais au téléphone il essayait de me rassurer. La chimio, c'est la première séance la plus difficile. Après le corps s'habitue. En tout,j' en ai eu huit, une tous les quinze jours. Ma mère venait avec moi quasiment chaque fois. J'arrivais à 9 heures, on me mettait une perfusion, on m'envoyait un médicament trés fort dans le corps et je repartais vers 15 heures. Ce qui était super-dur en fait, c'était d'être dans une chambre double, avec une autres patiente.Des filles en rechute ,en général… Je ne voulais pas les entendre, elles me faisaient peur. Elles me regardaient de côté et glissaient à ma mère: « mais elle est si jeune…». Je me protégeais comme je pouvais, en me plongeant dans un bouquin ou en me cachant la tête dans mon écharpe.
Un jour, ma mère m'a dit: « je donnerai tout pour que ça me soit arrivé à moi plutôt qu'à toi…. »
Apres les séances, j'avais des nausées, l'impression que j'allais vomir mes tripes. Je dormais 15 ou 18 heures mais je me réveillais souvent. Et en sueur. Laurent se réveillait avec moi. Des que j'ouvrais les yeux, il les ouvrait derrière moi. Quand je pleurais, il pleurait avec moi. Il s'inquiétait, ça m'émeut quand je me rappelle. Il était aussi angoissé que moi, mais paradoxalement ça me faisait du bien, ça me donnait de la force.
Je le sentais avec moi. Je me disais qu' il fallait que je guérisse pour lui, pour nous. Pour ce qu'on faisait ensemble. Tous les deux , on s'est rencontrés en 2001, j'étais encore hôtesse à Air France et lui consultant d'entreprise. Avoir créé notre entreprise ensemble ,c'est toute notre vie. On venait de doubler notre chiffre d'affaires, je ne voulais pas voir détruit tout ça, je n' en avais pas le droit.
J'étais en arrêt maladie mais je continuais à travailler. Je me levais le matin, je ne voulais pas me considérer comme une malade. Comme ce mot de cancer, je ne l'ai jamais prononcé….
En novembre, Laurent a beaucoup été en déplacement. Lionel, mon frère, m'a proposé de venir dormir chez lui, il ne voulait pas que je reste seule. Il me regardait, il me voyait me déplumer, il me disait :« je vais t'offrir de super foulards…» Je prenais conscience tout d'un coup de la place que j'avais dans ma famille: je sentais mes parents tous les deux tellement à mes côtés. Comme Isabelle, ma cousine qui m'envoyait des messages: " je suis avec toi. Si tu as besoin que je vienne t'aider a la boîte, j'arrive…"
A partir du moment où tout a commencé, ils m'ont tous, sans arrêt, tirée vers le haut.
Mes cheveux ont tenu jusqu'en décembre. Je les perdais, mais ça allait, ce n'était pas par poignées, non plus. Le matin quand je me réveillais, j' en retrouvais quelques uns sur l'oreiller et quand je me regardais dans la glace, je me découvrais de nouveaux trous sur la tête. J'ai commencé à mettre un foulard. Je me disais: « il faut que je tienne avec mes cheveux jusqu'en décembre, jusqu'à l'anniversaire de mon frère …»
Le 15 décembre: bilan à mi-parcours, nouveau scanner. J'avais super peur. Heureusement, c'était trés positif. J'étais réceptive au traitement. Le soir, j'ai envoyé un mail à tout le monde: « Le père Noël est arrivé en avance ! »
J'ai arrêté la chimio fin janvier 2007. Un mois de break, et puis la radiothérapie a commencé. Là, on vous envoie des rayons sur les zônes touchées pour consolider le travail fait par la chimio. J'y allais tous les après- midi. Deux minutes à l'hôpital et c'est tout, mais c'est très astreignant parce que c'est tous les jours. J'étais sensée avoir des marques de brûlure sur la peau, mais non, rien. Ca m'a fait juste un peu mal a la gorge comme quand on a une angine .
Le 1er avril, Isabelle, ma cousine a décidé d e faire une réunion de famille pour fêter « la fin des hostilités » comme elle a dit. Laurent, mon père, ma mère, mon frère Lionel et son amie et tous ceux qui s'étaient inquiétés pour moi étaient là. Mon père m'avait écrit un petit mot hyper-touchant. Il citait un proverbe chinois: « qui triomphe de soi-même connaît la force !» Ils s'étaient tous cotisés pour nous offrir à Laurent et à moi un dîner chez Nicolas Le Bec, le restaurant a la mode en ce moment à Lyon.
Je regardais Isabelle qui avait organisé cette fête. Je me demandais si j'aurais fait pour elle ce qu' elle a fait pour moi. Il fallait que je leur parle à tous. Je les ai remerciés, du mieux que j'ai pu, du fond de mon cœur. Mais ce n'etait pas encore assez: il fallait que je les remercie encore , dans mon magazine préféré . Le soir de cette fête, Laurent m'a dit: « tu vois comme les gens t'aiment ! » On est trés proches, très complices. Souvent je me dis qu'on est plus qu'un couple…. Déjà travailler ensemble nous avait rapprochés. Mais on peut bien connaître une personne et la re-découvrir en face d' un événement comme celui-là. Je pense que j'ai une grande chance de l'avoir rencontré.
L'autre vendredi, je suis retournée a l'hôpital pour un dernier examen, un scanner. J'avais encore très peur mais je suis rassurée maintenant. La maladie a été prise à temps, les ganglions touchés paraissent de nouveau sains. En plus, leur dissémination n'a pas dépassé une certaine limite, je ne risque pas de ne pas pouvoir avoir d'enfant. Je suis guérie a 100%. Enfin, à 99%..
Dans les deux prochaines années, la maladie peut toujours revenir, oui elle peut revenir, j'ai toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête, mais je suis sereine.
Mes cheveux repoussent. J'ai abandonné le foulard pour le bandeau. Il y a huit jours,je suis retournée voir ma coiffeuse. Je suis redevenue une femme normale. Je n'ai plus de médicament dans le corps. J'ai eu une année difficile mais cet été , Laurent et moi, on repart en voyage. Soit aux Etats Unis , soit en Thaïlande.
J'aimerais bien la Thaïlande mais on hésite encore : il y a peut-être trop de soleil. Pour moi, le soleil, ce n'est pas trés bon.
ELLE. 4 juin 2007 . C'est mon histoire. Propos receuillis par Antoine Silber
Je suis allée en essayer. Je me rappelle, on me présentait toutes sortes de faux cheveux, je les étalais sur mes genoux, je me disais:« non, ce n'est pas possible! Je ne veux pas de perruque, je préfère me mettre un foulard ! Et quitte à perdre mes cheveux , autant assumer et me les couper tout de suite ! ». Le lendemain, je suis allée voir ma coiffeuse. Je ne lui ai pas dit pourquoi je voulais revenir aux cheveux courts. Laurent m'avait accompagnée, il était là, à côté de moi. Il me tenait la main. Il était gentil : à la fin, quand il a vu le résultat, il m'a dit: « Ca te va bien. D'ailleurs, je t'ai toujours préférée les cheveux courts ! »
C'était l'an dernier, en septembre.
On revenait du Japon. Laurent et moi, on avait créé notre boîte en 2005 . On s'était mariés en mai 2006. Là, on venait de passer un mois, sac au dos, autour du Mont Fuji. 10 heures de marche par jour! J'avais des ganglions dans le cou, j'avais beaucoup maigri mais je ne m'inquiétais pas. Je vais faire un scanner. Le premier médecin que je vois me dit: « vous avez un lymphome. » « C'est quoi ? ». « Une tumeur» « Pardon? » Il me dit ça de but en blanc. Je n'avais que 28 ans. Jusque-là je me raccrochais à l'idée qu'à cet âge rien de vraiment grave ne pouvait m'arriver.
Et d'un seul coup, ma vie s'arrêtait.
Le traitement a commencé quinze jours après, le 2 0ctobre. Par une biopsie. Ca ne fait pas encore trop mal, ça. Après, ça a été la chimio. Les choses vraiment sérieuses .
La première séance , j'y suis allée en taxi avec ma mère. Je flippais , je me souviens. Laurent était en déplacement, mais au téléphone il essayait de me rassurer. La chimio, c'est la première séance la plus difficile. Après le corps s'habitue. En tout,j' en ai eu huit, une tous les quinze jours. Ma mère venait avec moi quasiment chaque fois. J'arrivais à 9 heures, on me mettait une perfusion, on m'envoyait un médicament trés fort dans le corps et je repartais vers 15 heures. Ce qui était super-dur en fait, c'était d'être dans une chambre double, avec une autres patiente.Des filles en rechute ,en général… Je ne voulais pas les entendre, elles me faisaient peur. Elles me regardaient de côté et glissaient à ma mère: « mais elle est si jeune…». Je me protégeais comme je pouvais, en me plongeant dans un bouquin ou en me cachant la tête dans mon écharpe.
Un jour, ma mère m'a dit: « je donnerai tout pour que ça me soit arrivé à moi plutôt qu'à toi…. »
Apres les séances, j'avais des nausées, l'impression que j'allais vomir mes tripes. Je dormais 15 ou 18 heures mais je me réveillais souvent. Et en sueur. Laurent se réveillait avec moi. Des que j'ouvrais les yeux, il les ouvrait derrière moi. Quand je pleurais, il pleurait avec moi. Il s'inquiétait, ça m'émeut quand je me rappelle. Il était aussi angoissé que moi, mais paradoxalement ça me faisait du bien, ça me donnait de la force.
Je le sentais avec moi. Je me disais qu' il fallait que je guérisse pour lui, pour nous. Pour ce qu'on faisait ensemble. Tous les deux , on s'est rencontrés en 2001, j'étais encore hôtesse à Air France et lui consultant d'entreprise. Avoir créé notre entreprise ensemble ,c'est toute notre vie. On venait de doubler notre chiffre d'affaires, je ne voulais pas voir détruit tout ça, je n' en avais pas le droit.
J'étais en arrêt maladie mais je continuais à travailler. Je me levais le matin, je ne voulais pas me considérer comme une malade. Comme ce mot de cancer, je ne l'ai jamais prononcé….
En novembre, Laurent a beaucoup été en déplacement. Lionel, mon frère, m'a proposé de venir dormir chez lui, il ne voulait pas que je reste seule. Il me regardait, il me voyait me déplumer, il me disait :« je vais t'offrir de super foulards…» Je prenais conscience tout d'un coup de la place que j'avais dans ma famille: je sentais mes parents tous les deux tellement à mes côtés. Comme Isabelle, ma cousine qui m'envoyait des messages: " je suis avec toi. Si tu as besoin que je vienne t'aider a la boîte, j'arrive…"
A partir du moment où tout a commencé, ils m'ont tous, sans arrêt, tirée vers le haut.
Mes cheveux ont tenu jusqu'en décembre. Je les perdais, mais ça allait, ce n'était pas par poignées, non plus. Le matin quand je me réveillais, j' en retrouvais quelques uns sur l'oreiller et quand je me regardais dans la glace, je me découvrais de nouveaux trous sur la tête. J'ai commencé à mettre un foulard. Je me disais: « il faut que je tienne avec mes cheveux jusqu'en décembre, jusqu'à l'anniversaire de mon frère …»
Le 15 décembre: bilan à mi-parcours, nouveau scanner. J'avais super peur. Heureusement, c'était trés positif. J'étais réceptive au traitement. Le soir, j'ai envoyé un mail à tout le monde: « Le père Noël est arrivé en avance ! »
J'ai arrêté la chimio fin janvier 2007. Un mois de break, et puis la radiothérapie a commencé. Là, on vous envoie des rayons sur les zônes touchées pour consolider le travail fait par la chimio. J'y allais tous les après- midi. Deux minutes à l'hôpital et c'est tout, mais c'est très astreignant parce que c'est tous les jours. J'étais sensée avoir des marques de brûlure sur la peau, mais non, rien. Ca m'a fait juste un peu mal a la gorge comme quand on a une angine .
Le 1er avril, Isabelle, ma cousine a décidé d e faire une réunion de famille pour fêter « la fin des hostilités » comme elle a dit. Laurent, mon père, ma mère, mon frère Lionel et son amie et tous ceux qui s'étaient inquiétés pour moi étaient là. Mon père m'avait écrit un petit mot hyper-touchant. Il citait un proverbe chinois: « qui triomphe de soi-même connaît la force !» Ils s'étaient tous cotisés pour nous offrir à Laurent et à moi un dîner chez Nicolas Le Bec, le restaurant a la mode en ce moment à Lyon.
Je regardais Isabelle qui avait organisé cette fête. Je me demandais si j'aurais fait pour elle ce qu' elle a fait pour moi. Il fallait que je leur parle à tous. Je les ai remerciés, du mieux que j'ai pu, du fond de mon cœur. Mais ce n'etait pas encore assez: il fallait que je les remercie encore , dans mon magazine préféré . Le soir de cette fête, Laurent m'a dit: « tu vois comme les gens t'aiment ! » On est trés proches, très complices. Souvent je me dis qu'on est plus qu'un couple…. Déjà travailler ensemble nous avait rapprochés. Mais on peut bien connaître une personne et la re-découvrir en face d' un événement comme celui-là. Je pense que j'ai une grande chance de l'avoir rencontré.
L'autre vendredi, je suis retournée a l'hôpital pour un dernier examen, un scanner. J'avais encore très peur mais je suis rassurée maintenant. La maladie a été prise à temps, les ganglions touchés paraissent de nouveau sains. En plus, leur dissémination n'a pas dépassé une certaine limite, je ne risque pas de ne pas pouvoir avoir d'enfant. Je suis guérie a 100%. Enfin, à 99%..
Dans les deux prochaines années, la maladie peut toujours revenir, oui elle peut revenir, j'ai toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête, mais je suis sereine.
Mes cheveux repoussent. J'ai abandonné le foulard pour le bandeau. Il y a huit jours,je suis retournée voir ma coiffeuse. Je suis redevenue une femme normale. Je n'ai plus de médicament dans le corps. J'ai eu une année difficile mais cet été , Laurent et moi, on repart en voyage. Soit aux Etats Unis , soit en Thaïlande.
J'aimerais bien la Thaïlande mais on hésite encore : il y a peut-être trop de soleil. Pour moi, le soleil, ce n'est pas trés bon.
ELLE. 4 juin 2007 . C'est mon histoire. Propos receuillis par Antoine Silber
« Avec lui, c’est comme au cinéma ! »
Je l'appelle James. Parcequ' il me rappelle James Fox, cet acteur anglais qui jouait dans « the servant »de Joseph Losey, un de mes films –culte. Ca ne vous dit rien ? A lui non plus. Je lui ai dit : « tu sais, James fox…» Il m'a répondu : « Connais pas ! » J'essaye de le rendre un peu plus cinéphile, ce n'est pas facile.
Il est trader. Chaque fois, qu' on se voit , il me parle de cours de bourse, de marché obligataire, de cac 40. Je n'y comprends rien. Je fixe sa lèvre supérieure qui est en forme d'accent circonflexe. Je regarde ses grandes mains blanches bien manucurées. Je le trouve beau. Il porte toujours un costume gris , de belles chemises blanches , des chaussures noires et pointues. J'ai invariablement envie de lui dire que ses jambes de pantalon sont trop courtes mais je n' ose pas. Il aime bien pourtant que je me foute de lui , il a de l'humour, même s'il sort d'HEC.
On communique bien. Il me dit qu'avec moi il peut parler tandis qu'avec elle, il n'a rien à dire. Elle, c'est Marianne , sa fiancée, l'officielle. Elle est casse- pieds , coquette, égocentrique. « Je suis tombé amoureux d'elle, me dit-il, parce que nous avions le même style de famille. » Elle est du 17ème, elle a fait HEC , elle est blonde avec de gros seins . Moi, mon père est musicien, ma mère infirmière et je me ronge les ongles. Je n'ai que bac plus 5 et je suis de Chatou. Ils se marieront un jour, c'est programmé ! Mais alors pourquoi va t il va draguer sur des sites de rencontres ?
Je l' ai rencontré sur Meetic, il y a 4 ans. Son sourire! Ses dents blanches très droites ! La première fois, il est arrivé dans son Austin Mini grise, je riais parce que ses genoux touchaient le volant(j'ai oublié de dire: il fait 1 mètre 90!) On a dîné dans une pizzeria , après on est allés chez lui (oui , le premier soir ! ). Son appartement ressemblait à un catalogue Ralph Lauren maison. Il avait un beau canapé bleu. Il disait que je lui faisais un effet incroyable. Je m'efforçais de lui plaire, d'être spirituelle, élégante, posée. Au bout de trois semaines, soudain plus de nouvelles. J'attends. Un jour, un e-mail: "J'ai rencontré quelqu'un avec qui j'ai envie de bâtir une relation." J'étais trop triste.
On ne s'est plus vus pendant trois ans. J'ai eu des relations diverses qui toutes se sont soldées par des échecs. Il y a un mois, surprise : il me rappelle et j accepte de le revoir. Toujours aussi beau, poli et gentil. Grand et mince . Encore qu'un peu moins mince, avec quelques mignons petits plis au ventre. Il m' explique qu'il est toujours avec Marianne , mais qu'elle est récemment partie préparer un MBA à Londres ,que le week-end d'avant, elle l'a gifflé en pleine rue pour une broutille et qu'il ne sait plus où il en est avec elle. Il me raccompagne dans ma banlieue. Je le laisse m'embrasser devant mon portail mais je refuse de coucher, j'en ai quand même pris plein la geule avec lui.
Généralement, je n'aime pas renouer avec mes ex, cela me fait trop mal . J'ai tout de même accepté un autre rendez-vous . Là, je lui ai parlé cinéma, vanté les films de Lars Van Trier et de Pialat , raconté que j'aimais tellement « les Oiseaux « d'Hitchcock qu'en vacances à San Francisco, j'étais allée en Greyhound jusqu'à à Bodega Bay, rien que pour voir où ça avait été tourné, il avait l'air bluffé. Il me disait qu'il ne pouvait pas se passer de moi, qu' il n'avait jamais rencontré une fille qui lui fasse un tel effet. Il me comparait à Tipi Hedren et à Grace Kelly , ces héroines hitchcokiennes qui à l'extérieur, ont l'air froides mais qui sont chaudes brulantes inside . « C'est exactement toi » insistait-il.
Je n'avais pas eu de relation sexuelle depuis neuf mois. J'avais trop envie. J'ai cédé. C'est tout frais, c'était samedi ,il y a quinze jours. Je voulais dîner japonais, il m'a proposé de passer chez lui avant de ressortir au restaurant, il voulait prendre une douche et se changer. J'ai accepté, malgré le bruit distinct de "gros sabots" qui me tintait à l' oreille. Sur sa boîte aux lettres, il y avait le nom de cette Marianne: elle avait donc emménagé chez lui bien qu'elle vive à Londres! L' appartement avait changé. Elle l'avait redécoré: guirlandes de boules en plastique au mur, photos de leur couple partout, livres de Houellebecq: tout ce que je déteste…. Il était fatigué, on a décidé de ne pas ressortir, de faire venir des sushis et des sashimis de chez le Japonais du coin de la rue . Et on s'est retrouvé au lit avec les sushis et les sashimis d'un côté et son ordinateur portable de l'autre, parcequ'il voulait absolument me montrer Scarface, de Brian de Palma, son film préféré .
Je ne sais pas si vous avez vu ce film, c'est quelque chose. Atroce ! Il en connaissait tous les dialogues par cœur. Il me commentait les scènes au fur et a mesure, en mimant Al Pacino dans son personnage de gangster cubain, le nez toujours dans la coke et amoureux de Michele Pfeiffer. Assez classe , elle, comme toujours. C'est Michèle Pfeiffer ! Mais Al Pacino lui parlait tellement mal! Je lui dis : « mais regarde comme il la maltraite. Il ne l'aime pas. » Lui : « Mais si , au contraire il l'adore. Mais…à sa façon . »
On s'est embrassés . Le film continuait en arrière-plan. Je l' ai amené dans mes bras. Je le trouvais encore plus doux qu' avant, plus confortable. Je lui caressais les cheveux. Je lui donnais toute la tendresse que je porte en moi depuis que je 'lai rencontré . Il m'embrassait. Il m'aimait. Il se donnait. Il avait envie de moi, c'était une vraie joie.
Quand il s'est réveillé ,le matin, il était mal, maussade. C'était la première fois en trois ans , m'a t il expliqué qu'il trompait Marianne . Tout l'énervait . J'étais dans la salle de bains, vraiment contente, je l'entendais râler de l' autre côté de la porte. Je sors de la douche, je prends un peignoir, je ne savais pas qu'il était à elle. J'arrive dans la chambre. Il me voit dans ce peignoir , il devient tout blanc. Il gueule:« non , non, pas ça, s'il te plait ! ». Je vais l'enlever. Je me dis: «mais cette fille, décidément, elle gâchera toujours tout entre nous! ». Il me suivait dans l'apparte , je regardais les crèmes , les parfums, il avait peur que je prenne quelle que chose, il était terrorisé. J'ai eu un fou rire. Je me souviens quand je 'lai quitté , je ne pouvais plus m'arrêter de rire. C'était horrible parce que lui ne riait pas du tout.
Je me demande si un homme peut aimer deux femmes à la fois. Est ce qu'il a vraiment besoin des deux ? De Marianne pour sa famille, pour les apparences ? Et de moi pour parler, faire l'amour, pour le plaisir? Surtout, est-ce que moi je peux tenir longtemps dans ces conditions? Je préfèrerais vraiment être un homme: on doit moins souffrir quand on se donne. Et après, on n'a pas besoin d'attendre éternellement devant le téléphone.
On ne s'est revus qu' une fois depuis notre nuit. Mais on se parle par MSN. Je lui envoie des photos d' actrices que je trouve belles. Rachel Weisz, Michelle Rodriguez de La série « Lost » Mais celle qu'il aime , ça reste Scarlett Johansson. Elle, j'aimerais bien qu'elle tombe d'une falaise…
Avant-hier, je lui ai envoyé une photo de James Fox, l'acteur anglais du « Servant ». Il m'a répondu : "J'admets une légère ressemblance…". Sinon rien , rien d'autre . Je ne sais plus quoi faire .
Au bureau, il y un garçon qui a l'air de me draguer. Je l' appelle Richard parcequ'il ressemble à Richard Gere. Mais moi je ne suis pas Julia Roberts , je ne veux pas jouer les Pretty woman. C'est James que j'aime. Je veux juste James .
Quand je ne le vois pas, il me manque .Si je pense trop à lui, je ressens de telles bouffées de tendresse, ça me fait mal. Ca part d'en bas, du ventre. Ca me remonte jusqu'aux yeux , ça me fait pleurer.
S'il pouvait m'appeler là, maintenant! Ou m'envoyer un texto, un petit texto. Je n'en demande pas plus.
ELLE. 2 juillet 2007. Propos recuellis par Antoine Silber
Il est trader. Chaque fois, qu' on se voit , il me parle de cours de bourse, de marché obligataire, de cac 40. Je n'y comprends rien. Je fixe sa lèvre supérieure qui est en forme d'accent circonflexe. Je regarde ses grandes mains blanches bien manucurées. Je le trouve beau. Il porte toujours un costume gris , de belles chemises blanches , des chaussures noires et pointues. J'ai invariablement envie de lui dire que ses jambes de pantalon sont trop courtes mais je n' ose pas. Il aime bien pourtant que je me foute de lui , il a de l'humour, même s'il sort d'HEC.
On communique bien. Il me dit qu'avec moi il peut parler tandis qu'avec elle, il n'a rien à dire. Elle, c'est Marianne , sa fiancée, l'officielle. Elle est casse- pieds , coquette, égocentrique. « Je suis tombé amoureux d'elle, me dit-il, parce que nous avions le même style de famille. » Elle est du 17ème, elle a fait HEC , elle est blonde avec de gros seins . Moi, mon père est musicien, ma mère infirmière et je me ronge les ongles. Je n'ai que bac plus 5 et je suis de Chatou. Ils se marieront un jour, c'est programmé ! Mais alors pourquoi va t il va draguer sur des sites de rencontres ?
Je l' ai rencontré sur Meetic, il y a 4 ans. Son sourire! Ses dents blanches très droites ! La première fois, il est arrivé dans son Austin Mini grise, je riais parce que ses genoux touchaient le volant(j'ai oublié de dire: il fait 1 mètre 90!) On a dîné dans une pizzeria , après on est allés chez lui (oui , le premier soir ! ). Son appartement ressemblait à un catalogue Ralph Lauren maison. Il avait un beau canapé bleu. Il disait que je lui faisais un effet incroyable. Je m'efforçais de lui plaire, d'être spirituelle, élégante, posée. Au bout de trois semaines, soudain plus de nouvelles. J'attends. Un jour, un e-mail: "J'ai rencontré quelqu'un avec qui j'ai envie de bâtir une relation." J'étais trop triste.
On ne s'est plus vus pendant trois ans. J'ai eu des relations diverses qui toutes se sont soldées par des échecs. Il y a un mois, surprise : il me rappelle et j accepte de le revoir. Toujours aussi beau, poli et gentil. Grand et mince . Encore qu'un peu moins mince, avec quelques mignons petits plis au ventre. Il m' explique qu'il est toujours avec Marianne , mais qu'elle est récemment partie préparer un MBA à Londres ,que le week-end d'avant, elle l'a gifflé en pleine rue pour une broutille et qu'il ne sait plus où il en est avec elle. Il me raccompagne dans ma banlieue. Je le laisse m'embrasser devant mon portail mais je refuse de coucher, j'en ai quand même pris plein la geule avec lui.
Généralement, je n'aime pas renouer avec mes ex, cela me fait trop mal . J'ai tout de même accepté un autre rendez-vous . Là, je lui ai parlé cinéma, vanté les films de Lars Van Trier et de Pialat , raconté que j'aimais tellement « les Oiseaux « d'Hitchcock qu'en vacances à San Francisco, j'étais allée en Greyhound jusqu'à à Bodega Bay, rien que pour voir où ça avait été tourné, il avait l'air bluffé. Il me disait qu'il ne pouvait pas se passer de moi, qu' il n'avait jamais rencontré une fille qui lui fasse un tel effet. Il me comparait à Tipi Hedren et à Grace Kelly , ces héroines hitchcokiennes qui à l'extérieur, ont l'air froides mais qui sont chaudes brulantes inside . « C'est exactement toi » insistait-il.
Je n'avais pas eu de relation sexuelle depuis neuf mois. J'avais trop envie. J'ai cédé. C'est tout frais, c'était samedi ,il y a quinze jours. Je voulais dîner japonais, il m'a proposé de passer chez lui avant de ressortir au restaurant, il voulait prendre une douche et se changer. J'ai accepté, malgré le bruit distinct de "gros sabots" qui me tintait à l' oreille. Sur sa boîte aux lettres, il y avait le nom de cette Marianne: elle avait donc emménagé chez lui bien qu'elle vive à Londres! L' appartement avait changé. Elle l'avait redécoré: guirlandes de boules en plastique au mur, photos de leur couple partout, livres de Houellebecq: tout ce que je déteste…. Il était fatigué, on a décidé de ne pas ressortir, de faire venir des sushis et des sashimis de chez le Japonais du coin de la rue . Et on s'est retrouvé au lit avec les sushis et les sashimis d'un côté et son ordinateur portable de l'autre, parcequ'il voulait absolument me montrer Scarface, de Brian de Palma, son film préféré .
Je ne sais pas si vous avez vu ce film, c'est quelque chose. Atroce ! Il en connaissait tous les dialogues par cœur. Il me commentait les scènes au fur et a mesure, en mimant Al Pacino dans son personnage de gangster cubain, le nez toujours dans la coke et amoureux de Michele Pfeiffer. Assez classe , elle, comme toujours. C'est Michèle Pfeiffer ! Mais Al Pacino lui parlait tellement mal! Je lui dis : « mais regarde comme il la maltraite. Il ne l'aime pas. » Lui : « Mais si , au contraire il l'adore. Mais…à sa façon . »
On s'est embrassés . Le film continuait en arrière-plan. Je l' ai amené dans mes bras. Je le trouvais encore plus doux qu' avant, plus confortable. Je lui caressais les cheveux. Je lui donnais toute la tendresse que je porte en moi depuis que je 'lai rencontré . Il m'embrassait. Il m'aimait. Il se donnait. Il avait envie de moi, c'était une vraie joie.
Quand il s'est réveillé ,le matin, il était mal, maussade. C'était la première fois en trois ans , m'a t il expliqué qu'il trompait Marianne . Tout l'énervait . J'étais dans la salle de bains, vraiment contente, je l'entendais râler de l' autre côté de la porte. Je sors de la douche, je prends un peignoir, je ne savais pas qu'il était à elle. J'arrive dans la chambre. Il me voit dans ce peignoir , il devient tout blanc. Il gueule:« non , non, pas ça, s'il te plait ! ». Je vais l'enlever. Je me dis: «mais cette fille, décidément, elle gâchera toujours tout entre nous! ». Il me suivait dans l'apparte , je regardais les crèmes , les parfums, il avait peur que je prenne quelle que chose, il était terrorisé. J'ai eu un fou rire. Je me souviens quand je 'lai quitté , je ne pouvais plus m'arrêter de rire. C'était horrible parce que lui ne riait pas du tout.
Je me demande si un homme peut aimer deux femmes à la fois. Est ce qu'il a vraiment besoin des deux ? De Marianne pour sa famille, pour les apparences ? Et de moi pour parler, faire l'amour, pour le plaisir? Surtout, est-ce que moi je peux tenir longtemps dans ces conditions? Je préfèrerais vraiment être un homme: on doit moins souffrir quand on se donne. Et après, on n'a pas besoin d'attendre éternellement devant le téléphone.
On ne s'est revus qu' une fois depuis notre nuit. Mais on se parle par MSN. Je lui envoie des photos d' actrices que je trouve belles. Rachel Weisz, Michelle Rodriguez de La série « Lost » Mais celle qu'il aime , ça reste Scarlett Johansson. Elle, j'aimerais bien qu'elle tombe d'une falaise…
Avant-hier, je lui ai envoyé une photo de James Fox, l'acteur anglais du « Servant ». Il m'a répondu : "J'admets une légère ressemblance…". Sinon rien , rien d'autre . Je ne sais plus quoi faire .
Au bureau, il y un garçon qui a l'air de me draguer. Je l' appelle Richard parcequ'il ressemble à Richard Gere. Mais moi je ne suis pas Julia Roberts , je ne veux pas jouer les Pretty woman. C'est James que j'aime. Je veux juste James .
Quand je ne le vois pas, il me manque .Si je pense trop à lui, je ressens de telles bouffées de tendresse, ça me fait mal. Ca part d'en bas, du ventre. Ca me remonte jusqu'aux yeux , ça me fait pleurer.
S'il pouvait m'appeler là, maintenant! Ou m'envoyer un texto, un petit texto. Je n'en demande pas plus.
ELLE. 2 juillet 2007. Propos recuellis par Antoine Silber
" J'ai tout fait pour qu'il revienne..."
Je voudrais vous raconter l'histoire d'une femme qui se retrouve seule avec 3 enfants dont un bébé de 3 mois. Je voudrais vous raconter comment cette femme va arriver à recoller les morceaux avec son mari. Cette femme, c'est moi. Cette histoire, c'est celle de ma vie avec Stanislas.
On avait eu une aventure à 20 ans, à l'Ile de Ré, où on se retrouvait chaque année en vacances. C'est moi qui l'avais quitté, comme on quitte a 20 ans, sans un mot, sans une explication. On ne s'était plus revus jusqu'au jour où en mai 2002, je reviens dans l'île, je passe à vélo devant sa maison et je le vois.
J'ai 32 ans, je suis divorcée avec une petite fille de deux ans et demies: Anna. Lui ne s'est jamais marié, il est devenu directeur général d'une boite d'audit. Il est toujours aussi costaud, aussi rugbyman. Il se croit toujours le roi du monde mais il est si gentil…Entre nous, ça redémarre tout de suite. En septembre il vient s'installer avec moi. En novembre, je tombe enceinte. C'est encore une fille. Je suis emportée dans un tourbillon de bonheur.
On s'est mariés en juin 2003 et Charlotte est née en juillet. Il etait dingue d'elle et génial avec Anna, ma première fille. Aprés mon congé mat', on me nomme directrice générale de la boite de com dans laquelle je travaille, mais pour lui, tout d'un coup, rien ne va plus. Il démissionne, monte son entreprise et se met aux Assedics. Il rame et moi je suis de nouveau enceinte.
A trois mois et demi, on me fait une amniosynthèse. La peur de faire une fausse couche, et en même temps la peur de le perdre ! Plus je grossis, plus je le sens loin, fuyant. On ne fait plus l'amour. Et la naissance de Zoé, en mai 2004, ne va rien arranger. En août, Zoé a deux mois , on se retrouve à l'Ile de Ré et c'est horrible. Il sort tous les soirs, comme quand il avait vingt ans. En trois semaines, on ne passe qu'une soirée en tête a tête , et encore parce que je l'en supplie à genoux. La petite Zoé est d'une beauté ! C'est un bébé facile, discret, qui s'efface comme si elle sentait qu'elle ne devait pas nous poser de problème, c'est tellement touchant.
On rentre a Paris, moi je n'en peux plus. Un soir,le 5 septembre, on parle . Ca donne ça: « Ca ne va pas ? » « Non, ça ne va pas. » « Qu'est ce qu'il faudrait pour que tu ailles mieux? ». « Je ne sais pas. » « Tu aurais besoin de prendre le large pour y voir plus clair? » « Oui » « Alors, vas-t- en ! » . « Daccord »
Il est parti le lendemain matin. J'ai refermé la porte, je me suis retrouvée dans la salle de bains avec les deux petites et je me suis effondrée. Je n' arrivais pas à regarder Zoé en face, je me disais: cet enfant que je viens de mettre au monde, quelle vie est-ce que je lui propose ? J'avais un sentiment de vertige qui m'emportait très loin, comme si c'était la fin du monde. Pendant ma grossesse, j'avais vu une psy, je l'ai appelée, je lui ai demandé des anti- dépresseurs. Et heureusement que j'ai fait ça: la douleur était trop vive, insupportable.
J'ai perdu six kilos en 15 jours. J'ai recommencé a fumer. En même temps je me suis remise au sport. Je courais comme une folle, deux fois dans la journée. J'ai de la chance, j'ai deux amies extraordinaires, plus ma mère et mes deux sœurs. J'ai mon ex mari aussi qui s'est révélé un vrai ami, et un autre copain. Ce sont eux qui m' ont sauvé la vie. D'autant qu'un mois, jour pour jour, après le départ de Stan, j'apprends qu' on ne me reprend pas à mon travail après mon congé mat'. Deuxième trahison!
Dés que je pense a Stan, je souffre. Je lui en veux :on n'abandonne pas une femme avec trois enfants! Le 2 janvier, je pars pour Bali. Dix jours, avec une amie. A l'est, là ou le soleil se lève. Pour moi, c'est très symbolique parcequ'effectivement, là bas, ça a été merveilleux . Le sable blanc. La zénitude totale . La sérénité retrouvée. C'est la bas que tout a changé et que j'ai commencé à renaître.
Au fond, c'est vrai: ce qui ne nous tue pas nous rend plus fortes ! Aujourd'hui, je me dis que c'est presque une chance d'avoir vécu des choses aussi dures. Ca m'a façonnée, ça m'a grandie.
Je suis rentrée à Paris. J'ai déménagé dans un appartement plus petit, moins cher, avec une vue sur des arbres et là j'ai commencé à lacher prise. Je ne voulais plus le juger mais le comprendre, je savais que c'était la solution. Je me disais : « Si je l'aime encore, il faut que je l'attende.Le temps qu'il faudra…. » Et aussi : « Je dois me remettre en question, comprendre ce qu' il me reproche, ce que je ne lui ai pas donné. »
J'étais plus cool, j' ai rencontré un homme, j'ai eu une petite aventure qui n' a duré que le temps de comprendre que j'étais amoureuse de Stan et d'aucun autre. Il fallait que j'aille le rechercher. Je lui ai envoyé un texto: « j'aimerais qu'on dîne ensemble ». Il m' a répondu : « moi aussi . ».
On s'est retrouvés dans un restaurant que j' aime bien, prés de la maison de la radio et on est arrivé à se parler sans animosité. Je lui ai dit que je ne lui en voulais plus pas, que je croyais en nous, en notre engagement, que je faisais ce travail de remise en question, qu'il pouvait prendre son temps, que je l' attendrai.
A partir de ce dîner, on s'est revus régulièrement. On avait eu notre dose de drame, de gravité, je m'arrangeais pour le faire rire. Je lui apportais de la légèreté. J'essayais de le déculpabiliser. On a passé l'été chacun de son côté. Sauf le week end du 15 aout où les petites étaient avec lui a l'île de Ré et où je suis allée les rejoindre avec Anna, ma fille ainée . C'était délicieux: trois jours à faire du bateau. On retrouvait peu à peu du partage, de l'intimité mais on faisait toujours chambre a part.
A la rentrée , on dîne de nouveau ensemble . Il me dit: « je ne sais plus très bien où j'en suis,c'est une question de choix de vie. Je me demande si je ne préfère pas être un homme libre.» C'était douloureux d'entendre ça, comme si avec moi, il se sentait en prison. Mais le lendemain, surprise: il vient chercher Charlotte pour l'amener à l'école, il me dit: « à midi, je déjeune avec les filles, ce serait bien si tu étais là ! ». Après le déjeuner, en repartant, il me fait un petit bisou sur la bouche. C'était la première fois depuis un an et demi, c'était si surprenant, si bon.
Il est revenu s' installer à la maison trois semaines après. Il était parti un an! Avec mes filles, Anna la brune qui a aujourd'hui 11 ans et demi, Charlotte, la blonde de 4 ans et Zoé, la rousse qui est toute bouclée qui a 2 ans et qui est maintenant d'une gaîté folle, on a lui a fait de la place. Sa place. Toute sa place. Tout ça se passait l'an dernier et depuis tout est différent: je l' encourage à prendre des moments pour lui, à aller dîner avec ses copains . Je ne le retiens plus, du coup je n'ai pas besoin non plus de lui demander des moments d'intimité, il me les donne de lui même.
J'aime Stan. Je l'ai toujours aimé. Je le vois et c'est comme si je le reconnaissais. Ca, c'est quelque chose qui m'a toujours habité. Quand on a la chance d'éprouver un tel sentiment, c'est important de se battre pour le préserver.
Je raconte tout ça, je suis un peu chamboulée, c'est normal. Mais c'est tellement difficile aussi d'aimer quelqu'un dans la durée ! J'ai vécu ces événements en me disant que je devais arriver à garder allumée cette petite flamme au fond de mon coeur qui ne voulait pas s'éteindre et aujourd'hui je suis récompensée. J'ai retrouvé un boulot qui me satisfait totalement. J'ai gagné mon procès aux Prud'hommes contre mon ancien employeur.
Le 7 juin, pour notre anniversaire de mariage, Stan m'a offert un week- end à Saint-Tropez. Cet été, nous repartons pour l'ile de Ré, pour nos premières vacances en famille depuis 2 ans. Je suis très heureuse.
ELLE. 16 juillet 2007. propos receuillis par Antoine Silber
On avait eu une aventure à 20 ans, à l'Ile de Ré, où on se retrouvait chaque année en vacances. C'est moi qui l'avais quitté, comme on quitte a 20 ans, sans un mot, sans une explication. On ne s'était plus revus jusqu'au jour où en mai 2002, je reviens dans l'île, je passe à vélo devant sa maison et je le vois.
J'ai 32 ans, je suis divorcée avec une petite fille de deux ans et demies: Anna. Lui ne s'est jamais marié, il est devenu directeur général d'une boite d'audit. Il est toujours aussi costaud, aussi rugbyman. Il se croit toujours le roi du monde mais il est si gentil…Entre nous, ça redémarre tout de suite. En septembre il vient s'installer avec moi. En novembre, je tombe enceinte. C'est encore une fille. Je suis emportée dans un tourbillon de bonheur.
On s'est mariés en juin 2003 et Charlotte est née en juillet. Il etait dingue d'elle et génial avec Anna, ma première fille. Aprés mon congé mat', on me nomme directrice générale de la boite de com dans laquelle je travaille, mais pour lui, tout d'un coup, rien ne va plus. Il démissionne, monte son entreprise et se met aux Assedics. Il rame et moi je suis de nouveau enceinte.
A trois mois et demi, on me fait une amniosynthèse. La peur de faire une fausse couche, et en même temps la peur de le perdre ! Plus je grossis, plus je le sens loin, fuyant. On ne fait plus l'amour. Et la naissance de Zoé, en mai 2004, ne va rien arranger. En août, Zoé a deux mois , on se retrouve à l'Ile de Ré et c'est horrible. Il sort tous les soirs, comme quand il avait vingt ans. En trois semaines, on ne passe qu'une soirée en tête a tête , et encore parce que je l'en supplie à genoux. La petite Zoé est d'une beauté ! C'est un bébé facile, discret, qui s'efface comme si elle sentait qu'elle ne devait pas nous poser de problème, c'est tellement touchant.
On rentre a Paris, moi je n'en peux plus. Un soir,le 5 septembre, on parle . Ca donne ça: « Ca ne va pas ? » « Non, ça ne va pas. » « Qu'est ce qu'il faudrait pour que tu ailles mieux? ». « Je ne sais pas. » « Tu aurais besoin de prendre le large pour y voir plus clair? » « Oui » « Alors, vas-t- en ! » . « Daccord »
Il est parti le lendemain matin. J'ai refermé la porte, je me suis retrouvée dans la salle de bains avec les deux petites et je me suis effondrée. Je n' arrivais pas à regarder Zoé en face, je me disais: cet enfant que je viens de mettre au monde, quelle vie est-ce que je lui propose ? J'avais un sentiment de vertige qui m'emportait très loin, comme si c'était la fin du monde. Pendant ma grossesse, j'avais vu une psy, je l'ai appelée, je lui ai demandé des anti- dépresseurs. Et heureusement que j'ai fait ça: la douleur était trop vive, insupportable.
J'ai perdu six kilos en 15 jours. J'ai recommencé a fumer. En même temps je me suis remise au sport. Je courais comme une folle, deux fois dans la journée. J'ai de la chance, j'ai deux amies extraordinaires, plus ma mère et mes deux sœurs. J'ai mon ex mari aussi qui s'est révélé un vrai ami, et un autre copain. Ce sont eux qui m' ont sauvé la vie. D'autant qu'un mois, jour pour jour, après le départ de Stan, j'apprends qu' on ne me reprend pas à mon travail après mon congé mat'. Deuxième trahison!
Dés que je pense a Stan, je souffre. Je lui en veux :on n'abandonne pas une femme avec trois enfants! Le 2 janvier, je pars pour Bali. Dix jours, avec une amie. A l'est, là ou le soleil se lève. Pour moi, c'est très symbolique parcequ'effectivement, là bas, ça a été merveilleux . Le sable blanc. La zénitude totale . La sérénité retrouvée. C'est la bas que tout a changé et que j'ai commencé à renaître.
Au fond, c'est vrai: ce qui ne nous tue pas nous rend plus fortes ! Aujourd'hui, je me dis que c'est presque une chance d'avoir vécu des choses aussi dures. Ca m'a façonnée, ça m'a grandie.
Je suis rentrée à Paris. J'ai déménagé dans un appartement plus petit, moins cher, avec une vue sur des arbres et là j'ai commencé à lacher prise. Je ne voulais plus le juger mais le comprendre, je savais que c'était la solution. Je me disais : « Si je l'aime encore, il faut que je l'attende.Le temps qu'il faudra…. » Et aussi : « Je dois me remettre en question, comprendre ce qu' il me reproche, ce que je ne lui ai pas donné. »
J'étais plus cool, j' ai rencontré un homme, j'ai eu une petite aventure qui n' a duré que le temps de comprendre que j'étais amoureuse de Stan et d'aucun autre. Il fallait que j'aille le rechercher. Je lui ai envoyé un texto: « j'aimerais qu'on dîne ensemble ». Il m' a répondu : « moi aussi . ».
On s'est retrouvés dans un restaurant que j' aime bien, prés de la maison de la radio et on est arrivé à se parler sans animosité. Je lui ai dit que je ne lui en voulais plus pas, que je croyais en nous, en notre engagement, que je faisais ce travail de remise en question, qu'il pouvait prendre son temps, que je l' attendrai.
A partir de ce dîner, on s'est revus régulièrement. On avait eu notre dose de drame, de gravité, je m'arrangeais pour le faire rire. Je lui apportais de la légèreté. J'essayais de le déculpabiliser. On a passé l'été chacun de son côté. Sauf le week end du 15 aout où les petites étaient avec lui a l'île de Ré et où je suis allée les rejoindre avec Anna, ma fille ainée . C'était délicieux: trois jours à faire du bateau. On retrouvait peu à peu du partage, de l'intimité mais on faisait toujours chambre a part.
A la rentrée , on dîne de nouveau ensemble . Il me dit: « je ne sais plus très bien où j'en suis,c'est une question de choix de vie. Je me demande si je ne préfère pas être un homme libre.» C'était douloureux d'entendre ça, comme si avec moi, il se sentait en prison. Mais le lendemain, surprise: il vient chercher Charlotte pour l'amener à l'école, il me dit: « à midi, je déjeune avec les filles, ce serait bien si tu étais là ! ». Après le déjeuner, en repartant, il me fait un petit bisou sur la bouche. C'était la première fois depuis un an et demi, c'était si surprenant, si bon.
Il est revenu s' installer à la maison trois semaines après. Il était parti un an! Avec mes filles, Anna la brune qui a aujourd'hui 11 ans et demi, Charlotte, la blonde de 4 ans et Zoé, la rousse qui est toute bouclée qui a 2 ans et qui est maintenant d'une gaîté folle, on a lui a fait de la place. Sa place. Toute sa place. Tout ça se passait l'an dernier et depuis tout est différent: je l' encourage à prendre des moments pour lui, à aller dîner avec ses copains . Je ne le retiens plus, du coup je n'ai pas besoin non plus de lui demander des moments d'intimité, il me les donne de lui même.
J'aime Stan. Je l'ai toujours aimé. Je le vois et c'est comme si je le reconnaissais. Ca, c'est quelque chose qui m'a toujours habité. Quand on a la chance d'éprouver un tel sentiment, c'est important de se battre pour le préserver.
Je raconte tout ça, je suis un peu chamboulée, c'est normal. Mais c'est tellement difficile aussi d'aimer quelqu'un dans la durée ! J'ai vécu ces événements en me disant que je devais arriver à garder allumée cette petite flamme au fond de mon coeur qui ne voulait pas s'éteindre et aujourd'hui je suis récompensée. J'ai retrouvé un boulot qui me satisfait totalement. J'ai gagné mon procès aux Prud'hommes contre mon ancien employeur.
Le 7 juin, pour notre anniversaire de mariage, Stan m'a offert un week- end à Saint-Tropez. Cet été, nous repartons pour l'ile de Ré, pour nos premières vacances en famille depuis 2 ans. Je suis très heureuse.
ELLE. 16 juillet 2007. propos receuillis par Antoine Silber
" Depuis que mes filles ont perdu leur père ...."
Avec elles, il est resté le même jusqu'au bout. Très aimant. Et en même temps très exigeant. Il voulait qu' elles soient les premières de leur classe. Qu'Alice travaille davantage son piano. Qu'Elisa fasse un effort pour se tenir bien à table . Il était dur avec elles , il se mettait en colère. Moi je calmais le jeu, j'ai toujours fait ça , c'était comme si j'étais là pour ça.
Il était responsable des ventes d'une grande marque automobile, il passait la semaine à Paris et revenait le vendredi soir dans l'Est où nous habitions . Le samedi matin , quand elles étaient a l'école, il jardinait. Il aimait tailler les rosiers, mettre des pots partout, faire des terrasses. Il nous construisait tous les ans une nouvelle terrasse ! L'après -midi, il emmenait les filles acheter des BD, de la science-fiction. Le samedi soir était pour ses copains, il voulait toujours du monde à la maison , il aimait rire , faire rire et il buvait pas mal. Pascal était un homme excessif mais généreux. On est restés mariés dix sept ans et en trois mois, tout a été fini.
Il est rentré de Paris comme d'habitude, un vendredi soir à huit heures et demi. Il se sentait mal. Le lundi il est allé faire des examens à l'hopital. On lui avait enlevé quelques années plus tôt un mélanome, un vilain grain de beauté, ça s'était réveillé . C' était en juin, il y a deux ans. On était à la veille de la fête des pères. Le médecin m'a dit : « il y a des métastases dans la paroi abdominal. Il n'y a plus d'espoir ……»
Elisa , la plus petite des filles avait 9 ans, elle en a aujourd'hui 11 . Elle tient de lui , elle est hyperactive, très rentre-dedans. Alice , la grande qui vient d'avoir 16 ans est plus posée, un peu comme moi . Dés le début, je leur ai dit la vérité .Elles me demandaient : « Est-ce qu' il va mourir ? » Je leur répondais : « Les médecins font ce qu'ils peuvent… » Lui ne s'est jamais rendu compte que sa vie était en jeu, il ne voulait pas voir que ce n'était plus qu'une question de semaines . Il prenait de la morphine pour ne pas avoir mal. En juillet, j'ai commencé à faire attention à ce que ses copains continuent de venir régulièrement à la maison . L'été a passé comme ça, doucement.
Il est entré a l'hôpital début septembre , quinze jours avant de mourir . Il était encore sûr qu' il allait s' en sortir. A la fin de la première semaine, le cancérologue m'a dit : « Il faut qu'il rentre chez vous ce week end pour qu'il parle a ses filles, parce que lui va partir et qu'elles vont rester ! ». Je savais qu'il n'en avait plus que pour quelques jours, j'avais autorisé les médecins à augmenter les doses de morphine. Le jeudi matin de la deuxième semaine , on était le 21 septembre, je suis allée chercher les filles pour qu' elles viennent à l'hôpital lui faire « un énorme câlin » . Le dernier. Il était dans les vapes mais il a reconnues et il les a serrées dans ses bras, . Ensuite on est rentrées toutes les trois à la maison et on a attendu. Elisa me demandait : « C'est sûr qu'il va mourir ? » « oui ». « J'ai honte de dire ça mais j'ai hâte que ça s'arrête ….» « Tu n'a pas à avoir honte, c'est normal ! »
On se relayait a l'hôpital , ma belle-s--ur et moi. Le vendredi soir, elle m'appelle , à 11 heures: « Il est mort ! ». Elle me l' a dit comme ça et elle a eu raison, il ne faut pas avoir peur de ces mots là. Je suis allée dormir, ça tournait dans ma tête, vous imaginez. Le samedi matin, j'ai réveillé les filles. J'ai employé les mêmes mots: «il est mort ». Alice avait cours « qu'est-ce que je fais ? » « Comme tu veux . Soit tu restes a la maison. Soit tu mets un pied devant l'autre, et tu y vas …» Elisa avait prévu d'aller à la piscine avec une copine. Elle pleurait mais elle y est allée quand même, elle aussi.
A l'enterrement, ma belle s--ur a joué du violon. C'était faux comme pas possible , ça résonnait dans l'église. On pleurait et on riait. L'humour c'est si important quand tout va mal ! Alice et Elisa ont lu la chanson de Linda Lemay « le plus fort c'est mon père ». Je les écoutais,je les regardais , j'étais fière de mes filles . Moi, j'avais choisi un texte d'un moine irlandais intitulé « l'amour ne disparaît jamais »
Les semaines qui ont suivi, chaque fois que je les sentais tristes ou énervées, je leur expliquais que c'était dur mais que peu a peu ça irait mieux. Leur père n'était plus là physiquement mais elles l'avaient en elles maintenant, elles avaient eu une chance inouïe d'avoir eu un père aussi attentionné, il leur avait donné des pistes des directions, toute leur vie elles pourraient se dire : « mon père m'a aimé plus que tout ». D'accord c'était un horrible râleur mais il leur laissait aussi de merveilleux souvenirs. Elisa trouvait cette mort « injuste ». Quand elle pleurait, je lui disais qu'elle avait le droit de pleurer ,mais que la colère, ça ne sert à rien. J'essayais de la faire rire . Je l'ai envoyée voir un sophrologue. Tout l'hiver, je lui ai expliqué que si l'on cherche le grand bonheur on ne le trouve jamais mais que si l' on ajoute les petits moments de bonheur les uns aux autres, on s'en sort, on finit par yu arriver . Un jour , je lui ai dit de noter dans un carnet trois choses qui l'avaient fait sourire dans la journée. Et de refaire ça tous les soirs. Ca a été très efficace.
L'été est enfin revenu. Moi, j'ai rencontré un autre homme: Fabrice. Complètement différent de Pascal, on ne peut pas imaginer plus différent. Calme. Réfléchi. Deux enfants lui aussi , deux grands garçons. Et confronté au même drame que moi : sa femme etait morte d'un cancer deux ans plus tôt. Notre histoire s'est noué en juillet, l'an dernier ,. Il habite Bruxelles, je suis retourné le voir en août. Il faisait chaud, nous avons beaucoup parlé, fait et refait l'amour et c'était merveilleux . Je lui disais: « S'il a fallu endurer tout ça pour arriver à ce moment de bonheur, je ne regrette rien, ça valait le coup….»
Petit a petit c'est devenu évident que nous allions le rejoindre là bas. Alice, Elisa et moi. Toutes les trois . C'est une décision qu'on a prise ensemble. Elisa m'a dit : « C'est bien que vous vous soyez rencontrées par hasard tous les deux ! » C'est vrai, c'était important pour elles que je n' ai pas cherché a tout prix a remplacer leur père .
Mes filles sont géniales :elles vivent ma nouvelle histoire d'amour tout a fait sereinement . Alice à 16 ans , son bonheur maintenant, c'est elle qui se le crée. Elle passe en première et elle est très brillante. C'est une passionnée d e théâtre. Pour son anniversaire , je lui ai offert un I pod. Elle m'a demandé de faire graver dessus « Don't worry, be happy ! » . Elisa, elle, rêve de voyages, d' aller en Australie, de voir des koalas. Elle entre en 6eme et son bonheur à elle passe encore par le mien. Aujourd'hui, toute notre vie change. Je sais que ce n'est pas facile pour elles : Alice va changer de lycée, quitter ses copains, il va encore falloir qu' elle soit forte, mais elle l'est, j'ai confiance .
Je ne dirais pas que je refais ma vie, je la continue avec un autre….. J'ai vécu dix-sept ans avec Pascal et maintenant il y a Fabrice . Dans notre village, quand j' ai dit aux voisins qu'on les quittait pour aller vivre à Bruxelles, ils ne comprenaient pas, ils ouvraient de grands yeux. J'ai démissionné de mon travail en mai. Nous venons de déménager. Nous sommes en train de nous installer à Bruxelles. Nous allons vivre à six dans une grande maison. Les deux gamins de Fabrice, mes deux filles, le chien et le chat. Et ça va encore être une autre histoire! Pendant trois mois, quand Pascal était en train de mourir, j'avais l'impression de vivre une guerre. Ces deux dernières années, la guerre continuait mais c'était une autre guerre, une guerre pour mes filles . Cette guerre-là n'est pas finie, elle ne le sera que quand lice et Elisa auront complètement retrouvé le goût du bonheur. Et réappris à rire.
ELLE/ 23 jullet 2007/ Propos receuillis par Antoine Silber
Il était responsable des ventes d'une grande marque automobile, il passait la semaine à Paris et revenait le vendredi soir dans l'Est où nous habitions . Le samedi matin , quand elles étaient a l'école, il jardinait. Il aimait tailler les rosiers, mettre des pots partout, faire des terrasses. Il nous construisait tous les ans une nouvelle terrasse ! L'après -midi, il emmenait les filles acheter des BD, de la science-fiction. Le samedi soir était pour ses copains, il voulait toujours du monde à la maison , il aimait rire , faire rire et il buvait pas mal. Pascal était un homme excessif mais généreux. On est restés mariés dix sept ans et en trois mois, tout a été fini.
Il est rentré de Paris comme d'habitude, un vendredi soir à huit heures et demi. Il se sentait mal. Le lundi il est allé faire des examens à l'hopital. On lui avait enlevé quelques années plus tôt un mélanome, un vilain grain de beauté, ça s'était réveillé . C' était en juin, il y a deux ans. On était à la veille de la fête des pères. Le médecin m'a dit : « il y a des métastases dans la paroi abdominal. Il n'y a plus d'espoir ……»
Elisa , la plus petite des filles avait 9 ans, elle en a aujourd'hui 11 . Elle tient de lui , elle est hyperactive, très rentre-dedans. Alice , la grande qui vient d'avoir 16 ans est plus posée, un peu comme moi . Dés le début, je leur ai dit la vérité .Elles me demandaient : « Est-ce qu' il va mourir ? » Je leur répondais : « Les médecins font ce qu'ils peuvent… » Lui ne s'est jamais rendu compte que sa vie était en jeu, il ne voulait pas voir que ce n'était plus qu'une question de semaines . Il prenait de la morphine pour ne pas avoir mal. En juillet, j'ai commencé à faire attention à ce que ses copains continuent de venir régulièrement à la maison . L'été a passé comme ça, doucement.
Il est entré a l'hôpital début septembre , quinze jours avant de mourir . Il était encore sûr qu' il allait s' en sortir. A la fin de la première semaine, le cancérologue m'a dit : « Il faut qu'il rentre chez vous ce week end pour qu'il parle a ses filles, parce que lui va partir et qu'elles vont rester ! ». Je savais qu'il n'en avait plus que pour quelques jours, j'avais autorisé les médecins à augmenter les doses de morphine. Le jeudi matin de la deuxième semaine , on était le 21 septembre, je suis allée chercher les filles pour qu' elles viennent à l'hôpital lui faire « un énorme câlin » . Le dernier. Il était dans les vapes mais il a reconnues et il les a serrées dans ses bras, . Ensuite on est rentrées toutes les trois à la maison et on a attendu. Elisa me demandait : « C'est sûr qu'il va mourir ? » « oui ». « J'ai honte de dire ça mais j'ai hâte que ça s'arrête ….» « Tu n'a pas à avoir honte, c'est normal ! »
On se relayait a l'hôpital , ma belle-s--ur et moi. Le vendredi soir, elle m'appelle , à 11 heures: « Il est mort ! ». Elle me l' a dit comme ça et elle a eu raison, il ne faut pas avoir peur de ces mots là. Je suis allée dormir, ça tournait dans ma tête, vous imaginez. Le samedi matin, j'ai réveillé les filles. J'ai employé les mêmes mots: «il est mort ». Alice avait cours « qu'est-ce que je fais ? » « Comme tu veux . Soit tu restes a la maison. Soit tu mets un pied devant l'autre, et tu y vas …» Elisa avait prévu d'aller à la piscine avec une copine. Elle pleurait mais elle y est allée quand même, elle aussi.
A l'enterrement, ma belle s--ur a joué du violon. C'était faux comme pas possible , ça résonnait dans l'église. On pleurait et on riait. L'humour c'est si important quand tout va mal ! Alice et Elisa ont lu la chanson de Linda Lemay « le plus fort c'est mon père ». Je les écoutais,je les regardais , j'étais fière de mes filles . Moi, j'avais choisi un texte d'un moine irlandais intitulé « l'amour ne disparaît jamais »
Les semaines qui ont suivi, chaque fois que je les sentais tristes ou énervées, je leur expliquais que c'était dur mais que peu a peu ça irait mieux. Leur père n'était plus là physiquement mais elles l'avaient en elles maintenant, elles avaient eu une chance inouïe d'avoir eu un père aussi attentionné, il leur avait donné des pistes des directions, toute leur vie elles pourraient se dire : « mon père m'a aimé plus que tout ». D'accord c'était un horrible râleur mais il leur laissait aussi de merveilleux souvenirs. Elisa trouvait cette mort « injuste ». Quand elle pleurait, je lui disais qu'elle avait le droit de pleurer ,mais que la colère, ça ne sert à rien. J'essayais de la faire rire . Je l'ai envoyée voir un sophrologue. Tout l'hiver, je lui ai expliqué que si l'on cherche le grand bonheur on ne le trouve jamais mais que si l' on ajoute les petits moments de bonheur les uns aux autres, on s'en sort, on finit par yu arriver . Un jour , je lui ai dit de noter dans un carnet trois choses qui l'avaient fait sourire dans la journée. Et de refaire ça tous les soirs. Ca a été très efficace.
L'été est enfin revenu. Moi, j'ai rencontré un autre homme: Fabrice. Complètement différent de Pascal, on ne peut pas imaginer plus différent. Calme. Réfléchi. Deux enfants lui aussi , deux grands garçons. Et confronté au même drame que moi : sa femme etait morte d'un cancer deux ans plus tôt. Notre histoire s'est noué en juillet, l'an dernier ,. Il habite Bruxelles, je suis retourné le voir en août. Il faisait chaud, nous avons beaucoup parlé, fait et refait l'amour et c'était merveilleux . Je lui disais: « S'il a fallu endurer tout ça pour arriver à ce moment de bonheur, je ne regrette rien, ça valait le coup….»
Petit a petit c'est devenu évident que nous allions le rejoindre là bas. Alice, Elisa et moi. Toutes les trois . C'est une décision qu'on a prise ensemble. Elisa m'a dit : « C'est bien que vous vous soyez rencontrées par hasard tous les deux ! » C'est vrai, c'était important pour elles que je n' ai pas cherché a tout prix a remplacer leur père .
Mes filles sont géniales :elles vivent ma nouvelle histoire d'amour tout a fait sereinement . Alice à 16 ans , son bonheur maintenant, c'est elle qui se le crée. Elle passe en première et elle est très brillante. C'est une passionnée d e théâtre. Pour son anniversaire , je lui ai offert un I pod. Elle m'a demandé de faire graver dessus « Don't worry, be happy ! » . Elisa, elle, rêve de voyages, d' aller en Australie, de voir des koalas. Elle entre en 6eme et son bonheur à elle passe encore par le mien. Aujourd'hui, toute notre vie change. Je sais que ce n'est pas facile pour elles : Alice va changer de lycée, quitter ses copains, il va encore falloir qu' elle soit forte, mais elle l'est, j'ai confiance .
Je ne dirais pas que je refais ma vie, je la continue avec un autre….. J'ai vécu dix-sept ans avec Pascal et maintenant il y a Fabrice . Dans notre village, quand j' ai dit aux voisins qu'on les quittait pour aller vivre à Bruxelles, ils ne comprenaient pas, ils ouvraient de grands yeux. J'ai démissionné de mon travail en mai. Nous venons de déménager. Nous sommes en train de nous installer à Bruxelles. Nous allons vivre à six dans une grande maison. Les deux gamins de Fabrice, mes deux filles, le chien et le chat. Et ça va encore être une autre histoire! Pendant trois mois, quand Pascal était en train de mourir, j'avais l'impression de vivre une guerre. Ces deux dernières années, la guerre continuait mais c'était une autre guerre, une guerre pour mes filles . Cette guerre-là n'est pas finie, elle ne le sera que quand lice et Elisa auront complètement retrouvé le goût du bonheur. Et réappris à rire.
ELLE/ 23 jullet 2007/ Propos receuillis par Antoine Silber
"J’ai vaincu la malédiction de l’émeraude...
Longtemps, j'ai détesté les bijoux. Surtout les bagues. Les émeraudes . Je n'aimais pas le luxe. Je me méfiais de ce qui était cher. Quand j'étais petite, à la maison, les périodes fastes alternaient avec les vaches maigres, on ne savait jamais de quoi seraient faites les fins de mois. C'était très destabilisant. Ca m'a marqué. En plus il y avait eu cette malheureuse affaire de l'émeraude perdue par ma grand'mère Rose et ce qui s'en était suivi. Une vraie malédiction.
Rose, je ne me souviens pas d'elle. Elle est morte je n' avais même pas quatre ans . Mais quand je la vois sur les photos, si jolie, avec ces si grands yeux bleus, je me reconnais en elle. Une femme trés moderne .Elle avait perdu sa bague de fiançailles et ça avait été un drame,on en parlait encore des dizaines d'années après. Une superbe émeraude entourée de diamants. Quand elle s'est mariée, ma mère a , à son tour, reçu une émeraude . La même que sa mère, avec des petits diamants autour. Et elle l' a aussi perdue….. Enfin, on, la lui a volée. On habitait avenue Carnot , prés de l'Etoile.J'avais 13 ans. Un cambriolage. De cette épisode , en revanche, je me souviens bien .
On revenait toutes les deux à la maison un dimanche soir. La porte de l'appartement était ouverte. Elle dit: « mais qu'est ce qui se passe ? » Elle va vers le petit secrétaire en marqueterie du salon. Il était ouvert, les tiroirs avaient été forcés. Elle hurle : « On m'a tout volé ! » Disparus, son collier de perles. Ses chaînes. Ses médailles en or. Disparue sa bague ,sa fameuse émeraude. Tout d'un coup elle se met a rire. « Ils ont dû être déçus, elle était fausse ». Je voyais cette bague au doigt de ma mère depuis si longtemps , je tombais des nues, moi . C'est ce jour-là que je l'ai appris : mon père, traumatisée par la perte de l'émeraude de sa mère lui avait offert une fausse pierre .Avec de faux diamants. Aujourd'hui on a l'habitude des bijoux fantaisie, ils s'affichent comme tels, mais à l'époque, c'était en 1967, je ne comprenais pas. Qu'on laisse croire à tout le monde, surtout, qu'il s'agissait d'une vraie, ça me révoltait. Je ne supportais pas ces horribles codes bourgeois qui légitimaient le mensonge.
En 1974, ma s--ur Catherine se marie à son tour. On lui offre aussi une émeraude . Une vraie cette fois, « en souvenir de Grand'mère Rose ». Et l'histoire se repète ! Un soir, elle va dîner dans un resto de Saint germain des Prés. Elle descend au lavabo se laver les mains.Elle enlève sa bague , la pose sur le rebord et elle l'oublie. On ne la retrouvera plus jamais! Ca faisait tout de même trois émeraudes qui disparaissaient dans la famille! Moi, du coup, j'étais vaccinée.
Je me suis mariée deux ans après . Il était question que la mère de mon mari, m'offre une bague .J'ai crié : « Non ! Surtout pas ! » J'ai évité l'émeraude mais le diamant,je n'ai pas pu. J'ai eu droit à un solitaire que je me suis empressée de mettre au coffre. Cette bague, le seul bijou de valeur que j'ai jamais eu, je ne lai jamais aimée. J'ai dû la porter dix fois dans ma vie : quand j' allais voir ma belle mère. Je vivais tout le temps en jean, pull et basket.Avec ça, un solitaire ,de toutes façons, ça n'aurait pas été. Je portais bien des bijoux ,mais sans valeur: des breloques, des pendentifs, des trucs indiens ou brésiliens . Et chaque fois que Serge, mon mari me disait « je pourrais peut être t'acheter une bague, une chaine, un bracelet. Qu'est ce que tu préfères ? »je lui répondais « Offre moi plutôt un voyage à Florence …. »
Je ne suis pas une femme à bijoux. Trop d'or,trop de bracelets,trop de gling gling,ça m'horripile. Je trouve ça déplacé, vulgos. Une amie à qui j'en parlais me disait: « Je ne sais pas si j'ai le goût sûr , mais j'ai le dégoût sûr …». Elle me citait une fille: « Tu veux que je te dise ? Elle est pleine d'or …» Pour elle, ça voulait tout dire . C'est vrai: l'élégance, c'est toujours ce qui ne se voit pas. Jamais ce qui brille, ce qui clinque.
Il y a cinq ans, Serge, mon mari est mort d'une longue maladie comme on dit. Un an après, je déménageais. J'avais besoin d'argent pour payer mes travaux, j'ai vendu mon solitaire . 8500 euros. Cash. C'était facile. Payant. Je suis allée a Drouot, j'ai déposé ma bague , trois semaines après, je pouvais régler mon électricien. Je n'avais aucun regret , elle était à moi, j'avais le droit d'en faire ce que je voulais. Je me disais : « Finalement, les bijoux ça sert à ça . C'est un truc pour les mauvais jours, une sécurité ! ».
Je suis restée quatre ans seule. Je sentais peu a peu, à des petits riens, que je pouvais de nouveau plaire. J'avais envie de soleil, envie de nuits passées à danser. Un nouvel homme est entré dans ma vie :Sylvain. Un soir il est arrivé à la maison avec une pierre toute simple, toute belle, une sorte de topaze ciselée au bout d'un lien en cuir . Il me l'a aussitôt mise autour du cou et je ne savais pas ce qui m'arrivait , quelque chose de très nouveau, d'inconnu, une sorte d'onde de plaisir m'envahissait. Ce n'était pas une pierre précieuse , juste une très jolie pierre qu'il n'avait pas payée une fortune, que je pouvais donc porter sans stress, sans angoisse. Ca changeait tout.
Au bureau , le lendemain, tout le monde me disait « mais quelle est jolie, cette pierre, c'est quoi? ». J'avais l'impression d'avoir vaincu le signe indien. Les bijoux n'étaient plus mes ennemis. Jusque là j'avais toujours été incapable de recevoir un cadeau , un hommage. Comme si je ne méritais ni cadeaux , ni hommages. Je découvrais d'un seul coup ce qui fait le vrai prix d'un bijou: ce lien que l'homme qui vous l'offre veut créer avec vous . Un bijou ce n'est pas seulement de l'argent, c'est de l'amour. Je n'avais pas le droit de refuser ça!
En mai dernier, pour fêter le premier anniversaire de notre rencontre, on est allés , Sylvain et moi, passer une semaine à Poros, , une petite île tout prés d'Athènes. Sylvain est fou de la Grèce . Comme moi. C'est d'ailleurs ce qui nous a rapprochés. Là on était juste nous deux , ensemble, et on avait l'impression de redécouvrir ce pays , ces paysages , ces maisons , ces couleurs. Ces gens si merveilleux. Comme si, avant, on n'avait rien vu, rien ressenti. .
Un soir on se promenait sur le port, on est entré dans une boutique. Je m'extasiais sur un collier de petites pierres brutes, d'un bleu qui me paraissait familier, du lapis azuli. Il me dit : « je te l'offre ». Moi, tout de suite: « non, non, c'est trop cher». « Si pas de problème…». Il n'avait pas sa carte de crédit sur lui. « On reviendra demain. » Je me disais que je n'allais pas lui en reparler, que j'allais laisser faire, qu' il oublierait. En même temps j'attendais , je sentais que c'était un moment important pour moi, pour nous. Ce collier, je le voulais! Le lendemain on partait dîner, il dit « on va repasser a la boutique d' abord ». J'étais si émue, vous ne pouvez pas imaginer !
Et s'il m'avait offert une émeraude? Ou un très beau solitaire? Je préfère ne pas imaginer. Là, la vendeuse a dit: « ce sont des pierres qui viennent d'Afghanistan….» Et ces pierres-là , tout d'un coup me paraissaient avoir du sens. Elles étaient bleus comme la mer, bleus comme la Grèce, bleus comme j'aime. Il ne s'agissait pas d' un placement pierre. Ce n'était pas un bijou de famille qu' on se transmet de mère en fille, de belle-mère en belle-fille. Pas une émeraude, non plus. Juste le cadeau de l' homme que j'aime, qui m'aime et me le prouve.
Ce collier, aujourd'hui, je ne m'en sépare plus, je ne pourrais plus vivre sans. Je le regarde, je le caresse, je le trouve beau. On me dit qu' avec je suis canon. Et je suis tout étonnée de ne pas être plus gênée que ça. Je rougis juste un peu quand on me demande qui me l'a offert. J'hésite. Je porte la main à mon cou comme pour vérifier qu'il est bien là. Puis, d'une petite voix, je lâche : « c'est un cadeau de mon amoureux! »
ELLE. 13 août 2007. Propos receuillis par Antoine SILBER
Rose, je ne me souviens pas d'elle. Elle est morte je n' avais même pas quatre ans . Mais quand je la vois sur les photos, si jolie, avec ces si grands yeux bleus, je me reconnais en elle. Une femme trés moderne .Elle avait perdu sa bague de fiançailles et ça avait été un drame,on en parlait encore des dizaines d'années après. Une superbe émeraude entourée de diamants. Quand elle s'est mariée, ma mère a , à son tour, reçu une émeraude . La même que sa mère, avec des petits diamants autour. Et elle l' a aussi perdue….. Enfin, on, la lui a volée. On habitait avenue Carnot , prés de l'Etoile.J'avais 13 ans. Un cambriolage. De cette épisode , en revanche, je me souviens bien .
On revenait toutes les deux à la maison un dimanche soir. La porte de l'appartement était ouverte. Elle dit: « mais qu'est ce qui se passe ? » Elle va vers le petit secrétaire en marqueterie du salon. Il était ouvert, les tiroirs avaient été forcés. Elle hurle : « On m'a tout volé ! » Disparus, son collier de perles. Ses chaînes. Ses médailles en or. Disparue sa bague ,sa fameuse émeraude. Tout d'un coup elle se met a rire. « Ils ont dû être déçus, elle était fausse ». Je voyais cette bague au doigt de ma mère depuis si longtemps , je tombais des nues, moi . C'est ce jour-là que je l'ai appris : mon père, traumatisée par la perte de l'émeraude de sa mère lui avait offert une fausse pierre .Avec de faux diamants. Aujourd'hui on a l'habitude des bijoux fantaisie, ils s'affichent comme tels, mais à l'époque, c'était en 1967, je ne comprenais pas. Qu'on laisse croire à tout le monde, surtout, qu'il s'agissait d'une vraie, ça me révoltait. Je ne supportais pas ces horribles codes bourgeois qui légitimaient le mensonge.
En 1974, ma s--ur Catherine se marie à son tour. On lui offre aussi une émeraude . Une vraie cette fois, « en souvenir de Grand'mère Rose ». Et l'histoire se repète ! Un soir, elle va dîner dans un resto de Saint germain des Prés. Elle descend au lavabo se laver les mains.Elle enlève sa bague , la pose sur le rebord et elle l'oublie. On ne la retrouvera plus jamais! Ca faisait tout de même trois émeraudes qui disparaissaient dans la famille! Moi, du coup, j'étais vaccinée.
Je me suis mariée deux ans après . Il était question que la mère de mon mari, m'offre une bague .J'ai crié : « Non ! Surtout pas ! » J'ai évité l'émeraude mais le diamant,je n'ai pas pu. J'ai eu droit à un solitaire que je me suis empressée de mettre au coffre. Cette bague, le seul bijou de valeur que j'ai jamais eu, je ne lai jamais aimée. J'ai dû la porter dix fois dans ma vie : quand j' allais voir ma belle mère. Je vivais tout le temps en jean, pull et basket.Avec ça, un solitaire ,de toutes façons, ça n'aurait pas été. Je portais bien des bijoux ,mais sans valeur: des breloques, des pendentifs, des trucs indiens ou brésiliens . Et chaque fois que Serge, mon mari me disait « je pourrais peut être t'acheter une bague, une chaine, un bracelet. Qu'est ce que tu préfères ? »je lui répondais « Offre moi plutôt un voyage à Florence …. »
Je ne suis pas une femme à bijoux. Trop d'or,trop de bracelets,trop de gling gling,ça m'horripile. Je trouve ça déplacé, vulgos. Une amie à qui j'en parlais me disait: « Je ne sais pas si j'ai le goût sûr , mais j'ai le dégoût sûr …». Elle me citait une fille: « Tu veux que je te dise ? Elle est pleine d'or …» Pour elle, ça voulait tout dire . C'est vrai: l'élégance, c'est toujours ce qui ne se voit pas. Jamais ce qui brille, ce qui clinque.
Il y a cinq ans, Serge, mon mari est mort d'une longue maladie comme on dit. Un an après, je déménageais. J'avais besoin d'argent pour payer mes travaux, j'ai vendu mon solitaire . 8500 euros. Cash. C'était facile. Payant. Je suis allée a Drouot, j'ai déposé ma bague , trois semaines après, je pouvais régler mon électricien. Je n'avais aucun regret , elle était à moi, j'avais le droit d'en faire ce que je voulais. Je me disais : « Finalement, les bijoux ça sert à ça . C'est un truc pour les mauvais jours, une sécurité ! ».
Je suis restée quatre ans seule. Je sentais peu a peu, à des petits riens, que je pouvais de nouveau plaire. J'avais envie de soleil, envie de nuits passées à danser. Un nouvel homme est entré dans ma vie :Sylvain. Un soir il est arrivé à la maison avec une pierre toute simple, toute belle, une sorte de topaze ciselée au bout d'un lien en cuir . Il me l'a aussitôt mise autour du cou et je ne savais pas ce qui m'arrivait , quelque chose de très nouveau, d'inconnu, une sorte d'onde de plaisir m'envahissait. Ce n'était pas une pierre précieuse , juste une très jolie pierre qu'il n'avait pas payée une fortune, que je pouvais donc porter sans stress, sans angoisse. Ca changeait tout.
Au bureau , le lendemain, tout le monde me disait « mais quelle est jolie, cette pierre, c'est quoi? ». J'avais l'impression d'avoir vaincu le signe indien. Les bijoux n'étaient plus mes ennemis. Jusque là j'avais toujours été incapable de recevoir un cadeau , un hommage. Comme si je ne méritais ni cadeaux , ni hommages. Je découvrais d'un seul coup ce qui fait le vrai prix d'un bijou: ce lien que l'homme qui vous l'offre veut créer avec vous . Un bijou ce n'est pas seulement de l'argent, c'est de l'amour. Je n'avais pas le droit de refuser ça!
En mai dernier, pour fêter le premier anniversaire de notre rencontre, on est allés , Sylvain et moi, passer une semaine à Poros, , une petite île tout prés d'Athènes. Sylvain est fou de la Grèce . Comme moi. C'est d'ailleurs ce qui nous a rapprochés. Là on était juste nous deux , ensemble, et on avait l'impression de redécouvrir ce pays , ces paysages , ces maisons , ces couleurs. Ces gens si merveilleux. Comme si, avant, on n'avait rien vu, rien ressenti. .
Un soir on se promenait sur le port, on est entré dans une boutique. Je m'extasiais sur un collier de petites pierres brutes, d'un bleu qui me paraissait familier, du lapis azuli. Il me dit : « je te l'offre ». Moi, tout de suite: « non, non, c'est trop cher». « Si pas de problème…». Il n'avait pas sa carte de crédit sur lui. « On reviendra demain. » Je me disais que je n'allais pas lui en reparler, que j'allais laisser faire, qu' il oublierait. En même temps j'attendais , je sentais que c'était un moment important pour moi, pour nous. Ce collier, je le voulais! Le lendemain on partait dîner, il dit « on va repasser a la boutique d' abord ». J'étais si émue, vous ne pouvez pas imaginer !
Et s'il m'avait offert une émeraude? Ou un très beau solitaire? Je préfère ne pas imaginer. Là, la vendeuse a dit: « ce sont des pierres qui viennent d'Afghanistan….» Et ces pierres-là , tout d'un coup me paraissaient avoir du sens. Elles étaient bleus comme la mer, bleus comme la Grèce, bleus comme j'aime. Il ne s'agissait pas d' un placement pierre. Ce n'était pas un bijou de famille qu' on se transmet de mère en fille, de belle-mère en belle-fille. Pas une émeraude, non plus. Juste le cadeau de l' homme que j'aime, qui m'aime et me le prouve.
Ce collier, aujourd'hui, je ne m'en sépare plus, je ne pourrais plus vivre sans. Je le regarde, je le caresse, je le trouve beau. On me dit qu' avec je suis canon. Et je suis tout étonnée de ne pas être plus gênée que ça. Je rougis juste un peu quand on me demande qui me l'a offert. J'hésite. Je porte la main à mon cou comme pour vérifier qu'il est bien là. Puis, d'une petite voix, je lâche : « c'est un cadeau de mon amoureux! »
ELLE. 13 août 2007. Propos receuillis par Antoine SILBER
« A 25 ans, je n’avais encore jamais fait l’amour ….»
J'étais une "mademoiselle je sais tout". Et pourtant tellement timide. Perdue. Désemparée…..J'avais des amis mais jamais de petit ami . Et comme j'aurais préféré mourir plutôt que de l' avouer je m'enfonçais dans le mensonge. Je me barricadais. Je faisais fuir tout le monde.
Pierre ne m' attirait pas particulièrement. J'aimais discuter avec lui, c'est tout. Je vis en coloc. On est trois. Moi avec deux garçons. Il était l'ami d'un de mes coloc'. On faisait des soirées , des tas de gens débarquaient. Il y en avait qui restaient, qui dormaient dans le salon. Il était consultant en informatique. Brun, la peau mate. Un petit bouc. Ni beau, ni moche. Entre les deux. Ca n'a pas été un coup de foudre ni le prince charmant.
Mais je me disais que c'était un type bien ,qu'avec lui c'était possible.
J'allais avoir 25 ans, je n'avais encore aucune expérience sexuelle. De toutes façons c'était une question de survie ! On est sortis ensemble, c'était déjà un rancart, mais il ne s'est rien passé. La deuxième fois, c'est moi qui ai pris l'initiative. Je lui ai dit: « allez, on s'embrasse». Après il m'a dit: « ce que j'ai bien aimé, c'est que tu as été directe.. »
Rouler une pelle, embrasser vraiment , je ne pouvais pas. Ca me degoûtait. Et pour lui non plus, au début, ça n' était pas une relation confortable, fluide, évidente. Mais « ça » s'est quand même passé …. IL était là, un soir, à l'appartement. Je lui dis: « si tu veux, tu restes dormir ». J'ai essayé de me saouler, avant. Au Porto. Et on s'est retrouvés tous les deux dans mon lit. Je ne lui avais pas dit que je n'avais aucune expérience et il ne s'en est pas aperçu . Naturellement ça n'a pas été top. J'étais si stressée de toutes façons que ça ne pouvait pas être bien. Mais le lendemain, on a recommencé. Je me disais : il ne faut pas que je reste sur le « je ne suis pas contente!» Le week end d'après, on l' a encore fait. Et très rapidement, c'est devenu pas mal.
J'étais contente mais un peu surprise quand même que ça ne change pas plus ma vie. Pendant des années, ça avait été si difficile! J'habite à côté de Versailles, je viens d'un milieu très protégé, cathôlique. A l'école,j'étais le genre première de la classe. Le collège où je suis allée , c'était un peu l'école pour les filles de bonne famille de la région: pas de garçons, bien sûr! Au lycée: que des filles, encore! Sortir, ce n'était pas la norme et puis j'étais terrorisée à l'idée de me retrouver au milieu de garçons inconnus. En première, j'ai demandé à ma mère à être interne. Je faisais du grec, du latin. J'étais dans un groupe de filles très bosseuses. On lisait beaucoup.Un livre par semaine. Entre 30 et 40 par an. Une fois, j'ai compté.Il y a des filles qui comptent les garçons qu' elles épinglent sur leur tableau de chasse, moi je comptais les livres.
Coucher avec des garçons, ce n'était même pas tabou, juste très loin de notre univers. La vie sentimentale, on n'y pensait pas. On disait: ce sera après. C'était l'éducation comme on l'imagine il y a cinquante ans et pourtant ça se passait il y a seulement quelques années . Je suis entrée en médecine. Mes parents sont tous les deux médecins. Mon père, pneumologue. Ma mère, anatomopathologiste. Là, à la fac, je n'étais plus du tout dans la norme. Je me retrouvais tout d'un coup propulsée "une des plus belles filles de la promo" alors que je ne m'étais même jamais rendu compte que je pouvais être jolie . Tout le monde sortait, faisait la fête, couchait à droite à gauche, et ça me foutait la trouille. A l' hôpital, les internes me tournaient autour (enfin pas tous non plus, je ne veux pas que l'on croit que je me vante). Je ne pouvais pas avouer mon inexpérience, j'avais trop honte. Du coup , j'avais la réputation atroce d' une fille hautaine, qui se la pète, qui snobe tout le monde alors que j'étais juste terrorisée.
En troisième année, je n'en pouvais plus d'être seule. Je ne voulais plus de cette vie. Ce n' était pas seulement la vie sentimentale qui n'allait pas, toutes mes relations avec les autres. Après les vacances de février, je revenais du ski, j'ai craqué, je suis allée voir un psy. Un psychiatre chez qui se retrouvait toute la bonne bourgeoisie de Versailles et de ses environs. J'étais persuadée qu'il allait me rire au nez , lui qui soignait des gens vraiment malades.Il ne m'a pas ri au nez ! La première séance, il m'a fait décrire ce qu'était ma vie. La deuxième, il m'a posé des questions sur ma mère. Je me rappelle, je ne savais pas quoi dire . J'étais bien trop fière pour admettre quoique cesoit, que je puisse avoir peur de quelque chose, ou que je pouvais être vulnérable . Lui laissait s'installer de longs silences pour me pousser à me dévoiler. Une vraie torture. Plus tard il m'a dit qu'au début, j'avais l'air d'un jeune animal aux abois et qu' il avait dû faire attention à ne pas me brusquer de peur que je m'enfuie.
Je suis restée six mois en thérapie. J'y allais tous les 15 jours. Certaines séances, je sortais en pleurant. Personne ne le savait. Pas même ma mère. Après quand je le lui ai avoué, elle a été soulagée. Elle voyait bien que j'étais mal, que je n' y arrivais pas seule. Ca a été dur. Il a fallu que je m 'implique, que je me mette en danger. Toute ma vie je m'étais heurtée à des murs que je me construisais pour mieux me protéger. Il a fallu que je les démollisse peu à peu, que j'élargisse mon espace intérieur.
En six mois, j'ai eu l'impression de me libérer. Les dernières séances, j'ai dit à mon psy qu'il fallait que j'arrête, pour aller de l'avant toute seule. Il a compris. Je me sentais plus détendue, mes rapports avec les autres étaient plus cool. Avoir des relations sexuelles n'était plus autant un enjeu. Je pouvais dédramatiser. Je m'apercevais aussi que je n'étais pas seule dans mon cas: beaucoup de filles, beaucoup plus qu'on ne le croit, n'ont encore jamais couché avec un garçon à 24, 25 ans ou même plus tard. C'est aussi pour elles que je témoigne, pour que celles-là se sentent moins seules.
Quand j'ai commencé à sortir avec Pierre, l'angoisse de ne pas pouvoir ouvrir la bouche a commencé à disparaître. Le dégoût est parti peu a peu lui aussi, assez rapidement finalement. Et le plaisir est apparu. Même si ça a pris plus de temps… Je m'étais interdit de rompre avant un mois. Je me disais qu'on m'avait souvent jugée trop vite, qu'il fallait que j'apprenne à composer, que je laisse un peu sa chance à la vie. Au bout d un mois, j'étais vraiment bien avec Pierre, je n' avais plus aucune envie de le quitter. Il y avait moins d' angoisse. Je pouvais me dire: « Si ça ne marche pas, je pourrais toujours aller avec un autre… »
Aujourd'hui, sept mois après, c'est de mieux en mieux. Je suis trés amoureuse. Je pense qu'il l'est lui aussi mais il n'y a pas de garantie. En tous cas, il a l'air bien avec moi. Il me dit tout le temps que je lui manque. Je ne sais plus qui a dit qu'il n' y a pas d'amour, juste des preuves d'amour et moi j'en ai des tonnes. Je travaille beaucoup, jamais il ne me le reproche. Le nombre de soirées où, à 11 heures, je lui dis que je dois aller travailler ! Le nombre de concerts aussi qu' il a ratés pour moi,juste pour être avec moi. Et puis ce qui me plaît chez lui, c'est qu'il est le genre qui n'oublie jamais la date (et même l' heure) à laquelle on a commencé à sortir ensemble . Il la fête chaque mois.
Il travaille à Dijon. On ne se voit que le week-end, mais ça vaut peut être mieux. Si au début, il avait été là tous les jours, on aurait sûrement cassé très vite. La distance, le temps a facilité les choses, même si maintenant c'est parfois dur de n'être pas tout le temps ensemble. Je suis maintenant en deuxième année d' internat dans un hôpital à Paris. En semaine,il me manque, je lui manque, mais ce n'en est meilleur, le vendredi, quand on se retrouve. Je me spécialise en chirurgie, j'en ai encore pour trois ans. Ce qui se passera après? Je ne sais pas. On verra. On a le temps de voir.
ELLE. 3 septembre2007. . Propos receuillis par Antoine Silber
Pierre ne m' attirait pas particulièrement. J'aimais discuter avec lui, c'est tout. Je vis en coloc. On est trois. Moi avec deux garçons. Il était l'ami d'un de mes coloc'. On faisait des soirées , des tas de gens débarquaient. Il y en avait qui restaient, qui dormaient dans le salon. Il était consultant en informatique. Brun, la peau mate. Un petit bouc. Ni beau, ni moche. Entre les deux. Ca n'a pas été un coup de foudre ni le prince charmant.
Mais je me disais que c'était un type bien ,qu'avec lui c'était possible.
J'allais avoir 25 ans, je n'avais encore aucune expérience sexuelle. De toutes façons c'était une question de survie ! On est sortis ensemble, c'était déjà un rancart, mais il ne s'est rien passé. La deuxième fois, c'est moi qui ai pris l'initiative. Je lui ai dit: « allez, on s'embrasse». Après il m'a dit: « ce que j'ai bien aimé, c'est que tu as été directe.. »
Rouler une pelle, embrasser vraiment , je ne pouvais pas. Ca me degoûtait. Et pour lui non plus, au début, ça n' était pas une relation confortable, fluide, évidente. Mais « ça » s'est quand même passé …. IL était là, un soir, à l'appartement. Je lui dis: « si tu veux, tu restes dormir ». J'ai essayé de me saouler, avant. Au Porto. Et on s'est retrouvés tous les deux dans mon lit. Je ne lui avais pas dit que je n'avais aucune expérience et il ne s'en est pas aperçu . Naturellement ça n'a pas été top. J'étais si stressée de toutes façons que ça ne pouvait pas être bien. Mais le lendemain, on a recommencé. Je me disais : il ne faut pas que je reste sur le « je ne suis pas contente!» Le week end d'après, on l' a encore fait. Et très rapidement, c'est devenu pas mal.
J'étais contente mais un peu surprise quand même que ça ne change pas plus ma vie. Pendant des années, ça avait été si difficile! J'habite à côté de Versailles, je viens d'un milieu très protégé, cathôlique. A l'école,j'étais le genre première de la classe. Le collège où je suis allée , c'était un peu l'école pour les filles de bonne famille de la région: pas de garçons, bien sûr! Au lycée: que des filles, encore! Sortir, ce n'était pas la norme et puis j'étais terrorisée à l'idée de me retrouver au milieu de garçons inconnus. En première, j'ai demandé à ma mère à être interne. Je faisais du grec, du latin. J'étais dans un groupe de filles très bosseuses. On lisait beaucoup.Un livre par semaine. Entre 30 et 40 par an. Une fois, j'ai compté.Il y a des filles qui comptent les garçons qu' elles épinglent sur leur tableau de chasse, moi je comptais les livres.
Coucher avec des garçons, ce n'était même pas tabou, juste très loin de notre univers. La vie sentimentale, on n'y pensait pas. On disait: ce sera après. C'était l'éducation comme on l'imagine il y a cinquante ans et pourtant ça se passait il y a seulement quelques années . Je suis entrée en médecine. Mes parents sont tous les deux médecins. Mon père, pneumologue. Ma mère, anatomopathologiste. Là, à la fac, je n'étais plus du tout dans la norme. Je me retrouvais tout d'un coup propulsée "une des plus belles filles de la promo" alors que je ne m'étais même jamais rendu compte que je pouvais être jolie . Tout le monde sortait, faisait la fête, couchait à droite à gauche, et ça me foutait la trouille. A l' hôpital, les internes me tournaient autour (enfin pas tous non plus, je ne veux pas que l'on croit que je me vante). Je ne pouvais pas avouer mon inexpérience, j'avais trop honte. Du coup , j'avais la réputation atroce d' une fille hautaine, qui se la pète, qui snobe tout le monde alors que j'étais juste terrorisée.
En troisième année, je n'en pouvais plus d'être seule. Je ne voulais plus de cette vie. Ce n' était pas seulement la vie sentimentale qui n'allait pas, toutes mes relations avec les autres. Après les vacances de février, je revenais du ski, j'ai craqué, je suis allée voir un psy. Un psychiatre chez qui se retrouvait toute la bonne bourgeoisie de Versailles et de ses environs. J'étais persuadée qu'il allait me rire au nez , lui qui soignait des gens vraiment malades.Il ne m'a pas ri au nez ! La première séance, il m'a fait décrire ce qu'était ma vie. La deuxième, il m'a posé des questions sur ma mère. Je me rappelle, je ne savais pas quoi dire . J'étais bien trop fière pour admettre quoique cesoit, que je puisse avoir peur de quelque chose, ou que je pouvais être vulnérable . Lui laissait s'installer de longs silences pour me pousser à me dévoiler. Une vraie torture. Plus tard il m'a dit qu'au début, j'avais l'air d'un jeune animal aux abois et qu' il avait dû faire attention à ne pas me brusquer de peur que je m'enfuie.
Je suis restée six mois en thérapie. J'y allais tous les 15 jours. Certaines séances, je sortais en pleurant. Personne ne le savait. Pas même ma mère. Après quand je le lui ai avoué, elle a été soulagée. Elle voyait bien que j'étais mal, que je n' y arrivais pas seule. Ca a été dur. Il a fallu que je m 'implique, que je me mette en danger. Toute ma vie je m'étais heurtée à des murs que je me construisais pour mieux me protéger. Il a fallu que je les démollisse peu à peu, que j'élargisse mon espace intérieur.
En six mois, j'ai eu l'impression de me libérer. Les dernières séances, j'ai dit à mon psy qu'il fallait que j'arrête, pour aller de l'avant toute seule. Il a compris. Je me sentais plus détendue, mes rapports avec les autres étaient plus cool. Avoir des relations sexuelles n'était plus autant un enjeu. Je pouvais dédramatiser. Je m'apercevais aussi que je n'étais pas seule dans mon cas: beaucoup de filles, beaucoup plus qu'on ne le croit, n'ont encore jamais couché avec un garçon à 24, 25 ans ou même plus tard. C'est aussi pour elles que je témoigne, pour que celles-là se sentent moins seules.
Quand j'ai commencé à sortir avec Pierre, l'angoisse de ne pas pouvoir ouvrir la bouche a commencé à disparaître. Le dégoût est parti peu a peu lui aussi, assez rapidement finalement. Et le plaisir est apparu. Même si ça a pris plus de temps… Je m'étais interdit de rompre avant un mois. Je me disais qu'on m'avait souvent jugée trop vite, qu'il fallait que j'apprenne à composer, que je laisse un peu sa chance à la vie. Au bout d un mois, j'étais vraiment bien avec Pierre, je n' avais plus aucune envie de le quitter. Il y avait moins d' angoisse. Je pouvais me dire: « Si ça ne marche pas, je pourrais toujours aller avec un autre… »
Aujourd'hui, sept mois après, c'est de mieux en mieux. Je suis trés amoureuse. Je pense qu'il l'est lui aussi mais il n'y a pas de garantie. En tous cas, il a l'air bien avec moi. Il me dit tout le temps que je lui manque. Je ne sais plus qui a dit qu'il n' y a pas d'amour, juste des preuves d'amour et moi j'en ai des tonnes. Je travaille beaucoup, jamais il ne me le reproche. Le nombre de soirées où, à 11 heures, je lui dis que je dois aller travailler ! Le nombre de concerts aussi qu' il a ratés pour moi,juste pour être avec moi. Et puis ce qui me plaît chez lui, c'est qu'il est le genre qui n'oublie jamais la date (et même l' heure) à laquelle on a commencé à sortir ensemble . Il la fête chaque mois.
Il travaille à Dijon. On ne se voit que le week-end, mais ça vaut peut être mieux. Si au début, il avait été là tous les jours, on aurait sûrement cassé très vite. La distance, le temps a facilité les choses, même si maintenant c'est parfois dur de n'être pas tout le temps ensemble. Je suis maintenant en deuxième année d' internat dans un hôpital à Paris. En semaine,il me manque, je lui manque, mais ce n'en est meilleur, le vendredi, quand on se retrouve. Je me spécialise en chirurgie, j'en ai encore pour trois ans. Ce qui se passera après? Je ne sais pas. On verra. On a le temps de voir.
ELLE. 3 septembre2007. . Propos receuillis par Antoine Silber
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