Paul, son mari , était atteint d’une leucémie, on ne lui donnait plus que quelques mois à vivre, mais il a tenu trois ans… Pour Hannah, l’épreuve a été terrible. Aujourd’hui, à 33 ans, elle a refait sa vie.
Il était toujours fatigué, tout le temps essouflé. Il se demandait ce qu’il avait. Tout le monde lui disait « Ne t’inquiètes pas , tu es expatrié, c’est normal, c’est le changement, on met du temps à s’y faire.» On était arrivés en Australie six mois plus tôt. En juillet 2001. Il avait trouvé un poste dans une banque. Moi j’étais commerciale dans une multinationale française. J’avais 27 ans, lui 28. On habitait une sublime maison à Sydney , on vivait sous les palmiers. On découvrait la plongée sous marine, le squash. C’était la vie révée.
Un matin, il va faire des analyses. « Vous avez un manque de globules rouge trés inquiétant il faut vous hospitaliser». C’était un vendredi. Je le rejoins au labo . Ils n’arrivaient pas a savoir ce qu’il avait. Ils pensaient à une mononucléose. Le lendemain, c’était la tiphioide. J’ai appelé ma belle mère en France, elle ne s’est pas posé de question, elle a sauté dans un avion, et elle a debarqué a l’hopital le dimanche . C’est une femme incroyable ma belle-mère, vraiment quelqu'un d e merveilleux.
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Paul allait de plus en plus mal. A partir du lundi, j’ai commencé a dormir a l’hôpital a coté de lui. C’est le mercredi, deux jours après , qu’on nous a parlé d’une leucémie. Nous avions un trés bon ami, français lui aussi et médecin . Il nous accompagnait, ma belle mère et moi, quand on nous a confirmé le diagnostic. On était en face de trois docteurs australiens: « il a une leucémie. Il a de moins en moins de globules rouges, la maladie est en train de galoper. S’il veut guérir, il faut absolument que vous rentriez en France.» On était au bout du monde, mon mari avait une leucemie et il fallait que je lui annonce ça! Je vais retrouver Paul dans sa chambre . Il se met a pleurer. Il allait devoir quitter l’Australie, pour lui c’était ça le pire . Il le vivait comme un échec , il était si fier de la manière dont nous avions réussi à nous installer à Sydney.
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On a fait les bagages en trois heures. Lendemain, le jeudi , on reprenait l’avion pour Lyon. Un medecin nous accompagnait. Paul avait une grosse bouteille d’oxygène a coté de lui. Tout l’énervait, alors il m’engeulait et il engeulait sa mère. Donc, on arrive à Lyon. Le débarquement a Satolas: Paul dans sa chaise roulante, ce froid de gueux, et toute la famille qui est là .Tous, les yeux pleins de larmes . Soudain je redescends sur terre , je comprends que c’est la grosse merde. Le pimpon de l’ambulance. L’arrivée à l’hopital . Là, je vois un long couloir, j’ai l’impression que je ne vais pas arriver au bout , que je vais m’écrouler avant , mais heureusement la famille est là et mes amis aussi. C’est si bon de les voir, je ne dirais jamais assez tout ce que je leur dois.
Les médecins lyonnais ont confirmé le diagnostic .Il s’agissait d’une forme de leucémie assez spéciale , dite « immature ». Et on ne lui donnait que quelques mois à vivre! Je ne suis pas médecin, je m’exprime mal, mais pour résumer: les cellules malignes étaient trés jeunes, donc difficiles à maitriser. La seule façon de le sauver était de faire une greffe de moelle osseuse .Le frère et la sœur de Paul ont fait des analyses pour savoir s’ils pouvaient être donneurs. Et Paul a commencé une chimio en chambre stérile. Il est resté là , trois semaines,tout seul , dans une sorte de grosse bulle de verre. Pour tenir le coup, il se faisait un film dans sa tête, il s’imaginait dans un vaisseau spatial, c’est comme ça qu’il se donnait du courage.
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Son frère et sa sœur n’étaient pas compatibles . Il y avait bien un donneur potentiel de moelle en Allemagne, mais soudain, mysterieusement, son nom et ses coordonnées ont disparu des fichiers. Je me souviens quand j’ai annoncé à Paul qu’il ne fallait plus compter sur lui . Sa colère . Sa douleur. Mais heureusement, il réagissait bien à la chimio. C’était spectaculaire même . Il a vite repris des forces, on n’a plus parlé de greffe et en mars 2002, il a pu sortir. En septembre, tout semblait fini , il a retrouvé un travail . On a recommencé a vivre une vie a peu prés normale et malgré la chimio, je suis tombée enceinte.
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Flore est née en mars 2004. Je me souviens du visage de Paul en la voyant…C’était le bonheur, ils était si fier d’être père. Il faisait des contrôles tous les trois mois, mais à part ça il allait bien . Il avait acheté une nouvelle voiture . Il était en train de monter sa boîte avec un copain. En janvier 2005, soudain, un de ses médecins appelle et annonce:« j’ai une mauvaise nouvelle, c’est reparti, les globules rouges s’emballent de nouveau »
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Il a recommencé la chimio, mais rien a faire, ses globules étaient devenus incontrôlables. Il a fallu de nouveau l’hospitaliser. Il est mort en trois jours. Le 14 février. Je me souviens, j’étais avec ma belle mère, Paul était en soins intensifs, le médecin est arrivé et nous a dit: « c’est terminé » . Il a ajouté: « vous savez, il n’avait plus aucune chance de s’en sortir. » Il avait tout de même réussi a tenir trois ans. Avec un courage exceptionnel. En allant au bout de lui-même.
L’enterrement a été magnifique. Il neigeait à gros flocons. Dans l’allée du cimetière, derrière son cercueil , moi j’avançais un peu comme une automate. Une psy m’avait accompagnée depuis le début de la maladie, j’ai eu trois séances d’affilée avec elle :« Je ne suis pas inquiète », ma t elle dit, « vous êtes forte. Pour vous, il y a le ciel bleu quelque part…. » Je suis retournée travailler au bout de quinze jours. Ma fille avait 10 mois, je devais me lever le matin, ça m’aidait. Je me répétais des phrases comme: « à chaque jour suffit sa peine » ou « aide toi le ciel t’aidera ». Je me rappelais comment Paul se battait. Il m’a servi de modèle : je voulais être à sa hauteur. Je me disais que je ne pouvais pas m’écrouler, ç’aurait été nul. Et puis il y a eu Camille. Mon amie Camille. Mon ange gardien. Elle a joué un grand rôle à ce moment-là. « Il faut que que tu passes à autre chose, me disait elle, je vais m’occuper de toi ». Elle m’a re-lookée, trainée dans des soirées. Un soir, elle m’a présenté Grégoire, un copain à elle qui sortait d’ une longue et assez malheureuse histoire d’amour. Il avait vécu des choses difficiles. Il était très abattu, lui aussi. Je crois que dans toute histoire d’amour, le timing est important . Là, c’était hallucinant: pour lui comme pour moi, c’était LE bon moment. On a dîné plusieurs fois ensemble, il y avait quelque chose de fort entre nous, c’était très naturel et en même temps complètement magique. C’est comme ça qu’un jour, dans ma vie, la lumière s’est rallumée, l’emportant sur les ténèbres. C’était six mois après l’enterrement. J’avais 32 ans, lui 34. On a tout de suite fait des projets, parlé de vivre ensemble, d’avoir un enfant ensemble. J’avais côtoyé la mort de si prés, j’avais trop envie de bonheur.
Tout ensuite a été très vite. Trop vite ? Non, je ne crois pas. Il fallait que je me sauve. J’avais une fille, c’était important que j’aille bien. Là encore, ma belle-mère a été exceptionnelle. Elle savait que cette épreuve m’avait fait grandir, qu’elle m’avait rendue plus autonome. Elle m’a dit: «ce qui compte, c’est que tu réussisses à reconstruire ta vie! ». On se comprenait toutes les deux, on était vraiment sur la même longueur d’onde. Trois mois après j’étais enceinte. Grégoire est venu habiter avec nous. Il a découvert Flore , étonné, fasciné. Il l’a tout de suite considérée comme sa propre fille.
Alinea
Aujourd’hui je me dis que c’est ma bonne étoile qui m’a montré le chemin. Victor, notre fils, est né il y a deux mois. Et nous avons emménagé dans notre nouvel appartement, il n’y a même pas trois semaines. Ici, c’est un lieu bien à nous. Un lieu neuf, vierge de tout ce qui est arrivé avant…. Bon, il est bientôt onze heures et demies. Victor dort dans son berceau. Et moi je dois aller chercher Flore a l’école. Vous voyez, la vie a définitivement repris le dessus !
ELLE. 2006. Propos receullis par Antoine Silber
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