vendredi 18 janvier 2008

C'est mon histoire « Et soudain, dans l’avion, le père de mon fils…. »

Myriam tenait à ce que Guillaume, 15 ans, accepte de rencontrer avant sa majorité, son père qu’il n’avait jamais vu. Et puis, un jour, cet été, dans l’Airbus qui les ramène de Miami, elle tombe sur lui!




















Guillaume ne connaissait pas son père .Il ne l’avait jamais vu. Il vivait depuis quinze ans avec ça, dans ce manque de père, cette absence…. Je lui avais montré toutes les photos que je possédais. Je lui avais tout dit de ce qui s’était passé. Pourquoi nous n’étions pas restés ensemble, Philippe et moi. Pourquoi son père ne l’ avait pas reconnu. Et chaque fois que je lui avais proposé de prendre contact avec Philippe , il me répondait « non, je ne veux pas ! » Depuis quatre ans, j’ avais commencé une psy , la perception que j’ai d’un certain nombre de choses a changé, je me disais et je lui disais à lui qu’il faudrait qu’il envisage de rencontrer son père avant sa majorité, avant de devenir adulte. Il prenait alors son air sombre du fils fâché. Et il répétait: « je t’ai déjà dit cent fois que je ne veux pas voir ce salaud qui t’a abandonnée…»

Et puis il y a eu cette rencontre dans l’avion.


On était le 13 juillet dernier . On revenait de Miami, tous les deux, trés gais, trés heureux. On venait de passer quinze jours géniaux aux Etats-Unis avec des cousins. Et Guillaume repartait le lendemain faire un stage de voile aux Glénans. On était dans l’ avion, un Airbus , à l’arrière. Je me lève pour aller aux toilettes. J’arrive à hauteur du premier rang: Philippe! Oui, Philippe, le père de Guillaume . Pas de doute, c’était lui. Je m’enferme dans les toilettes. Quel choc! Je ne l’avais pas vu depuis des années mais je ne pouvais pas me tromper. A côté de lui, il y avait une femme. Sa femme? Je fais pipi. Est ce que je devais aller lui parler? Je sors des toilettes. Il lève les yeux, il me voit. Je lui souris. Il me sourit. Je ne sais pas ce qui se passe a ce moment là, je ne m’arrête pas. J’étais sûre que c’était lui pourtant, mais de là à lui parler…



Je reviens a ma place. Guillaume était sur sa Game boy, il lève à peine la tête. Est-ce que je devais lui dire que son père était dans l’avion, là, à dix rangs de lui. Il n’avait jamais vu son père .Il n’avait qu’a se lever pour aller lui dire bonjour. C’était comme un signe du destin…


Philippe, je l’avais connu en 1992. J’avais 33 ans. Je suis avocate. A l’époque, je travaillais chez un ténor du barreau. Je n’avais pas encore mon cabinet. Je sortais d’une grande histoire avec un autre confrère, Raphaël. Philippe était chirurgien , divorcé. Avec deux enfants. On avait eu une aventure très passionnelle, très violente et au bout de trois mois, j’étais tombée enceinte. Il ne voulait pas de l’enfant, moi je voulais le garder. On avait des rapports clairs, passionnels mais clairs. Avec un vrai respect mutuel. « Tu fais ce que tu veux, me dit-il mais moi je ne peux pas assumer ça! ». Le problème a l’époque c’est qu’il était aussi avec une autre femme, Caroline. Il disait qu’il était amoureux de moi mais il ne devait pas être tant que ça puisqu’il m’a carrément laissée tomber et il est allé avec elle. J’avais accouché pendant l’hiver. Il neigeait, tout le monde était au ski. Guillaume est né le lendemain de Noël, 92. J’étais seule.



Est ce que cette femme a côté de lui était cette Caroline pour qui il m’avait plaquée ? Dans l’avion, en reprenant ma place à coté de Guillaume je n’érr^étais pas de me poser la question. Je ne l’avais jamais vue, elle et lui seulement deux fois en quinze ans. Je lui en avais tellement voulu ! J’ étais sure qu’il m’avait reconnue. Il m’avait souri mais comment lui parler maintenant? Je regardais mon fils, toujours plongé dans son jeu. Il valait peut-être mieux attendre l’arrivée à Charles de Gaulle pour faire les présentations… Je ne pouvais tout de même pas lui dire : « Devine qui est dans l’avion, je te le donne en mille… » Ou : « Si tu veux voir ton père, c’est le moment…»



Je n’ai pas dormi de tout le vol. Je gambergeais. A côté de moi, Guillaume ronflait comme un bienheureux. On est arrivés a Paris à 7 heures du matin. Philippe n’était pas aux bagages. Ni aux taxis. Nulle part ! On est arrivés à la maison. Je me disais:je vais l’appeler. J ‘ai attendu le lendemain que Guillaume aille prendre son train pour Les Glénans. J’appelle. « Bonjour Philippe . C’est quand même étonnant qu’on se retrouve comme ça dans l’avion. Non ?» Lui: « Maisquel avion ? » « Celui de Miami, hier. Tu es bien allé a Miami? » « Oui » « Tu m’as vue puisque tu m’as souri… Tu étais assis a coté d’ une blonde, trés jolie…» « Non.Je ne sais pas de quoi tu parles…» Je lui raconte que j’étais avec Guillaume. Il savait qu’il avait un fils. Quand Guillaume avait eu trois ans, je lui avais envoyé une photo. Et je l’avais emmené le voir un jour à la sortie d e l’école . C’est là que j’ avais appris qu’il s’était marié avec cette Caroline.



Je lui ai demandé: « Toi tu as envie de le voir,de lui parler ? » Et il m’a répondu: « oui ». J’ai alors ressenti une espèce de soulagement. Notre conversation était d’ailleurs extraordinaire. Il n’ était pas du tout hostile ou méfiant. Il n’ avait aucune réticence à l’idée de voir Guillaume. Il avait toujours été un type bien . Là, il me le prouvait.



Je lui ai proposé qu’on déjeune ensemble, pour parler de tout ça . Il n’a pas hésité.: « d accord ». Je le lui fait répéter : « OK. Très bien » Et avant de raccrocher, il a ajouté « Et tu sais, la blonde très jolie à côté de moi, c’était Caroline…. »



J’ai déjeuné avec lui quinze jours après. Dans un restaurant du Palais Royal, au bord du Jardin. Là, j’ai découvert un homme formidable. Ce n‘était plus l’homme à qui j’en avais tellement voulu, cet homme si craquant, ce très beau garçon qui m’avait salement laissé tomber au début de ma grossesse. Je trouvais que l’âge lui allait bien, qu’il était encore plus beau , malgré ou grâce à ses rides et son front dégarni. Il avait eu, me confiait-il, une fille avec Caroline: Louise , qui avait aujourd’hui 14 ans. Un an de moins que Guillaume….Ses deux autres enfants: Marina et Samuel avaient eux 23 et 21 ans. Il me disait qu’ avec Caroline ,sa femme, ça n’allait plus bien du tout. Il étaient en train de se séparer.



Guillaume est revenu de son stage des Glénans le lendemain de notre déjeuner. Il n’avait même pas défait son sac que je lui racontais tout. Son père dans l’avion. Mes hésitations. Le déjeuner sous les arcades du Palais Royal. La réaction positive de Philippe…. Je parlais et ça l’énervait. Il me répétait qu’il ne voulai pas le voir. On a parlé très longtemps . jusqu'à onze heures ce soir-là, puis le lendemain, dés le petit déjeuner. Il se calmait peu a peu, la curiosité commençait a l’emporter. Il se refusait à appeler son père mais l’idée que Philippe, lui, llui téléphone ne lui déplaisait pas totalement. J’ai appelé Philipp . Mais lui préférait voir Guillaume plutôt que l’ appeler. Tous les deux, le père et le fils refusaient à faire le premier pas. Il fallait que j’arrive à les sortir de cette impasse .




J’ai mis plus de deux mois à convaincre Guillaume de rencontrer son père. Et j’y arrivée. « D’accord, mais alors, surtout, pas à la maison…» « Où? » « Si tu veux , dans ce restaurant, au bord des jardins du Palais Royal ou vous vous êtes revus… » J’étais très contente, je n’y croyais plus.



J’ai rappelé Philippe. Je lui ai dit: « il est d’ accord. Il accepte de te voir. » Il était ému, je le sentais tellement ému.



Cette conversation date de huit jours maintenant. Guillaume va avoir 16 ans. Je ne sais pas très bien comment ça va se passer mais je suis optimiste . Je crois qu’ils vont arriver a s’entendre, que ça va même tout changer pour Guillaume et aussi pour Philippe. Cette rencontre, c’est le cadeau que je veux faire à mon fils pour son anniversaire. Lui permettre de connaître le père qu’il n’a jamais vu, n’ est ce pas le plus beau cadeau qu’ on puisse faire à un garçon pour ses 16 ans?



Voilà. On en est là. Le déjeuner, c’est samedi prochain. Pour la première fois, on va se retrouver ensemble tous les trois. J’espère qu’il fera beau.


ELLE. 22 Octobre 2007 . Propos receuillis par Antoine Silber

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