vendredi 18 janvier 2008

« Avec lui, c’est comme au cinéma ! »

Je l'appelle James. Parcequ' il me rappelle James Fox, cet acteur anglais qui jouait dans « the servant »de Joseph Losey, un de mes films –culte. Ca ne vous dit rien ? A lui non plus. Je lui ai dit : « tu sais, James fox…» Il m'a répondu : « Connais pas ! » J'essaye de le rendre un peu plus cinéphile, ce n'est pas facile.


Il est trader. Chaque fois, qu' on se voit , il me parle de cours de bourse, de marché obligataire, de cac 40. Je n'y comprends rien. Je fixe sa lèvre supérieure qui est en forme d'accent circonflexe. Je regarde ses grandes mains blanches bien manucurées. Je le trouve beau. Il porte toujours un costume gris , de belles chemises blanches , des chaussures noires et pointues. J'ai invariablement envie de lui dire que ses jambes de pantalon sont trop courtes mais je n' ose pas. Il aime bien pourtant que je me foute de lui , il a de l'humour, même s'il sort d'HEC.



On communique bien. Il me dit qu'avec moi il peut parler tandis qu'avec elle, il n'a rien à dire. Elle, c'est Marianne , sa fiancée, l'officielle. Elle est casse- pieds , coquette, égocentrique. « Je suis tombé amoureux d'elle, me dit-il, parce que nous avions le même style de famille. » Elle est du 17ème, elle a fait HEC , elle est blonde avec de gros seins . Moi, mon père est musicien, ma mère infirmière et je me ronge les ongles. Je n'ai que bac plus 5 et je suis de Chatou. Ils se marieront un jour, c'est programmé ! Mais alors pourquoi va t il va draguer sur des sites de rencontres ?


Je l' ai rencontré sur Meetic, il y a 4 ans. Son sourire! Ses dents blanches très droites ! La première fois, il est arrivé dans son Austin Mini grise, je riais parce que ses genoux touchaient le volant(j'ai oublié de dire: il fait 1 mètre 90!) On a dîné dans une pizzeria , après on est allés chez lui (oui , le premier soir ! ). Son appartement ressemblait à un catalogue Ralph Lauren maison. Il avait un beau canapé bleu. Il disait que je lui faisais un effet incroyable. Je m'efforçais de lui plaire, d'être spirituelle, élégante, posée. Au bout de trois semaines, soudain plus de nouvelles. J'attends. Un jour, un e-mail: "J'ai rencontré quelqu'un avec qui j'ai envie de bâtir une relation." J'étais trop triste.





On ne s'est plus vus pendant trois ans. J'ai eu des relations diverses qui toutes se sont soldées par des échecs. Il y a un mois, surprise : il me rappelle et j accepte de le revoir. Toujours aussi beau, poli et gentil. Grand et mince . Encore qu'un peu moins mince, avec quelques mignons petits plis au ventre. Il m' explique qu'il est toujours avec Marianne , mais qu'elle est récemment partie préparer un MBA à Londres ,que le week-end d'avant, elle l'a gifflé en pleine rue pour une broutille et qu'il ne sait plus où il en est avec elle. Il me raccompagne dans ma banlieue. Je le laisse m'embrasser devant mon portail mais je refuse de coucher, j'en ai quand même pris plein la geule avec lui.


Généralement, je n'aime pas renouer avec mes ex, cela me fait trop mal . J'ai tout de même accepté un autre rendez-vous . Là, je lui ai parlé cinéma, vanté les films de Lars Van Trier et de Pialat , raconté que j'aimais tellement « les Oiseaux « d'Hitchcock qu'en vacances à San Francisco, j'étais allée en Greyhound jusqu'à à Bodega Bay, rien que pour voir où ça avait été tourné, il avait l'air bluffé. Il me disait qu'il ne pouvait pas se passer de moi, qu' il n'avait jamais rencontré une fille qui lui fasse un tel effet. Il me comparait à Tipi Hedren et à Grace Kelly , ces héroines hitchcokiennes qui à l'extérieur, ont l'air froides mais qui sont chaudes brulantes inside . « C'est exactement toi » insistait-il.



Je n'avais pas eu de relation sexuelle depuis neuf mois. J'avais trop envie. J'ai cédé. C'est tout frais, c'était samedi ,il y a quinze jours. Je voulais dîner japonais, il m'a proposé de passer chez lui avant de ressortir au restaurant, il voulait prendre une douche et se changer. J'ai accepté, malgré le bruit distinct de "gros sabots" qui me tintait à l' oreille. Sur sa boîte aux lettres, il y avait le nom de cette Marianne: elle avait donc emménagé chez lui bien qu'elle vive à Londres! L' appartement avait changé. Elle l'avait redécoré: guirlandes de boules en plastique au mur, photos de leur couple partout, livres de Houellebecq: tout ce que je déteste…. Il était fatigué, on a décidé de ne pas ressortir, de faire venir des sushis et des sashimis de chez le Japonais du coin de la rue . Et on s'est retrouvé au lit avec les sushis et les sashimis d'un côté et son ordinateur portable de l'autre, parcequ'il voulait absolument me montrer Scarface, de Brian de Palma, son film préféré .


Je ne sais pas si vous avez vu ce film, c'est quelque chose. Atroce ! Il en connaissait tous les dialogues par cœur. Il me commentait les scènes au fur et a mesure, en mimant Al Pacino dans son personnage de gangster cubain, le nez toujours dans la coke et amoureux de Michele Pfeiffer. Assez classe , elle, comme toujours. C'est Michèle Pfeiffer ! Mais Al Pacino lui parlait tellement mal! Je lui dis : « mais regarde comme il la maltraite. Il ne l'aime pas. » Lui : « Mais si , au contraire il l'adore. Mais…à sa façon . »


On s'est embrassés . Le film continuait en arrière-plan. Je l' ai amené dans mes bras. Je le trouvais encore plus doux qu' avant, plus confortable. Je lui caressais les cheveux. Je lui donnais toute la tendresse que je porte en moi depuis que je 'lai rencontré . Il m'embrassait. Il m'aimait. Il se donnait. Il avait envie de moi, c'était une vraie joie.


Quand il s'est réveillé ,le matin, il était mal, maussade. C'était la première fois en trois ans , m'a t il expliqué qu'il trompait Marianne . Tout l'énervait . J'étais dans la salle de bains, vraiment contente, je l'entendais râler de l' autre côté de la porte. Je sors de la douche, je prends un peignoir, je ne savais pas qu'il était à elle. J'arrive dans la chambre. Il me voit dans ce peignoir , il devient tout blanc. Il gueule:« non , non, pas ça, s'il te plait ! ». Je vais l'enlever. Je me dis: «mais cette fille, décidément, elle gâchera toujours tout entre nous! ». Il me suivait dans l'apparte , je regardais les crèmes , les parfums, il avait peur que je prenne quelle que chose, il était terrorisé. J'ai eu un fou rire. Je me souviens quand je 'lai quitté , je ne pouvais plus m'arrêter de rire. C'était horrible parce que lui ne riait pas du tout.




Je me demande si un homme peut aimer deux femmes à la fois. Est ce qu'il a vraiment besoin des deux ? De Marianne pour sa famille, pour les apparences ? Et de moi pour parler, faire l'amour, pour le plaisir? Surtout, est-ce que moi je peux tenir longtemps dans ces conditions? Je préfèrerais vraiment être un homme: on doit moins souffrir quand on se donne. Et après, on n'a pas besoin d'attendre éternellement devant le téléphone.


On ne s'est revus qu' une fois depuis notre nuit. Mais on se parle par MSN. Je lui envoie des photos d' actrices que je trouve belles. Rachel Weisz, Michelle Rodriguez de La série « Lost » Mais celle qu'il aime , ça reste Scarlett Johansson. Elle, j'aimerais bien qu'elle tombe d'une falaise…

Avant-hier, je lui ai envoyé une photo de James Fox, l'acteur anglais du « Servant ». Il m'a répondu : "J'admets une légère ressemblance…". Sinon rien , rien d'autre . Je ne sais plus quoi faire .


Au bureau, il y un garçon qui a l'air de me draguer. Je l' appelle Richard parcequ'il ressemble à Richard Gere. Mais moi je ne suis pas Julia Roberts , je ne veux pas jouer les Pretty woman. C'est James que j'aime. Je veux juste James .

Quand je ne le vois pas, il me manque .Si je pense trop à lui, je ressens de telles bouffées de tendresse, ça me fait mal. Ca part d'en bas, du ventre. Ca me remonte jusqu'aux yeux , ça me fait pleurer.

S'il pouvait m'appeler là, maintenant! Ou m'envoyer un texto, un petit texto. Je n'en demande pas plus.


ELLE. 2 juillet 2007. Propos recuellis par Antoine Silber

Aucun commentaire: