« Tu vas accoucher. Quelle chance …..» Quand en 2006, Carlotta, ma meilleure amie a appris que j'étais enceinte, elle m'a raconté comment ça s'etait passé pour elle à la maternité des Bluets(1). J'avais déjà un enfant, un garçon: Loup. J'avais accouché de manière habituelle , sous péridurale , je n'en gardais pas un souvenir atroce , mais ça avait tout de même été une épreuve. Le bébé était là , nous étions bouleversés.Simplement, j'avais eu l'impression de ne pas avoir pris en mains mon propre destin, d'avoir été un peu infantilisée.
« Tu vas accoucher. Quelle chance …..» Elle me répétait ça .Elle a deux enfants, elle est prof d'anglais. Elle me racontait son accouchement comme une expérience extraordinaire, une révélation. J'avais une autre amie ,Sophie qui avait accouché là bas aussi. Pour elle , ça avait été ,disait-elle, « simple et joyeux «. C'était tout ce que je voulais . J'ai décidé de tenter le coup.
Ma mère me répétait que ma naissance avait été le plus beau moment de sa vie mais en même temps, celui où elle avait le plus souffert… Forcément dans mon esprit, l'accouchement restait un mauvais moment à passer ! La naissance de mon fils n'avait rien changé: j'avais juste voulu évité de souffrir trop. Je me souvenais, j'étais vraiment paniquée quand la gyneco m'auscultait. Et à la clinique, pendant le travail , quand on me demandait de pousser, je ne sentais rien. J'étais là et je ne faisais rien. Je vivais ça comme une « patiente » Aprés la naissance de Loup, j'avais décidé de ne plus travailler qu'à mi temps. Je suis free Lance pour des boites de production de films de pub. Greg, mon mari est producteur de films de pub. Et quand, l'an dernier, je suis de nouveau tombée enceinte, je me suis dit qu'il fallait que j'arrive à dépasser ma peur….
Les Bluets , ça a toujours été une maternité d'avant-garde, ç'est la qu'a été inventé dans les années 50 l'accouchement sans douleur . Depuis ,évidemment, la préparation à la naissance a profondément changé, mais l'esprit demeure. Et dès le premier contact, c'est vrai que je me suis sentie mieux . Mieux accueillie que la première fois. Plus respectée. Je ne savais pas encore si j'accoucherais sous peridurale mais ce qui me frappait c'est que toutes les primipares voulaient accoucher « sans péri » tandis que les multipares , comme moi, nous hésitions.
Le terme était pour le 23 février. Le 22 au matin, j'ai mes premières contractions et de légères douleurs, type douleurs de règles. Je décide de reste au lit et je demande à Greg, mon mari, de rentrer déjeuner. On m 'avait dit : « Venez à la maternité quand vous en aurez marre des contractions »Elle n'étaient pas régulières mais fréquentes. A 18h: j''appelle ma s--ur . Je lui dis : « nous partons à la maternité , viens garder notre fils »A 19h , les contractions s'intensifient. Nous prenons la voiture vers 20heures. Je demande à Greg de brûler les feux, ce qu'il ne fait pas bien sûr…
Il n'y avait pas de salle d'accouchement prête. J'attendais dans le couloir, j'avais des contractions toutes les 7 minutes. « Vous avez envie de pousser ? » me demande la sage-femme. « Non » « alors attendez là… » Bras appuyés au mur, couchée sur le côté dans le fauteuil de la salle d'attente, j'essayais de gérer au mieux.
Dans l'accouchement , ce n'est pas l'enfantement le plus difficile, c'est de gérer les contractions. La sage-femme revient me voir. Elle m'annonce que la dilatation de mon col n'est que de 3cm. Une demi-heure après, la seconde sage-femme vient me voir. Je lui dis que ça ne va pas. J'en ai déjà marre alors que je n'en suis qu'au début ! Elle m'ausculte et là surprise : déjà 5 cm. Ca bouge vite. Elle me propose un bain avant de faire venir l'anesthésiste pour la péridurale: Le film des événement est le suivant: si ça se passe bien, j'accoucherai sans péridurale. Si j'ai de la fièvre ou si ça s'éternise on me fera une piqure, ce sera alors un accouchement traditionnel.
Le bain est prêt, je m'y plonge. Et là, une sorte d'explosion indolore : la poche des eaux s'est rompue. Greg m'aide à sortir de l'eau. Je suis nue avec un drap chaud autour de moi. Je vais jusqu'à la salle d'accouchement .Au moment d'atteindre la table, je crie : « J'ai envie de pousser ! » Une sensation très puissante qui vient de l'intérieur. Les deux sage-femme m'installent sur la table, sur le coté. Et elle me disent tout de suite de pousser.
Aux Bluets, on préconise l'accouchement sur le côté, parce que m' explique Marie Hélène, l'une des deux sages femmes, quand on est sur le dos, le périnée souffre beaucoup. Et puis, sur le coté, les bras vers le haut, avec le papa au dessus, on pousse mieux. C'est maintenant. Les deux sage femmes m'encouragent. Je pousse en utilisant ma respiration. Et ça marche. J'ai mal. Ca me brûle. Au moment de l'expulsion, il y a un grand étirement du périné, il y a cette impression de brulure. Il faut relacher. Marie Hélène me répète: « laissez sortir ». Elle a les bons mots, les mots justes. Je « laisse sortir » . Et ça passe. Au bout de 3 contractions, ma fille apparaît. Greg dit: « je vois sa tête ». Je le regarde : il a les yeux plein de larmes.
J'ai accouché à minuit et c'était complètement magique . Je n'ai pas raté une minute de ce qui s'est passé.Exactement ce que je voulais. Les sages femmes m'ont donné ma fille et elles sont sorties pour nous laisser Greg et moi faire connaissance avec elle. Fleur était sur moi, peau contre peau. Je me rappellais tout ce que je venais de vivre, toutes les sensations physiques, leur incroyable intensité. Aujourd'hui quand je regarde ma fille, je me rappelle ces moments-là, quand elle était posée sur moi, la tête très haut dans mon cou. Elle était toute recroquevillée, en boule, exactement dans la même position que les mois d' avant, dans mon ventre. On est restée longtemps comme ça toutes les deux. Et après elle a glissé, lentement sur ma poitrine . Et sa bouche, comme dans un réflexe archaïque, a pris mon sein.
En tout elle est restée deux heures sur moi. Dans la chambre après, elle dormait encore avec moi, contre moi. J'ai quitté la maternité au bout de trois jours. A la maison, la nuit, elle a dormi une semaine dans notre lit. Avant qu'on la mette dans son berceau.
Au bout de quinze jours, elle souriait déjà….
Fleur, notre fille, a maintenant 6 mois. Repenser à sa naissance reste une joie. Je n'en reviens toujours pas ! Elle n'a pas été lavée ni intubée avant deux jours . Je n'ai pas eu d'épiziotomie. Pour mon fils, on m'en m'avait fait une qui m'avait fait mal pendant trois semaines. Là j'ai juste eu une petite déchirure , on m'a recousue et je n'ai plus jamais eu mal après. Tout s'est passé dans la plus grande douceur. Je n'ai pas vu de médecin, seulement les deux sages femmes. Comme je le dis , j'ai accouché sans personne, « sans les mains ». De toutes façons , s'il y avait eu un problème , les médecins n'étaient pas loin! Est ce que j'ai eu mal? Oui. Mais jamais peur. La première fois, on avait « extrait « mon fils avec les forceps. Là, Fleur a été expulsée , comme si elle avait voulu sortir toute seule. C'était magnifique.
Cet été à Paris, je ne voyais que des femmes enceintes. Je voulais raconter mon histoire pour elles, pour toutes ces futures mères que je croise. Pour ma cousine aussi qui est enceinte de 8 mois. Et pour ma fille, un jour. J'ai vécu deux accouchements de manière diamétralement opposée. L'un sous péridurale avec épisiotomie et forceps, l'autre 100% physiologique.
Bien se préparer, affronter la peur de la douleur. Apprendre à la gérer. Vivre ce grand moment de la vie pour ce qu'il est, et non pas comme une épreuve, m'a permis ,je crois, d'avoir plus confiance en moi.D' être aujourd'hui plus épanouie.
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Pour toute information : www.bluets.org. Depuis février 2007 , la maternité des Bluets est située 4 rue Lasson ? Paris 12 ème .
Propos receuillis par Antoine Silber
ELLE. N°3220/ 17 Septembre 2007.
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