vendredi 18 janvier 2008

" J'ai tout fait pour qu'il revienne..."

Je voudrais vous raconter l'histoire d'une femme qui se retrouve seule avec 3 enfants dont un bébé de 3 mois. Je voudrais vous raconter comment cette femme va arriver à recoller les morceaux avec son mari. Cette femme, c'est moi. Cette histoire, c'est celle de ma vie avec Stanislas.

On avait eu une aventure à 20 ans, à l'Ile de Ré, où on se retrouvait chaque année en vacances. C'est moi qui l'avais quitté, comme on quitte a 20 ans, sans un mot, sans une explication. On ne s'était plus revus jusqu'au jour où en mai 2002, je reviens dans l'île, je passe à vélo devant sa maison et je le vois.

J'ai 32 ans, je suis divorcée avec une petite fille de deux ans et demies: Anna. Lui ne s'est jamais marié, il est devenu directeur général d'une boite d'audit. Il est toujours aussi costaud, aussi rugbyman. Il se croit toujours le roi du monde mais il est si gentil…Entre nous, ça redémarre tout de suite. En septembre il vient s'installer avec moi. En novembre, je tombe enceinte. C'est encore une fille. Je suis emportée dans un tourbillon de bonheur.


On s'est mariés en juin 2003 et Charlotte est née en juillet. Il etait dingue d'elle et génial avec Anna, ma première fille. Aprés mon congé mat', on me nomme directrice générale de la boite de com dans laquelle je travaille, mais pour lui, tout d'un coup, rien ne va plus. Il démissionne, monte son entreprise et se met aux Assedics. Il rame et moi je suis de nouveau enceinte.

A trois mois et demi, on me fait une amniosynthèse. La peur de faire une fausse couche, et en même temps la peur de le perdre ! Plus je grossis, plus je le sens loin, fuyant. On ne fait plus l'amour. Et la naissance de Zoé, en mai 2004, ne va rien arranger. En août, Zoé a deux mois , on se retrouve à l'Ile de Ré et c'est horrible. Il sort tous les soirs, comme quand il avait vingt ans. En trois semaines, on ne passe qu'une soirée en tête a tête , et encore parce que je l'en supplie à genoux. La petite Zoé est d'une beauté ! C'est un bébé facile, discret, qui s'efface comme si elle sentait qu'elle ne devait pas nous poser de problème, c'est tellement touchant.


On rentre a Paris, moi je n'en peux plus. Un soir,le 5 septembre, on parle . Ca donne ça: « Ca ne va pas ? » « Non, ça ne va pas. » « Qu'est ce qu'il faudrait pour que tu ailles mieux? ». « Je ne sais pas. » « Tu aurais besoin de prendre le large pour y voir plus clair? » « Oui » « Alors, vas-t- en ! » . « Daccord »

Il est parti le lendemain matin. J'ai refermé la porte, je me suis retrouvée dans la salle de bains avec les deux petites et je me suis effondrée. Je n' arrivais pas à regarder Zoé en face, je me disais: cet enfant que je viens de mettre au monde, quelle vie est-ce que je lui propose ? J'avais un sentiment de vertige qui m'emportait très loin, comme si c'était la fin du monde. Pendant ma grossesse, j'avais vu une psy, je l'ai appelée, je lui ai demandé des anti- dépresseurs. Et heureusement que j'ai fait ça: la douleur était trop vive, insupportable.

J'ai perdu six kilos en 15 jours. J'ai recommencé a fumer. En même temps je me suis remise au sport. Je courais comme une folle, deux fois dans la journée. J'ai de la chance, j'ai deux amies extraordinaires, plus ma mère et mes deux sœurs. J'ai mon ex mari aussi qui s'est révélé un vrai ami, et un autre copain. Ce sont eux qui m' ont sauvé la vie. D'autant qu'un mois, jour pour jour, après le départ de Stan, j'apprends qu' on ne me reprend pas à mon travail après mon congé mat'. Deuxième trahison!

Dés que je pense a Stan, je souffre. Je lui en veux :on n'abandonne pas une femme avec trois enfants! Le 2 janvier, je pars pour Bali. Dix jours, avec une amie. A l'est, là ou le soleil se lève. Pour moi, c'est très symbolique parcequ'effectivement, là bas, ça a été merveilleux . Le sable blanc. La zénitude totale . La sérénité retrouvée. C'est la bas que tout a changé et que j'ai commencé à renaître.



Au fond, c'est vrai: ce qui ne nous tue pas nous rend plus fortes ! Aujourd'hui, je me dis que c'est presque une chance d'avoir vécu des choses aussi dures. Ca m'a façonnée, ça m'a grandie.

Je suis rentrée à Paris. J'ai déménagé dans un appartement plus petit, moins cher, avec une vue sur des arbres et là j'ai commencé à lacher prise. Je ne voulais plus le juger mais le comprendre, je savais que c'était la solution. Je me disais : « Si je l'aime encore, il faut que je l'attende.Le temps qu'il faudra…. » Et aussi : « Je dois me remettre en question, comprendre ce qu' il me reproche, ce que je ne lui ai pas donné. »


J'étais plus cool, j' ai rencontré un homme, j'ai eu une petite aventure qui n' a duré que le temps de comprendre que j'étais amoureuse de Stan et d'aucun autre. Il fallait que j'aille le rechercher. Je lui ai envoyé un texto: « j'aimerais qu'on dîne ensemble ». Il m' a répondu : « moi aussi . ».

On s'est retrouvés dans un restaurant que j' aime bien, prés de la maison de la radio et on est arrivé à se parler sans animosité. Je lui ai dit que je ne lui en voulais plus pas, que je croyais en nous, en notre engagement, que je faisais ce travail de remise en question, qu'il pouvait prendre son temps, que je l' attendrai.


A partir de ce dîner, on s'est revus régulièrement. On avait eu notre dose de drame, de gravité, je m'arrangeais pour le faire rire. Je lui apportais de la légèreté. J'essayais de le déculpabiliser. On a passé l'été chacun de son côté. Sauf le week end du 15 aout où les petites étaient avec lui a l'île de Ré et où je suis allée les rejoindre avec Anna, ma fille ainée . C'était délicieux: trois jours à faire du bateau. On retrouvait peu à peu du partage, de l'intimité mais on faisait toujours chambre a part.

A la rentrée , on dîne de nouveau ensemble . Il me dit: « je ne sais plus très bien où j'en suis,c'est une question de choix de vie. Je me demande si je ne préfère pas être un homme libre.» C'était douloureux d'entendre ça, comme si avec moi, il se sentait en prison. Mais le lendemain, surprise: il vient chercher Charlotte pour l'amener à l'école, il me dit: « à midi, je déjeune avec les filles, ce serait bien si tu étais là ! ». Après le déjeuner, en repartant, il me fait un petit bisou sur la bouche. C'était la première fois depuis un an et demi, c'était si surprenant, si bon.



Il est revenu s' installer à la maison trois semaines après. Il était parti un an! Avec mes filles, Anna la brune qui a aujourd'hui 11 ans et demi, Charlotte, la blonde de 4 ans et Zoé, la rousse qui est toute bouclée qui a 2 ans et qui est maintenant d'une gaîté folle, on a lui a fait de la place. Sa place. Toute sa place. Tout ça se passait l'an dernier et depuis tout est différent: je l' encourage à prendre des moments pour lui, à aller dîner avec ses copains . Je ne le retiens plus, du coup je n'ai pas besoin non plus de lui demander des moments d'intimité, il me les donne de lui même.


J'aime Stan. Je l'ai toujours aimé. Je le vois et c'est comme si je le reconnaissais. Ca, c'est quelque chose qui m'a toujours habité. Quand on a la chance d'éprouver un tel sentiment, c'est important de se battre pour le préserver.

Je raconte tout ça, je suis un peu chamboulée, c'est normal. Mais c'est tellement difficile aussi d'aimer quelqu'un dans la durée ! J'ai vécu ces événements en me disant que je devais arriver à garder allumée cette petite flamme au fond de mon coeur qui ne voulait pas s'éteindre et aujourd'hui je suis récompensée. J'ai retrouvé un boulot qui me satisfait totalement. J'ai gagné mon procès aux Prud'hommes contre mon ancien employeur.

Le 7 juin, pour notre anniversaire de mariage, Stan m'a offert un week- end à Saint-Tropez. Cet été, nous repartons pour l'ile de Ré, pour nos premières vacances en famille depuis 2 ans. Je suis très heureuse.


ELLE. 16 juillet 2007. propos receuillis par Antoine Silber

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